Jamais elle n'aurait dû accepter. Les seules surfaces glissantes qu'elle connaissait était les pentes arides de ses montagnes pendant l'hiver. Skier, elle savait faire. Descendre une piste à vive allure, le vent fouettant son visage et faisant virevolter ses cheveux. Elle appréciait assez cela, d'ailleurs. Étrange comme, lancée à 80 kilomètres heures sans aucune protection, elle avait bien moins peur que juchée immobile sur des patins.

Des patins, bon dieu. Elle aurait dû y penser à deux fois avant de leur dire oui.

La sortie s'annonçait bien, au départ. Les séances de cinéma, les virées shopping, les fast-foods bruyant, elle avait fini par s'y habituer. Elle savait comment se comporter pour ne pas se retrouver dépasser par des événements imprévus. Car si elle se laissait surprendre, elle risquerait de déborder : se mettre à trembler, suffoquer, s'évanouir... Et passer pour une tarée de premier ordre. Non, elle était prête, savait désormais quelle armure enfiler pour ne déclencher aucune crise d'angoisse et minimiser ses maux de têtes. Mieux, elle commençait même à y prendre un certain plaisir et à apprécier celles qu'elle surnommait dans son esprit ses « compagnes de galères », mais qui se seraient sans doute d'avantage décrites comme « sauveuses officielles de la vie sociale de Sarah Dusk ».

Charlotte et Tiphanie étaient deux étudiantes plus âgées qui l'avait immédiatement prise sous leur aile en début d'année. Charlotte était grande et extravertie, riant de tous et de tous le monde, posant sur vous ses yeux vert acérés comme si elle envisageait de vous disséquer pour comprendre tous vos secrets. Tiphanie, plus discrète et dont la peau mate attirait les regards à chacune de leurs sorties, contrebalançait la nature explosive de son amie en affichant constamment un petit sourire d'excuse. Leur duo fonctionnait bien, et Sarah n'aurait jamais eu le courage – ni l'envie d'ailleurs – de les aborder. C'étaient elles qui avaient insisté pour qu'elle les suivent dans leurs différentes sorties en ville, et la jeune femme n'avait pas osé refuser.
Sans doute aurait-elle dû.
Cela lui aurait évité de se retrouver là, à trembler sur ses patins et à ne pas faire un geste de peur de se ridiculiser en beauté.

Et pourtant, les deux autres étudiantes se montraient encourageantes. A l'inverse de Soie, qui regardait anxieusement sa maîtresse lutter depuis la berge, elles n'avaient pas compris la peur panique qui nouait l'estomac de Sarah et l'empêchait de faire le moindre geste, cette peur enracinée dans une certitude : celle de ne rien contrôler. Ni l'effet de ses mouvements, ni les dangers qui pourraient survenir de n'importe où ailleurs. Charlotte et Tiphanie se contentait de rire de son immobilité et de l'encourager, attirant les regards curieux des passants et promeneurs qui faisaient le tour du lac. Il commençait à y avoir du monde sur la glace, et cette profusion de facteurs imprévus l'empêchait de se concentrer. Elle détestait la position de faiblesse dans laquelle elle se trouvait et elle se détestait de s'être mise dans cette foutue situation.

Il fallait qu'elle se calme.
Qu'elle se calme et qu'elle élabore une stratégie.
Une chose après l'autre.
Respirer. Doucement.
Au loin, une déesse blanche enchaînait les figures sur le lac gelé, glissant avec une aisance impossible sur le sol blanc. Elle décollait et réaterrissait comme si la gravité n'avait pas d'effet sur elle, aussi gracieuse qu'un Lakmécygne. Comme si c’était d'une facilité aberrante.

Sarah inspira à fond, lança un sourire de façade à Soie pour le rassurer, et fixa ses pieds. Il n'y avait pas de raisons qu'elle ne parvienne pas à avancer. La théorie était simple, il suffisait de faire glisser ses pieds vers l'arrière. De reculer pour avancer. Mais bordel, qui avait eu cette idée de merde ?

« - Bouge pas, je vais te tirer.
- NON ! »

Trop tard. Charlotte avait saisit ses bras et la tirait en avant, dans un lent mouvement des plus ridicule. Qui avait le mérite de fonctionner, cependant : elles avançaient.
Sarah se retint très fort de retirer vigoureusement ses mains de celles de Charlotte, et tenta un premier mouvement, qui la propulsa quelques mètres en avant. Bon. Ça va le faire.
Peu à peu, elle comprit comment bien se positionner et où placer son poids pour conserver son équilibre. Après quelques tours de lac, elle réussit à avancer sans l'aide de Charlotte, et pu se permettre de prendre un peu de vitesse. Rien à voir avec les arabesques que dessinait la déesse de l'autre côté du lac, mais cela suffisait amplement à son bonheur.
Patiner n'était finalement pas si désagréable. Beaucoup moins grisant qu'une descente en ski, mais les mouvements se ressemblaient un peu, et cela avait quelque chose de rassurant.
Même si l'angoisse lui nouait toujours les entrailles à la vue de tous ce monde sur la patinoire, cela était redevenu supportable. S'arrêtant tant bien que mal près de Soie, Sarah lui tendit la main.

