Ce n’est pas souvent que je quitte mon pays. Je n’ai contre l’idée pourtant, mais les occasions d’entreprendre des voyages d’étude loin du Septrion sont relativement rare. Puis, à chaque fois, je dois m’assurer que quelqu’un va pouvoir veiller sur mon laboratoire, s’occuper de la serre ou se rendre au centre pokemon à ma place. C’est dans ces cas-là que j’aimerai vraiment avoir un ou deux assistants fiables sur lesquels compter. Ce n’est pas faute de chercher, mais les candidatures ne sont pas foules. J’ai déjà eu quelques étudiants, mais ils ne sont pas restés bien longtemps. Recevoir des ordres ou devoir effectuer des tâches sous ma coupe n’est pas bien passé. En Septrion, il est visiblement mal vu de vouloir réaliser son apprentissage sous la direction d’une femme... Idiot ? Définitivement. J’ai autant, si ce n’est plus, de valeur que n’importe lequel de mes collègues masculins. Les connaissances et la manière d’enseigner ne sont pas lié à ce qui se trouve ou ne se trouve pas dans mon pantalon. Point final. Reste un peuple entier d’arriérés à convaincre... un par un. Papier par papier, découverte par découverte. Je ne compte pas abandonner, c’est juste lassant de se dresser seule contre des mœurs millénaires.

Quoiqu’il en soit, lorsque Thacie a envoyé cette demande d’aide pour le recensement des espèces endémiques ou migratrices, j’ai hésité, et même presque refusé. Je ne laisse pas la gestion de ma serre à n’importe qui... si ce n’est mon Père. Aussi étrange que cela puisse paraitre, il s’est porté volontaire pour m’épauler. Je sais que je peux compter sur lui, mais je rechigne toujours de le faire. Pour la simple et bonne raison que je suis largement capable de m’en sortir seule. Je n’ai pas envie de son regard paternaliste par-dessus mon épaule, ou que l’on pense que je ne peux pas me débrouiller sans lui dans les parages. C’est déjà assez lourd de devoir ignorer ces rumeurs annonçant que ma nomination au poste de scientifique, je la dois uniquement à son intervention. Intervention que je n’aurai pas eue si mon cher frère n’avait pas disparu sans laisser de trace, me laissant comme seule ‘héritière’.

Tch. Les vieilles rancunes et les vieilles biques ont le cuir épais. Même le froid du Septrion n’est pas assez fort pour les faire taire définitivement. A croire que leur cœur sec est aussi glacial que les steppes.

Qu’importe, j’ai fini par accepter ce travail et par me rendre à Thacie. Le climat... est radicalement différent de celui auquel j’ai l’habitude. Rien de plus normal puisque nous sommes au large des côtes de l’Austrée. Ce soleil, cette chaleur, je ne suis pas déçue d’avoir investi dans quelques vêtements plus courts et légers. Et dans un large chapeau de paille pour me protéger des rayons aussi. Ce matin, j’ai quitté mon hôtel direction l’office du tourisme. L’annonce indiquait que nous serions une petite équipe pour s’occuper du recensement et j’avoue avoir très hâte de rencontrer de nouveaux collègues. Qui sait ? Des personnes venant de tous les horizons qui auront plus de cervelles que ces vieillards arrogants ! Pour me préparer, j’ai enfilé pantalon en toile, relativement solide, de couleur sable et de solides chaussures de marche. Je ne suis pas stupide au point de m’aventurer en forêt en micro-short et hauts talons... et ainsi choper toutes les tiques des environs, et une entorse. Néanmoins, je sais comment apporter une touche féminine. Un débardeur olive et ma blouse de recherche –version manches courtes- sont là pour compléter ma tenue. Mes cheveux sont également attachés en une queue de cheval.
En plus de mon fatras habituel, j’ai emporté un sac à dos, quelques baies et une bouteille d’eau. Surtout pour Winston. Car oui, mon Verpom est aussi de la partie et comme il ne se sentait pas de rejoindre sa pokéball –je devrai tenter de la retrouver un jour-, il s’est lové dans sa poche préférée, pointant ses antennes à l’extérieur pour observer les alentours.

Adorable, comme toujours.

J’arrive à l’office du tourisme et je ne suis pas la première visiblement. Je ne sais que je ne dois pas juger l’apparence mais... ce sont des chercheurs... ? Je ne peux m’empêcher de les dévisager un peu. Deux autres femmes et un homme. La première se présente comme s’appelant Elaine, tant dis que le garçon s’appelle Mitch. Je suis... un peu sceptique.

« Lucie Helm, chercheuse d’Edelsten. » Et pas peu fière de l’être. « Je propose qu’on se débarrasse tout de suite des présentations, puis qu’on se mette en route. »

Je pourrai être plus chaleureuse... mais ce n’est pas dans ma nature.

Monsieur Gaspard -c’est avec lui que j’ai conversé concernant les détails de cette demande- nous accueille chaleureusement, très, très chaleureusement. Plus que nécessaire même... je suppose qu’on doit lui enlever une sacrée épine du pied ! Il nous remet des fiches signalétiques et annonce fièrement de plusieurs espèces non-endémiques à l’île –et à Salva- ont été aperçues dernièrement. Je parcours les feuilles. Okay, rien de très compliqué en soi. Il suffit d’indiquer sur le document les pokemon approchés, les traces qu’ils ont éventuellement laissé –présence de nid, ou autres- ainsi que leur territoire actuel dans le sommet d’Emeraude. Il y a également une carte assez détaillée de la zone. Cela ressemble à ce que je remplis moi-même concernant les espèces végétales de la forêt de Sycomore. Pour sûr une longue journée nous attend, mais en se répartissant bien les tâches, ça devrait aller.

Les présentations terminées, nous sommes partis, direction le flan du volcan. Est-ce qu’une seule de ces personnes comprend vraiment ce qu’il faut faire ou... ? Non que cette idée de se séparer pour partir chacun à la recherche d’une espèce soit mauvaise mais... ce n’est pas prendre le problème à l’envers ? J’ai plus l’impression d’être accompagnatrice pour une sortie au zoo qu’en voyage de recherche pour le coup. C’est plutôt à celui qui va trouver sa bestiole rare et pourra s’en vanter auprès des autres ?

« Je suis sûre que courir au hasard jusqu’à trouver une espèce sur les dizaines qui vivent dans ces forêts est la solution. » Je soupire discrètement et glisse ma main dans ma poche pour octroyer quelques caresses à un Winston somnolant. « Est-ce que l’un d’entre vous a seulement une idée du déroulement d’un recensement ? »

Je pèse mes mots, sûre de moi, les regardant à tour de rôle. Je sais ce que je fais. Je pourrai même le faire seule si nécessaire. Mais puisqu’il y a de l’aide, autant les éduquer un peu.

« Le but est de recenser les espèces présentes dans une zone préalablement délimitée. Soit la totalité, soit une partie et d’extrapoler les données par statistique. Débusquer les traces laissées par les pokemon est aussi essentiel à l’étude. » Autant ne pas trop rentrer dans les détails. « La zone est déjà délimitée, puisqu’on nous demande de rester autour du Sommet Emeraude. » Et il y a une carte en page deux du dossier aussi, mais passons. « Concrètement, on évite de courir partout, et de se séparer de plus de trente mètres. L’idée est de passer la zone au peigne fin si on veut. Utiliser des pokemon volant ou avec un flair aiguisé est aussi une bonne idée... à condition qu’il soit parfaitement dressé »

Au pire, je peux encore m’en sortir seule. Commencer par les nids éventuels ? Je ne suis pas sûre que tous ces animaux sont diurnes. Hm, ça peut être une idée...

Et c’est reparti.