« Tu veux faire un tour ? »

Ne se faisant pas prier, le Minidraco monta le long de son bras pour s'enrouler autour de son épaule, et sa maîtresse pu repartir. Elle allait lentement, évitant avec prudence les autres patineurs près des berges. Soie regardait les pieds de sa dresseuse et le sol glacé défiler sous eux, probablement un peu inquiet. Sarah n'était pas beaucoup plus sereine, et demanda bientôt à son pokémon de rentrer dans la poche de son manteau. Elle baissa les yeux moins d'une seconde pour la lui ouvrir, et lorsqu'elle les releva, un gosse blond était brusquement apparu devant elle, coursé de près par sa mère. Régissant urgemment pour éviter de les percuter, Sarah dévia de sa trajectoire vers le centre du lac... et ne parvint pas à s'arrêter à temps pour éviter la danseuse blanche sur sa gauche.

« Att... »

La collision lui coupa violemment le souffle et le monde disparut subitement.  

Sarah ne savait plus où se trouvait le haut et où se trouvait le bas. Elle ne savait plus non plus si elle tombait ou était projetée en l'air, si elle avait perdu connaissance et rêvait. En fait, elle ne sentait son corps que de très loin, et elle aurait même pu croire ne plus rien sentir, sans la vilaine migraine qui s'était soudainement installée dans sa tête. Sa vision s'était obscurcie, et venu d'un coin de son cerveau dérangé, un bruit qu'elle connaissait trop bien avait tout submergé, et résonnait en boucle à l’intérieur de ses tympans. L'explosion.

Cela ne dura qu'une fraction de seconde. Un clignement de paupière plus tard et elle se retrouvait étendue sur la glace, les fesses douloureuse et les yeux perdus dans le ciel. Soie, qui s'était posté sur sa poitrine, ondula de soulagement en voyant sa dresseuse reprendre pieds. Mais le mal était fait, et Sarah pouvait presque sentir la crise arriver dans son souffle court, son mal de tête insupportable et la boule douloureuse qui lui comprimait l'estomac. Non non non non non. Elle était très loin de la rivière et du bateau. Il ne fallait surtout pas qu'elle panique. Pas là, pas sur la glace, trop loin de son sac pour avaler ses calmants et alors que personne – personne – ne pourrait lui venir en aide. Il fallait qu'elle se calme. Soit normal. Tout de suite.

L’étudiante inspira longuement par le nez et s'aida de ses bras pour se retrouver en position assise. Discipliner sa respiration était la première étape pour éloigner une crise. Mais cela ne serait que temporaire : tant qu'elle continuerait à appréhender, son angoisse augmenterait et le risque demeurerait. Il fallait qu'elle trouve une distraction, et, grâce soit rendue à Arceus, elle n'eut pas à chercher bien loin. En face d'elle, la danseuse blanche s'était déjà relevée.
Elle était encore plus intimidante vu de près. Elle devait avoir à peu près le même âge, mais ses habits, sa posture et la façon dont elle fusillait Sarah du regard ne trompait pas : elle était sacrément en colère, mais aussi intouchable et fière, de cette fierté septentrionnienne toute particulière qui dénigrait merveilleusement bien l'autre. Sarah savait qu'elle pouvait aussi donner cette impression lorsqu'elle parlait, afficher cet air supérieur hérité de son éducation bourgeoise. On ne le lui avait jamais reproché jusqu'à maintenant et sans doute était-ce beaucoup moins prononcé chez elle que chez la danseuse – du moins elle l’espérait, car se retrouver de l'autre côté du miroir s’avérait vraiment embarrassant. Son cœur redoubla d'intensité et ses joues s'empourprèrent de honte lorsque les paroles de la fille finirent par atteindre son cerveau.

- C'est quoi ton problème ?! Regarde un peu où tu vas, tu n'es pas seule sur la patinoire.

La fille avait raison, elle était en tort et il fallait qu'elle s'excuse. Elle n'aurait pas dû prendre confiance si vite... D'ailleurs ce n'était pas son genre. Qu'est-ce qui lui avait permis de croire qu'elle ne courrait plus aucun danger ? Elle savait bien que c'était faux et...
Minute.
En quoi était-elle la fautive ? Elle avait évité de percuter un enfant, et son interlocutrice avait surgi d'un coup sans crier gare. De son point de vue, c'était la danseuse qui lui était rentré dedans, et non l'inverse. Sans doute y avait-il un peu des deux, mais Sarah n'eut guère le temps d'y songer, soudain percuter de plein fouet par la remarque suivante.

- De toute façon, tu as autant de chance d'apprendre à patiner convenablement qu'un Psykokwak peut faire preuve d'élégance.