Parce que je n’interviens sur un ton inutilement mielleux, en m’excusant de même prendre la parole, on pense que je prends tout le monde de haut. Que l’on me croit ou non, je m’en fiche, mais ce n’est pas le cas. Je ne suis juste pas du genre à exploser de joie à chaque pas que je fais dans un bois. Je n’expose pas mes émotions aussi clairement que d’autres. Je n’en vois ni l’intérêt, ni l’utilité. Le monde scientifique est rempli d’objectivité. Son propre avis est souvent ... très peu souhaité, à moins qu’il soit soutenu par des dizaines et des dizaines de preuves scientifiques. Ce que j’ai fait ? Simplement signalé à cette bande de joyeux lurons que s’ils veulent éviter de crapahuter pendant des heures sans rien voir, ni savoir où chercher –en sommes, en vain-, avoir un plan construit serait une bonne idée. Était-ce mal ? Ai-je été particulièrement insolente ou insultante ? Absolument pas. Pas à mon sens. Mais... différence culturelle oblige je suppose, je passe pour la ‘méchante’. J’ai beau ne pas supporter nombre des habitudes culturelles du Septrion, je reste une Septrionnienne jusqu’aux bout des ongles. Je n’aime pas les ronds de jambes juste pour ne pas heurter la prétendue sensibilité de quelqu’un. Encore une fois, je passe pour froide. Celle qui casse le fun d’une balade en forêt.

Ce n’est pas une balade en forêt

Des personnes comptent sur ce recensement. Alors je ne compte pas m’excuser pour avoir été moi-même. Gheez... calme-toi, fille, on dirait que j’ai insulté ta mère directement, en plus d’avoir cracher sur la tombe de tes grands-parents et shooté dans ton premier né. Reviens me parler de respect quand tu auras dépassé la vingtaine, d’accord ?

« Si j’avais réellement manqué de respect, tu l’aurais su. Ne parle pas de ce que tu ne connais pas. Ne cherches pas de mauvaises intentions quand il n’y en a pas. »

J’envenime la situation ? Peut-être. Mais je n’ai pas envie de me laisser marcher sur les pieds par la gamine du coin qui se paie le luxe d’être en retard. Bref, soyons la grande personne et n’en parlons plus. Je n’ai jamais clamé avoir la science infuse et suis tout à fait ouverte à l’idée d’entendre l’une ou l’autre proposition. D’ailleurs, je n’ai rien contre l’idée de se séparer en deux groupes... ou même de se séparer tout court en fait. Et l’idée d’Elain ou de Mitch ont quelques bases intéressantes après tout. S’ils ont en plus dans l’idée de respecter mon point de vue ou même... je ne sais pas... mon expérience dans le domaine, alors je n’ai aucune raison de m’opposer à eux. Aucune. Donc, récapitulons... Elain possède au moins un dracaufeu suffisamment fort pour transporter deux personnes, tandis que Mitch a un Ptyranidur. Il est même plutôt mignon d’ailleurs, maintenant que je le remarque. Voilà une idée ! S’aider de nos pokemon ! Je n’en ai qu’un, mais c’est un as pour débusquer les cachettes les plus improbables et s’y fourrer pendant des heures.

« Elain, j’aime assez ton idée... mais tu dois nous assurer que ton dracaufeu est suffisamment calme. Il est un grand prédateur à l’état sauvage après tout. » Je prends encore un ou deux instants pour réfléchir. « Puis, à moins que quelqu’un ait emporté des jumelles, la reconnaissance en altitude va être compliquée. Aurais-tu un autre pokemon capable de prendre de la hauteur ? On pourrait comme ça couvrir les cimes des arbres »

Que ce soit un pokemon qui grimpe, ou qui lévite, peu importe... il n’empêche qu’un début de plan se forme. Et c’est déjà ça. Reste l’idée de débusquer les terriers ou les autres traces à l’aide de cet adorable ptyranidur. Pas question qu’il retourne dans sa pokéball, je pense qu’il peut aider. Je m’adresse alors au seul homme de la bande, qui depuis le début semble tout faire pour calmer le jeu.

« Si ton pokemon veut bien faire équipe avec le mien, je pense que l’on pourrait s’occuper de débusquer les terriers et autres cachettes. Il faut un œil plus entrainé pour ça »

A ces mots, j’ouvre la poche principale de mon sac en bandoulière, et en sort mon adorable Verpom, encore un peu ensommeillé. Je le caresse du bout du doigt jusqu’au moment où il émerge enfin. Doucement, je lui glisse un petit ‘bonjour’ et le rassure sur la présence des autres personnes. Personne ne va te faire du mal, mon petit Wins’, pas temps que je serai de ce monde.

« Les filles, si vous voulez bien vous occuper de l’observation directe, alors on peut commencer. Si je peux donner un conseil, patience et discrétion, vous n’êtes pas chez vous ici. On vous tolère. »

Oh gheez, enfin débarrassée.

Je ne sais si c’est son mauvais jour, mais j’apprécie peu d’être directement antagonisée sans réelle raison. Je ne suis pas douée avec les gamins, je crois que c’est assez clair. J’ai juste aucune envie de perdre mon temps à gérer leurs émotions au moindre pétage de câble. Dans ma région, le respect est important, la franchise aussi... alors peu importe si une seule phrase heurte ses sentiments. Je ne sais pas si c’est le froid et la neige qui endurcirent plus que nécessaire les Septrionniens, mais au moins, je peux deal plus facilement avec leurs conneries.
Alors que je les vois décoller à deux vers d’autres cieux, c’est clair, je suis soulagée. Je préfère encore faire équipe avec un homme, et c’est dire ! Quoi que Mitch a l’air le plus raisonnable de nous quatre... c’est peut-être ça.

Alors que je réveille tranquillement Winston, il met son ptyranidur au parfum de ce qu’il attend de lui. Il a l’air un peu excité ce petit dinosaure, mais je ne doute pas que ses capacités de chasseurs vont nous être utiles. Mon Verpom n’est pas aussi impressionnant, mais il n’y a pas plus doué que lui pour trouver des cachettes. Il s’éveille, à la fois content de me voir, et un peu inquiet des nouvelles têtes. Je le tourne successivement vers Mitch –qui en profite pour l’enregistrer dans son pokedex- puis son pokemon.

« Là, je te présente Mitch et... » zut, je crois que je ne connais pas son nom. Tant pis. « ...son ptyranidur. Ils sont gentils. On est là pour trouver des cachettes de pokemon » Puis je le présente également. « Voici Winston. Il est un peu timide, mais il s’habitue »

Un peu timide et un peu perdu. Il met quelques instants pendant lesquels il me regarde, puis détaille les inconnus, avant de finalement les saluer. Finalement, nous pouvons enfin commencer ce pour quoi nous sommes venus : fouiller le coin pour recenser des pokemon. Je sors mon carnet et de quoi écrire, alors que Wins’ se perche sur mon épaule, les antennes rivées sur le dinosaure qui nous accompagne. Il est toujours un peu curieux des autres pokemons, même s’il manque encore de courage pour les aborder. Je pense que la nature joueuse de celui-ci devrait lui plaire assez pour qu’il sorte un peu de sa coquille. Enfin, un peu plus de nature, et un peu moins de blabla intempestif et inutile. Enfin, jusqu’à ce que Mitch brise le silence qui s’est installé depuis quelques minutes. Pas que ça me dérange, loin de là. Il semble amical.

Maintenant que j’y pense... pourquoi je suis là ? La raison est plutôt simple.