Sarah ferma les yeux pour tempérer sa migraine, inspira longuement une seconde fois et se releva. Si elle restait complètement immobile, les patins ne seraient pas un problème. Soie vint se percher sur son épaule, curieux mais appréhensif. Il avait senti le changement d'humeur de sa maîtresse, et n'était pas sûr de cautionner ce qu'elle allait dire. L'étudiante, elle, ficha ses prunelles dans celle de la danseuse. Sarah était angoissée, timide et réservé. Elle était craintive, maniaque et pouvait aisément passer pour taciturne si elle le souhaitait. Mais elle était aussi fière, fière comme une habitante du Septrion, fière car la notion d'honneur était ancrée en elle depuis sa plus tendre enfance. C'était par fierté qu'elle ne pouvait supporter de faire des crises d'angoisse en public, par fierté qu'elle voulait tout prévoir pour s'empêcher de se ridiculiser. Alors il était hors de question qu'elle laisse l'hystérique en face d'elle l'insulter sans réagir.

- Ton amabilité dois s'être perdue dans la chute... C'était un accident.

Elle ne s'était pas énervée, mais avait simplement adopté un ton glacial emprunté à sa grand-mère, rendant à la danseuse sa mauvaise humeur. Les quelques curieux qui les avaient vu tomber depuis la rive ou sur le lac les observaient encore, mais Charlotte et Tiphanie étaient trop loin, de l'autre côté du lac, et n'avait sans doute pas remarqué la trop longue absence de leur ami. Personne ne viendrait soutenir Sarah, mais elle n'en avait pas besoin : d'abord parce que Soie était là, sur son épaule, rassurant. Et ensuite parce que le regard des badauds autour du lac serait sa meilleure protection. La première qui montrerait franchement sa colère aurait perdu, livrée aux jugements de la foule. Et aucune d'elle ne pouvait exploser, n'est-ce pas ? Leur fierté les retenaient.

- Je ne compte pas faire carrière, de toute façon. Et puis je ne vois pas à quoi me servirait de savoir faire des pirouettes, j'ai la frime en horreur.

Soie gifla discrètement la nuque de Sarah de sa queue, exprimant son désaccord avec le comportement de sa dresseuse. Mais il fallait bien que l'étudiante se défende, non ? C'était un peu méchant, gratuit... et surtout très hypocrite, puisque Sarah avait plus tôt observé avec admiration la fille évoluer sur la glace. Mais elle devait lui rendre la monnaie de sa pièce. De toute façon, elle était encore trop remontée pour voir la puérilité de leur échange et comprendre son Minidraco, qui aurait sans doute aimé s'en aller tranquillement. Elle n'avait pas réussi à répondre avec autant de dédain que la danseuse, en étant davantage sur la défensive. En tous cas, elle n'avait guère envie de s'attarder en fasse de l'autre... Il fallait impérativement qu'elle prenne ses médicaments pour faire taire sa migraine. Et ce Tiplouf qui ne cessait de pépier n'arrangeait rien !

L’étudiante savourait pleinement la surprise et la frustration qu'elle lisait dans les yeux de son interlocutrice. Celle-ci n'était manifestement pas habituée à ce qu'on lui tienne tête, et même si elle dissimulait très bien son trouble sous un vernis d'indifférence, Sarah n'était pas dupe. Elle savait qu'on pouvait lire exactement la même expression sur son propre visage lorsqu'elle était désappointée.

La patineuse se reprit bien vite, mais cette fugace victoire avait suffit à Sarah pour commencer à mieux la cerner. Elle sortait du moule de l'éducation bourgeoise, elle aussi. Sûrement à un degré beaucoup plus élevé que celui de l'étudiante, mais cela ne changeait rien : elles jouaient dans la même cour, avec les mêmes règles. Honneur et Orgueil. Des valeurs que Sarah avait appris à ravaler ses derniers mois, puisque guère utiles face à d'autres personnes que sa grand-mère. Son besoin de calme et de solitude avait drastiquement limité ses contacts depuis son arrivée à Belagora, et donc diminué les occasions de s'adonner au joutes verbales. De toutes façons, elle n'avait jamais été très douée à ce jeux et n'y prenait qu'un plaisir réduit.

Par chance, le Tiplouf s'était enfin arrêté de piailler, permettant à Sarah de se remettre définitivement le cerveau à l'endroit. Soie, sur son épaule, semblait anxieux, attendant probablement le retour de flamme qui n'allait pas tarder. Oh, la danseuse n'en resterait pas là, pour sûr. C'était une dispute d'enfant, chacune chercherait à avoir le dernier mot. Mais après la contrariété et la colère passagère qui avait habitée Sarah, la lassitude l'étreignait. Elle n'était ni très rancunière, ni très tenace. Avoir rabattu son caquet à la demoiselle pour quelques secondes lui suffisait amplement, et elle ne voyait pas de raisons de s’attarder d'avantage : elle n'avait aucune envie de continuer à subir la mauvaise humeur de la jeune femme. Après tous, elle avait bien assez de problèmes avec ce qu'il se passait dans sa propre tête pour s'embêter d'avantager avec ce conflit. Elle cherchait déjà un moyen de clore la conversation pour rejoindre Charlotte et Tiphanie, quitter cette patinoire et retirer ses fichus patins. Maintenant qu'elle avait eu l'ascendant sur son interlocutrice, elle pourrait s'excuser à demi-mots et s'en aller sans perdre la face. Mais la remarque de la jeune femme la stoppa net dans son élan.

« Ce n'est pas simplement d'en faire une carrière ou pour le plaisir, c'est la fine frontière entre l'harmonie et l'affrontement, la vitesse et le ralenti. Lorsque le crissement des lames sur la glace devient un élément musical à part entière. Ce n'est pas dans la prouesse ou la démonstration, mais transmettre au corps une pure bouffée de libération et d'espace. »

Entendre de telles paroles dans la bouche de la danseuse s'avérait très étonnant, en désaccord total avec l'image qu'elle lui avait montré jusque là. Mais au-delà de la surprise provoquée par cette réponse, celle-ci réveillait en Sarah un sentiment de contrariété dont elle se serait bien passée. Elle ne pouvait pas la contredire : elle l'avait vu patiner et avait trouvé la façon dont elle évoluait sur la glace particulièrement élégante. Au lieu de glisser, on aurait dit qu'elle volait. Tellement sereine, complètement opposée à la boule de fierté que Sarah avait devant elle. En la voyant de loin, l'étudiante l'avait enviée, aurait adoré pouvoir se sentir aussi bien, respirer et bouger avec cette harmonie, cette maîtrise. Pouvoir être aussi insouciante et libérée du poids qu'elle avait constamment sur la poitrine et qui l'empêchait de respirer, pendant seulement quelques précieuses secondes. Si la jeune femme se montrait aussi agressive, n'était-ce pas parce que Sarah l'avait interrompu alors qu'elle pouvait enfin respirer ?

Mais même si la honte, en prenant racine dans son hypocrisie, commençait à se frayer un chemin jusqu'à elle, sa fierté y faisait barrière, et ne pouvait supporter l'expression de pitié qu'elle lisait sur le visage de la demoiselle. Pensait-elle qu'elle valait mieux que l'étudiante parce qu'elle savait faire des pirouettes et de la poésie ? Si ce n'était que ça, il n'y avait aucunes raisons que Sarah se sente inférieure : elle aussi savait bien parler. Mais avait-elle vraiment envie de donner une occasion à la danseuse de surenchérir ? Cette discussion la fatiguait. Elle savait bien qu'appeler à la paix la première serait vu comme un aveux d'échec, mais il ne ressortirait rien de bon de ce combat de Tokorico. Après tous, ce n'était qu'une version améliorée des disputes enfantines qui les opposaient autrefois, elle et sa sœur. Et comme jadis, Sarah, lassée, céderait la première.

Néanmoins, elle devait montrer à son interlocutrice qu'elle ne s’avouait pas vaincue, loin de là, et qu'elle était assez forte pour lui tenir tête. Lui renvoyer la balle tout en calmant le jeux, en somme.

« Je te croirais volontiers si tu en donnais une meilleure image. Il faudrait penser à revoir ta stratégie marketing... Insulter les gens est rarement la meilleure approche.  »

Soie vint une nouvelle fois gifler le dos de sa maîtresse. Sa contrariété l'avait emporté sur son envie de calme, et elle n'avait pas pu s'empêcher de finir sur une dernière pique. Exactement comme l'aurait fait son incorrigible grand-mère. Son Minidraco avait raison de la gronder : elle ne se facilitait pas la tâche.

« J'ai dû éviter un enfant sur la glace, et je maîtrise encore mal mes patins  », fit-elle, désireuse de désamorcer la bombe qui s'apprêtait sans doute à exploser en face d'elle. Elle désigna d'un mouvement de tête la berge, où la mère continuait de réprimander son gamin, en jetant de temps en temps des coups d’œil embarrassés au deux jeunes filles. « Je n'ai pas pu m'arrêter à temps, et tu étais trop... concentrée pour me voir. Nous sommes quitte, en quelque sorte.  »

Même si son « concentrée » avait sonné un peu cynique malgré elle, Sarah souhaitait vraiment en finir avec cette chamaillerie. C'était leur faute à toute les deux, donc quelques part, ça n'était la faute de personne. Pas la peine de s'énerver pour si peu. Si son adversaire ne daignait pas collaborer, très bien. Sarah se montrerait plus sage.