« Surtout pour répondre à la demande d’aide de l’office de tourisme, donc, surtout pour le recensement je suppose... même si visiter un peu la région ne me déplairait pas, si je n’avais pas un labo’ à faire tourner seule. Disons... c’est une bonne introduction ? » Elle est radicalement différente du Septrion, c’est clair. La lumière est différente, l’atmosphère aussi... plus relaxée ? « Et toi ? Une passion soudaine pour la science ? Ou pour la région ? »

Le ptiranidur s’arrête alors, pile devant un buisson, reniflant et remuant la queue comme un vrai ponchien. Il est vraiment mignon, je peux lui accorder, et acquiesce quand Mitch affirme qu’il semble sur une piste. Je scanne les environs... un instant. Effectivement, l’endroit correspond. A l’abri, puis je crois reconnaitre quelques espèces d’arbres fruitiers à proximité. Ce serait une bonne cachette pour un petit pokemon.

« Je crois que tu as raison... » Pourquoi je me mets aussi à murmurer moi ? Je m’accroupis, et après une inspection un peu plus minutieuse, remarque que quelques feuilles sont légèrement noircies. J’en récupère une, et la tend à Mitch. « Regarde... qu’est-ce qui a pu faire ça... ? Je vais envoyer Wins’ »

Je dépose le Verpom par terre, et lui indique le buisson. Winston n’est pas très rassuré, mais il roule quand même vers l’inconnu. A vrai dire, je ne suis pas plus rassurée que lui. Il a l’habitude d’attirer les ennuis, et aussi les prédateurs. Mais je suis assez proche, alors, ça devrait aller. Après quelques petites minutes –bien trop longues-, il revient vers moi... qu’est-ce qu’il a trouvé là ? Tout fier, Wins’ me présente une plume duveteuse, jaune-orangée. Elle est légèrement tiède au touché. Je me relève et la lui présente.

« Une idée ? »

Je suis tout de suite beaucoup plus dans mon élément. J’ai toujours préféré passer mon temps accroupie dans les bois ou à fouiller un buisson, quitte à me retrouver couverte de feuilles et de boue. Je préfère ça à devoir faire la conversation inutilement, ou à devoir m’intéresser à des choses qui... franchement... n’ont pas grands intérêts pour moi. Est-ce que je suis antisociale ? Absolument pas, mais disons que j’ai une patience limitée avec le bullshit. A vrai dire, j’adore discuter, à condition que le sujet ou la personne me passionne, et je n’ai aucun problème avec l’idée de transmettre mes connaissances, mes savoirs ou mes truc-et-astuces à ceux qui me le demande. A condition que ce soit avec respect, évidemment. Alors là, accroupie près d’un buisson portant quelques traces noircies, à examiner une plume orangée, je suis totalement dans mon élément. Enfin, en grande partie, parce que les espèces que je recense habituellement ne sont pas capable de se déraciner pour prendre la fuite... excepté les spododo, mais je doute d’en trouver dans un coin aussi éclairé et aussi chaud, c’est clair. Je donne la plume à Mitch et me redresse, récupérant Wins’ dans mes mains. Je lui souffle quelques mots d’encouragement et de félicitation pour le récompenser. Il s’est très bien débrouiller, c’est mon Winston à moi, ça ! Je sais qu’il peut faire de grande chose, mais qu’il a trop peur pour le faire...c’est tellement dommage ! Il y a un petit dragon dans cette pomme après tout, un petit dragon très courageux qui aura mérité son poids en baies s’il continue comme ça.
Après quelques éloges à la petite pomme, je reporte mon attention sur le jeune homme. D’après lui, il est surtout venu pour visiter et donner un coup de main... même si la science n’est pas son truc. Je suis presque sûre que j’aurai pu le deviner moi-même mais... son cœur est à la bonne place. Moi-même, je ne peux pas tout savoir, surtout que je reste une spécialiste de la flore. Si je suis également versée dans les pokemon plantes –enfin, certains d’entre eux- mes connaissances ne suffisent pas pour identifier ce plumage d’un seul coup d’œil... et Mitch non plus. Il chercher, et cherche dans son sac, jusqu’à sortir une espèce de carnet qui reprend les espèces endémiques de la région. Je me permets de m’approcher et d’observer cette mine d’info par-dessus son épaule. Les pages se tournent, sans grand succès, et finalement, il s’arrête sur l’image de ce qui ressemble à un poussin jaune et orange. Je ne peux pas tout lire, mais je comprends rapidement qu’il s’agit d’un pokemon feu... et que je n’en ai jamais entendu parlé à Salva, c’est clair. Le verdict tombe, il s’agirait d’un poussifeu. J’acquiesce doucement, pensive à sa conclusion.