« L'important, c'est qu'aucune de nous ne se soit blessée.  »

L'arrière-train et le crâne de Sarah lui affirmait l'inverse, mais quelques bleues ne comptaient pas vraiment, tout comme sa migraine, à laquelle elle était de toute façon habituée. Il n'y avait pas eu de sang, ni de blessures, et elles devaient s'estimer heureuses, puisque ce genre d'accident n'était pas chose rare quand on avait des lames aiguisées au pieds. L'étudiante avait déjà remarqué la cicatrice qui barrait le sourcil de son interlocutrice. Si elle se l'était faite sur la glace, elle avait eu beaucoup de chance de ne pas finir borgne ! Ou bien cela n'avait rien à voir et Sarah se faisait des idées....

L'étudiante s’apprêtait maintenant à s'éclipser. Elle rêvait de laisser Tiphanie et Charlotte en plan, retourner dans son appartement minuscule, éteindre toutes les lumières et enfouir sa tête dans son oreiller pour faire cesser son mal de crâne. Elle allait sans doute se ridiculiser en beauté en se dandinant pour rejoindre la rive sur ses patins, mais tant pis. Après tout, elle s'était déjà retrouvée les quatre fers en l'air, et le ridicule ne l'avait pas tué.

L’altercation qui venait d'avoir lieu avait au moins eu le mérite d'éloigner de Sarah les souvenirs de l'accident, et la potentielle crise d'angoisse qui la guettait. Maintenant, ne lui restait plus qu'une lassitude et une fatigue incommensurable. Non, décidément elle n'était pas faite pour cela. Dès qu'elle mettait les pieds dehors et tentait de participer aux mondanités et d'agir comme une jeune fille normale, tous se passait mal. Et quand elle aurait pu faire profil bas et éviter de faire des vagues, elle sautait à pieds joins dans les ennuis et son orgueil lui jouait des tours. Quelque chose ne tournait définitivement pas rond chez elle et ce sentiment ne lui était hélas pas étrangé. Il revenait régulièrement, rythmant son quotidien comme une deuxième montre à son poignée. Et elle supportait de plus en plus mal ses blocages, exaspérée par sa propension à ne rien supporter, par ses éternelles migraines et son besoin pathologique de silence et de solitude. Et pourtant, résignée, elle s'apprêtait à quitter sans plus de cérémonie le lac pour aller s'enfermer dans sa chambre, se bourrer d'antidouleur et dormir. Elle trouverait bien une excuse à servir à Charlotte et Tiphanie... Après tous, ce n'était pas la première fois qu'elle leur faisait faux bond. Et étrangement, cela ne l’embarrassait aucunement. De même, quitter maintenant la danseuse lui semblait correct. Même si elle n'avait pas répondu à ses tentatives maladroites de réconciliation, son silence faisait en quelque sorte valeur de d'assentiment. Un partout, balle au centre, la discussion était close, tant mieux.

Sarah n'avait maintenant plus qu'à rejoindre du mieux qu'elle le pouvait la rive, récupérer sa fidèle sacoche et s'éclipser. Mais, immobile sur ses patins, elle ne savait plus par où commencer pour se remettre en mouvement. Les quelques gestes et réflexes qu'elle avait acquis voilà quelques minutes semblaient s'être envolés de son esprit.
Sans doute n'aurait-elle pas dû réfléchir autant, et cesser d'intellectualiser ses actions. Mais Sarah avait besoin de tous contrôler, et si elle ne pouvait avoir aucun impact sur la glace ou les personnes autour d'elle, elle devait comprendre les mouvements, analyser la façon d'avancer, trouver une échappatoire, quelque chose qu'elle pouvait maîtriser. Mais elle avait beau réfléchir, tous les gestes qu'elle aurait pu effectuer comportaient une part de danger, et s'imaginer tomber une nouvelle fois, surtout sous le regard encore inquisiteur de la patineuse, était au-dessus de ses forces.

Soie, toujours inquiet quand aux troubles de sa maîtresse, tentait de la réconforter du mieux qu'il pouvait en s'enroulant autour de ses épaules et de son cou, suivant les reliefs que formait l'écharpe rouge de la jeune fille. Sarah savait que le petit serpent peinait lui aussi à s'adapter à la grande ville et à sa foule omniprésente, et souffrait de ne pouvoir sortir de sa poche plus souvent. Elle s'en voulait de lui rajouter en plus le poids de ses soucis. C'était elle qui aurait du le réconforter, et pas l'inverse.

Les yeux fixés sur ses patins, ne sachant quel pied avancer en premier, la demoiselle n'avait pas vu son interlocutrice croiser les bras, et ses conseils la surprirent. La danseuse semblait s'être résignée elle aussi à clore leur dispute stérile. Enfin, pas si stérile que ça, si elle débouchait sur une leçon de patinage. Pensait-elle réellement pouvoir lui inculquer les bases de la glisse après leur accrochage ? Sarah elle-même doutait très fort d'être une élève assez brillante, mais trouvait la tentative de sa comparse plutôt judicieuse. Même si elle restait froide et toujours assez antipathique aux yeux de l'étudiante, sa voix s'était faite moins sèche, et témoignait, si ce n'était pas d'une la volonté d'aider, d'au moins redémarrer sur de meilleurs bases.

Il fallu quelques secondes à Sarah pour mettre de côté sa fierté et suivre les conseils de la patineuse. Ça ne pouvait pas lui faire de mal... Elle inspira un bon coup pour se détendre. Pas évident. Mais elle était contente de pouvoir tout effacer et recommencer depuis le début. Elle se redressa donc, et tenta de ramener ses deux pieds l'un contre l'autre. Il fallait qu'elle se relâche pour laisser à ses genoux assez de souplesse, mais malgré ses efforts, elle demeurait trop tendue pour s’exécuter aussi bien qu'elle aurait aimer le faire. Tant pis. Au moins, elle se sentait déjà un peu mieux que tout à l'heure. Se forçant à regarder droit devant elle, elle pivota tant bien que mal et poussa sur son genoux droit... ce qui l'emmena quelques mètres plus loin. Bon. Ce n'était pas encore merveilleux, loin s'en fallait, mais cela redonnait un peu d'espoir à l'étudiante. Elle tourna la tête vers la danseuse.

« Ça m'a l'air déjà un peu mieux. Je ne sais pas quoi faire de mon autre pied, par contre. »

Soie émit un petit sifflement appréciateur en écho aux paroles de sa dresseuse. Ce petit mètre de déplacement semblait lui avoir d'avantage plu que les trois tours de lac effectués auparavant.

« Tu expliques bien. Ça fait longtemps que tu patines ? »

Le tutoiement était sans doute venu un peu vite sous le coup de la colère, et semblait soudain déplacé à Sarah, qui préférait l'utiliser après avoir au moins appris le prénom de son interlocuteur. Mais bon, elles n'allaient tous de même pas faire marche arrière. Maintenant que le ton était descendu, l'étudiante avait de moins en moins envie de s'éclipser. Qui sait, peut-être sa professeure improvisée se montrerait-elle plus agréable si elle la faisait un peu parler d'elle. Elles se ressemblaient, toutes les deux... peut-être pourraient-elles arriver à sympathiser ?

Après l’intérêt que leur carambolage avait suscité, l'attention des promeneurs et des autres patineurs les avait finalement quitté. Elles étaient désormais presque seules au milieu du lac, comme coupées du monde. On entendait à peine le trafic routier résonner entre les hauts bâtiments blancs. Ce parc et ce petit lac, au milieu de l'altière Belagora, étaient une aubaine pour Sarah, qui, habituée aux hautes montagnes entourant Isslot, avait un mal fou à s'acclimater à la vie urbaine. Elle qui avait l'habitude des sapins, d'un ciel immense et de plusieurs mètres de neige à perte de vue... Son petit appartement lui semblait toujours trop triste et exiguë. Non, elle n'était pas faîte pour la vie de citadine, mais se persuadait qu'elle finirait bien par y prendre goût. Comment ferait-elle, sinon ? Elle ne pouvait pas tout abandonner et repartir à Isslot. Un tel échec était tout simplement inenvisageable : sa Grand-mère, déjà réticente à l'idée qu'elle s'exile à la grande ville, ne pardonnerait jamais un tel affront fait au nom des Aaron... Elle devait absolument s'en sortir, trouver un moyen de mieux supporter le monde, les cris, l'effervescence qui la plongeait trop souvent dans l'anxiété.

Heureusement, rependre le contrôle de ses patins avait éloigné l'angoisse qui commençait tout juste à peser sur ses poumons. Suivant les conseils de la danseuse au sujet de ses pieds, l'étudiante tenta un deuxième mouvement, puis un troisième... Qui la menèrent quelques mètres plus loin sur la glace. Cela fonctionnait. Ce n'était pas optimal, bien sûr, mais suffisant pour qu'elle reprenne un peu du poil de la bête. A bonne distance, le Tiplouf de sa professeur providentielle imitait ses mouvements, ses pattes palmées glissants sans effort sur le lac gelé. Une fois qu'il ne pépiait plus, il s'avérait presque mignon... Soie, curieux, observait attentivement les mouvements du petit pingouin. Peut-être pensait-il à descendre sur la glace lui aussi ?

Sarah jeta un coup d’œil à la patineuse, qui ne parlait plus depuis un moment, et ne lui avait toujours pas répondu. Le regard dans le vague, elle était perdue dans ses pensées, et avait soudain l'air incroyablement triste. Après tout le dédain dont ce visage avait su faire preuve, le voir ainsi chiffonné était un drôle de spectacle. Sarah se demanda ce qu'elle avait bien pu dire de mal pour déclencher un tel émoi. Après tout, ce qu'elle savait réellement de cette fille se résumait au patinage. Qu'aurait-elle pu dire d'autre ?
Coupant net ses réflexions, la danseuse parla enfin, et Sarah ne put s'empêcher de laisser échapper une exclamation d'admiration en apprenant qu'elle patinait depuis l'enfance. Ce n'était guère surprenant au vu de son niveau clairement avancé, bien sûr. Elle devait sans doute pratiquer quotidiennement, et avec la façon amoureuse dont elle en avait parlé plus tôt, il n'était pas très difficile de deviner que ce sport était sa passion, une composante essentielle de sa vie et de son bien-être. Mais tout de même, une telle persévérance forçait le respect. Les passions finissaient par changer, mais elle était restée fidèle à l'harmonie, la vitesse, la libération et l'espace. Ce qui rendait son malaise de tout à l'heure d'autant plus incompréhensible.