« Puisqu’il s’agit d’un pokemon feu, ça expliquerait pourquoi les feuilles sont noircies... ou plutôt roussies. En se frottant à elles pour rentrer au nid, les poussifieu doivent en bruler certaines. » Cette conclusion me plait, oui ! Elle est même très probable ! Voilà quelque chose qui m’enthousiasme vraiment ! « Mitch, je pense que tu as raison ! On peut déjà recenser la présence de poussifeu dans cette partie du sommet émeraude ! Je vais juste... récupérer cette plume comme preuve.»

Je récupère la plume et ouvre mon sac à dos à mon tour pour en sortir un sachet plastique, que j’utilise pour les prélèvements. Puis, à l’aide d’un marqueur indélébile noir, je note sur le plastique la date, l’heure, et notre localisation... aussi précisément que possible, même si on n’a pas les coordonnées de l’endroit. Ça aurait été chouette aussi de pouvoir faire une photo, mais... je ne possède pas d’holokit ou d’appareil photo, malheureusement.

« Par hasard... Tu n’as pas de quoi faire une photo sur toi ? on peut s’en passer, mais ce serait pratique pour illustrer notre rapport. » Je lève le nez vers le ciel, à la recherche du second duo perchés sur le dracaufeu. Le soleil, assez fort, me force à mettre ma main en visière au-dessus de mes yeux pour mieux scruter le ciel. « Je ne les vois plus... Je me demande si elles s’en sortent. »

Bon, tant pis pour la photographie, on fera sans je suppose. Ce n’est pas si grave que cela. En y réfléchissant, le préposé de l’office du tourisme aurait pu nous en prêter un, même un jetable… Au final, peut-être qu’il ne veut que quelques preuves de la présence de pokémon migrateur dans la région, puis aussi les espèces, et pas forcément un recensement très précis. En une journée, on n’est pas capable de faire beaucoup plus, il nous faudrait bien une bonne semaine pour pouvoir faire le recensement à diverses heures de la journée, poser des pièges, poser des caméras aussi et recouper les informations… Oui, j’imagine, mais avec des novices en la matière, sans le matériel et le reste… Je n’ai pas prévu de rester aussi longtemps sur l’Île moi en plus ! Une semaine, okay, deux ou trois, je doute que Père se laisse faire aussi gentiment. Ou que le centre pokémon survive aussi longtemps sans moi. Et je ne parle pas du laboratoire et de mes recherches… Okay, okay… voila déjà une première espèce d’identifiée en tout cas. Il y a des adorables poussifeu qui se sont installés dans le coin. Espérons que ces petits pyromanes à plumes ne causent pas trop de dégâts à cette végétation luxuriante.

Peu après, ressort des fourrés le pokémon de Mitch. Ce filou s’était éclipsé pour aller fouiner je-ne-sais-où, mais quelque chose me dit qu’il a dû faire une mauvaise rencontre, vu la suie qui recouvre son museau. Néanmoins, le dinosaure ne semble pas plus perturbé que cela. Qu’est-ce qu’il a bien pu trouver, dans son trou ? Je suis d’avis de le suivre, évidemment. Winston dans les bras, le verpom a déjà bien travailler, j’acquiesce à l’idée de Mitch.