La question qui vint après surprit l'étudiante. Pourtant, il n'était pas très compliqué de deviner qu'elle était skieuse. Après tout, une grande partie des habitants du Septrion avait déjà descendu des pistes. Mais la danseuse en avait parlé comme s'il s'agissait d'une évidence, comme si elle rebondissait sur des mots que Sarah n'avait pourtant pas prononcés.

« Pas depuis aussi longtemps que tu patines... J'ai commencé à mes onze ans, quand nous avons déménagé d'Edelsten à Isslot. »

Encore alitée à ce moment là, Sarah ne conservait que quelques souvenirs flous du déménagement. Un déracinement qu'elle aurait préféré plus progressif, et qui ne lui avait pas permis de faire correctement ses adieux à la ville de son enfance, à sa vie d'avant l'accident. Les montagnes et la neige lui était tombé dessus comme tombe la nuit dans le Septrion : sans aucun signe avant-coureur. Apprendre à skier avait été un clavaire : tout lui faisait peur. Le bruit assourdissant du vent avec la vitesse, la perspective de tomber, les mouvements imprévisibles des autres skieurs... Et si sa mère et sa grand-mère c'était très rapidement lassée de ses peurs et ses hésitations, c'était Isabelle, qui, déterminée, l'avait fait se relever, encore et encore. Sa sœur avait compris la peur panique qui étreignait sa jumelle face à l'incertitude et l’incontrôlable. Elle lui avait montré comment apprivoiser vitesse et trajectoire, lui avait appris à avoir confiance en chacun de ses mouvements. Et même s'il restait une grande part d'imprévisible, tout semblait alors beaucoup plus simple.

C'était plus ou moins ce que Sarah tentait de faire avec ses patins : comprendre, pour tout contrôler et ne pas paniquer. Les conseils de la patineuse lui avait été bien utiles... Elle était susceptible et fière, mais pas aussi imbuvable que l'avait d'abord crû l'étudiante. Quelque part, cela aurait été plus simple pour elle de la détester entièrement, plutôt que de la trouver presque agréable. Enfin... Après tout, c'était elle qui avais exigé la trêve, elle devait se réjouir du tournant qu'avait pris leur discussion, et se montrer au moins aussi aimable à son égard.

« Alors tu patines tous les jours ? Tu es une pro, ça se voit. Tu comptes en faire ton métier ? Ou bien c'est déjà le cas ? »

Sarah ne pensait pas à mal en posant toutes ses questions, mais voulait juste allonger un peu la conversation en restant avenante. Elle ne se rappela que la danseuse avait très vite changer de sujet la première. L'étudiante se mordit l’intérieur de la joue, tout en espérant qu'elle n'avait pas commis une énième bourde...

Sarah n'avait jamais réellement pratiqué de sport, ni d'activités périscolaires. Ce n'était pas vraiment la mode à Isslot, où on ne trouvait de toute façon aucun professeur particulier. Dès la fin de l'école, il fallait courir jusqu'à l'élevage familiale pour nourrir et soigner les Arcanins. Si elle avait pu, leur Grand-Mère aurait sans doute inscrit les jumelles dans des cours de danse ou de piano. Pour pallier à ce manque, elle avait décidé de leur enseigner elle-même comment se comporter pour faire honneur à leur famille et devenir de parfaites épouses. Il fallait bien que quelqu'un le fasse, puisque son idiote de fille avait décidé de tourner le dos à toutes leurs traditions !
Sarah et Isabelle avait grandi avec ce double enseignement, entre leur mère qui leur rappelait sans cesse l'ouverture d'esprit de leur défunt père et leur Grand-Mère qui leur rabâchait à longueur de soirée l'Histoire et les valeurs du Septrion. Sarah avait dû se trouver des centres d’intérêts là où elle pouvait, à l'école ou au village. Elle s'était passionnée pour la biologie et les évolutions bien avant l'arrivée de Soie dans son quotidien, en observant la Nosferapti de Célia. Elle avait lu à la bibliothèque que la petite chauve-souris allait gagner une paire d'yeux en évoluant. Comment un être vivant pouvait-il changer si radicalement, jusqu'au plus profond de son ADN, en à peine quelques secondes de lumière ? Il y avait avec l'évolution un phénomène presque magique, un enchevêtrement complexe de lois naturelles. C'était pour percer ce premier mystère qu'elle avait affiché un gigantesque arbre phylogénétique sur les murs de sa chambre pendant tous son collège, et qu'elle s'était expatriée à Belagora pour en trouver d'autres une fois celui-ci résolut. C'était ce qu'elle voulait faire de sa vie : trouver des réponses pour mieux comprendre le monde. Un projet qui rejoignait son tempérament cartésien sans bousculer ses convictions. Cela aurait aurait été idéal s'il n'y avait pas eu le stress et ses maux de têtes de plus en plus fréquents. Des symptômes post-traumatiques qu'elle était pourtant sûre de ne plus jamais ressentir. Naïve, elle s'était crue guérie, mais subissait depuis son arrivée dans la capitale septrionienne une rechute qui mettait ses nerfs à rude épreuve et persistait malgré ses efforts pour s'adapter à la vie citadine.

Tant pis. Au point où elle en était, il faudrait bien qu'elle s'y fasse.

La réponse sèche de la danseuse fit grimacer intérieurement l'étudiante. Parler de patinage ne semblait définitivement pas être la meilleure manière de s'attirer sa sympathie. C'était... curieusement paradoxal. Ses mots suggéraient qu'elle avait abandonné une carrière brillante. Sous quel prétexte ? Pouvait-on interdire la compétition parce qu'une cicatrice vous défigurait ? Après tous, une grande partie de ce sport reposait sur la beauté des gestes... mais aussi sur celle des corps. Cette théorie gênait Sarah : il devait forcément y avoir autre chose... mais elle ne prendrait pas le risque de poser la question à la patineuse. Il n'y aurait pas eu plus indiscret, et qui sait comment celle-ci réagirait ? L'étudiante ne voulait surtout pas déclencher une nouvelle querelle.

A la place, elle préféra garder le silence et reporter son attention sur le Tiplouf qui s'égaillait sur la glace. Blue, aussi fier qu'un Lakmécygne, pépiait de joie en s'apprêtant à lui montrer l'exemple. Freinage chasse-neige et parallèle, voilà des mots qu'elle connaissait et qui la rassurait. Elle avait appris le premier lorsqu'elle commençait tout juste à skier. Le second était venu plus tard, avec l'aisance et la confiance. Elle doutait de maîtriser les deux dès aujourd'hui, mais le chasse-neige serait déjà une petite victoire. De toute façon, elle ne retoucherait sans doute pas à des patins avant un long moment...
Attentive, Sarah vit le petit pingouin s'élancer puis revenir vers elle à toute allure. Concentré, Blue, ne semblait pas se rendre compte de sa vitesse réelle, et lorsqu'il se mit à freiner, elle joua contre lui en le déséquilibrant. Pendant un instant, le temps sembla suspendu, et l'étudiante cru que le Tiplouf allait réussir à se rétablir. Puis la vitesse fini son travail, et propulsa le petit pingouin sur le ventre, glissant lentement pour finir entre les patins de sa maîtresse.

Sarah ne pu s'empêcher de rire face à cette spectaculaire - et heureusement sans conséquence – chute. Elle eu un instant peur d'offenser le pokémon et sa dresseuse, mais voyant que celle-ci riait aussi, elle ne se retint plus et laissa libre court à son hilarité.
Cela lui faisait du bien de rire un peu. Constamment dans la vigilance, l'appréhension et la retenue, elle n'en avait plus l'habitude. Se retrouver soudain à court d'air après ses grands éclats de rire lui donnait l'impression de se remettre à respirer.
L'étudiante rassura le Tiplouf tout en se penchant pour permettre à Soie de descendre de ses épaules. Elle préférait que le Minidraco soit en sécurité au sol si elle tombait une nouvelle fois.  

« Plus de peur que de mal ! Ne t'en fait pas, je ne suis pas sûre de faire beaucoup mieux. »

Elle glissa un peu plus loin pour s'écarter et prendre de la vitesse. Le son des lames sur la surface du lac gelé était différent avec la vitesse, moins strident. La blonde essayait de ne pas aller trop vite, pour ne pas réitérer l'erreur du petit pingouin. Elle chancela un peu quand il fallut amorcer un large virage pour revenir vers la danseuse, mais parvint à garder l'équilibre. Serrant les dents, elle se prépara à faire glisser ses talons vers l’extérieur pour freiner. Le crissement des lames vint lui vriller les oreilles, lui faisant presque peur. Trop en avant, elle se rattrapa in extremis avant de basculer. La demoiselle s'arrêta à plusieurs mètres de sa professeure pour ne pas lui rentrer dedans une nouvelle fois, mais pas assez loin de Soie, qui éternua lorsque le petit nuage de glace soulevé par le mouvement vint lui éclabousser le visage.

« Un peu trop brusque. J'ai failli partir en avant comme toi, Blue ! » sourit l'étudiante.

Au moins, elle n'était pas tombée. En enchaînant les petites victoires de cette manière, elle finirait peut-être par savoir réellement patiner ! La blonde fit quelques pas glissant vers la danseuse. Il était plus que temps de se présenter.

« Je m’appelle Sarah, et voici Soie. »