« Oui, allons voir ça… En espérant qu’il n’a fait fuir personne ! »

J’imagine sans mal que le pokémon s’est invité un peu trop près d’un second nid de poussifeu, et qu’il en a subi les affres. Mitch et moi partons à la suite de Solomon et trottine à un certain rythme devant nous. Il avance bien, et heureusement que j’ai gardé Wins’ avec moi parce que je ne pense pas qu’il aurait pu le suivre en roulant sur ce sol inégal et en pente. Au bout de quelques minutes, el Ptyranidur nous amène à un autre bosquet d’arbres et de buissons, grognant gentiment au pieds de ces derniers… sauf que… ce ne sont pas des racines ça… !! Je recule d’un pas, puis un second pour avoir une meilleure vue d’ensemble de la situation… D’étranges « racines » jaunes et brunes cachées dans les herbes folles, puis de larges feuilles semblables à celles des palmiers de la plage… Depuis quand les palmiers poussent à une telle altitude exactement ? Je continue mon observation. Une branche étonnamment lisse et brune émerge du feuillage vert et se termine par quelques fruits jaunes et une touffe verdâtre.

Verdâtre, dans laquelle une paire d’yeux nous regarde d’un air sévère.

« Un tropius ! »

Ai-je le temps d’identifier, à mi-chemin entre l’étonnement et l’excitation. Cette espèce est si rare à Salva ! Quelle chance d’en avoir aperçu un ! Peut-être sert-il de gardien à un autre nid de poussifieu ? Oh, c’est si intéressant ! Le pokémon tropical sort de sa cachette -en pleins visibilité- pour s’avancer. J’observe le majestueux pokémon, fascinée par sa stature gigantesque. Il me dépasse de bien deux têtes, et le parfum sucré de ses fruits se fait sentir. Winston, encore dans mes bras, s’agite doucement. Le connaissant… bingo. Il saute au sol et roule dans les herbes folles jusqu’au tropius. Aie… j’espère que… ça ira. Je reste sur mes gardes. Le pokémon sauvage penche son cou à hauteur de Winston… la différence de taille est saisissante. Un instant, j’ai peur qu’il le gobe tout rond… mais non. A la place, il lui présente la grappe de fruits jaunes et sucrés qu’il fait pousse sous son menton. Winston, tout guilleret et bien content, se saisit de l’un d’eux, avant de reculer pour mieux le dévorer. Quelle scène amusante !

« Merci pour lui… ! »

Le majestueux pokémon mérite même un peu plus que cela… dans mon sac, je fouille et sort l’un des snacks que je prends toujours pour Wins’. Si je me souviens bien, les Tropius aiment aussi les aliments sucrés, non ? ça tombe bien, j’en ai toujours sur moi. Je sors d’une large baie Stekpa de mon sac à dos et la propose au pokémon sauvage. Lentement, il s’intéresse à ce que j’ai en main, renifle l’aliment, et le saisit délicatement dans la mâchoire.

« Je crois qu’on va pouvoir ajouter ‘présence de Tropius’ sur le sommet Emeraude également… ! »

Et qui sait… peut-être qu’un tropius viendra rejoindre ma petite troupe ? Winston semble déjà ne pas avoir peur de lui et… oh, wow… vu le coup de tête amical qu’il vient de me mettre, je pense que ce pokémon s’est un peu pris d’affection pour moi… A voir à la fin de notre mission.


Le jour décline, et il est temps pour nous de retourner à la base. Au final, cette journée ne s’est pas si mal passé et j’ai pu en apprendre pas mal sur le coin. La région est si belle, quel qu’en soit la lumière, et si différente du Septrion. Alors que nous retournons vers la ville, une présence nous suit… ou plutôt me suit ? Pas très discret, mais je suppose que lorsqu’on fait 2m de hauteur, c’est difficile de faire autrement.
J’attends de me séparer des autres pour aller à la rencontre du pokémon tropical. S’il croit que je ne l’ai pas remarqué, à tourner en rond dans le ciel toute la journée… ! Le pokémon semble s’être pris d’affection, et peine à me dire au revoir.

« Tu veux venir avec moi ? »

J’ai toujours de la place dans ma serre pour de nouvelles espèces.

HRP: