C’est une Edelsten étrangement calme, et dénuée de toute trace de neige, qui accueille Syrius ce matin-là. Un soleil timide siège dans un ciel nuageux et une brise fraîche souffle sur ses joues alors qu’il quitte l’enceinte du Centre Pokémon, Khensit sur les talons. Il est tôt encore, et seuls quelques travailleurs ou promeneurs matinaux se pressent dans les rues de la ville. Il est d’ailleurs presque étrange qu’un petit loir tel que Syrius soit déjà dehors à cette heure-ci. Il est plutôt du genre à traîner au lit jusqu’à la dernière seconde, histoire de profiter au maximum de la douceur des draps. Néanmoins, la nuit a été bien compliqué pour lui, si bien qu’il a préféré abandonner sa lutte pour le sommeil. De toute évidence, Cresselia n’a pas voulu de lui cette nuit et le garçon doit faire avec. C’est donc le visage bouffi par le sommeil qu’il s’est engagé dans la rue principale d’Edelsten, cachant ses bâillements disgracieux derrière sa main gantée.

L’été a beau s’être installé sur le Septrion, il y a fait encore bien trop frais pour un austréen originaire de Solem. S’il a remplacé son épais manteau fourré pour un blouson plus léger, il ne s’imagine pas encore se départir de ses gants ou de ses bottes de neige. Si le Nord lui paraît de moins en moins hostile, il n’est pas encore tout à fait habitué aux températures et, en bon frileux de son état, il compte bien porter ses pulls en laine de Moumouton quelques temps encore. Bien évidemment, Syrius a conscience qu’il ne faut pas comparer un été septrionien avec un été austréen, parce que les deux parties de Salva ne profitent pas du même climat, mais toujours est-il que le jeune prince du Sud préfère s’emmitoufler chaudement plutôt qu’imiter les locaux, qui se contentent de vestes légères. Syrius se demande bien comment Alexei peut avoir chaud dans sa veste en cuir - à ses yeux, ça dépasse l’entendement. Retirez-lui son manteau, et vous le retrouverez en statue de glace sur le trottoir d’Edelsten !

Un peu frissonnant, Syrius souffle sur ses mains gantées alors qu’il s’engage dans une petite artère menant dans une rue un peu moins fréquentée. Il ne sait pas vraiment où il va, il se contente de suivre ses propres pas. Derrière lui, Khensit le lui sans se poser de question, appréciant ce tête à tête avec son Dresseur. Ses autres Pokémon sont restés dans leurs Pokémon, sur la petite table de leur chambre au Centre Pokémon. Il aurait pu les emmener avec lui mais … Syrius a ressenti le besoin d’être seul avec son tout premier Pokémon. Il y a quelques mois encore, ils n’étaient que tout les deux. Khensit était encore une Abo, d’ailleurs. Depuis, elle a évolué, pour devenir une magnifique Arbok. Son grand-père serait sûrement très fier de lui s’il faisait encore parti de ce monde. Après tout, Khensit est la fille de ses deux Arbok, les deux Pokémon qui ont élevé Syrius avec plus d’amour que ses propres parents. En pensant à eux trois, l’austréen pousse un léger soupir, faisant s’envoler une petite volute de fumée au dessus de sa tête.

Beaucoup de chose ont changé pour lui depuis son départ de Solem. Notamment son caractère, sa perception des choses. Son corps aussi qui, soumit à une activité physique rude, a dû piocher dans ses réserves au point de faire fondre la graisse de ses joues et de ses cuisses. Si ses frères le voyaient, sûrement lui auront-ils fait remarquer que, désormais, il ressemble un peu plus à un Sapereau qu’à un Rongourmand. Shaïm et Ayman ont toujours été relativement moqueur avec lui. En bon vilain petit Couaneton de la famille, Syrius a eu droit à beaucoup de surnoms peu glorieux tout au long de sa vie. Que diraient-ils de lui s’ils le voyaient, maintenant ? Seraient-ils … fiers ? Ou au contraire, déçus ? Après tout … qu’a-t-il accompli depuis son départ de Solem ? Qu’en est-il de ses objectifs, de ses plans de carrière, de ses espoirs pour le futur ? Si Syrius n’a pas cessé un instant à la photographie, il se sent quelque peu lésé depuis quelques temps. Le syndrôme de l’imposteur le hante et lui murmure de tout arrêter. A quoi bon, après tout ? Il est un Al’Shams : et ce nom le hantera jusqu’à la fin de sa vie.

Un soupir las lui échappe alors qu’il se laisse tomber sur un banc public. Syrius doit bien se rendre à l’évidence : il est totalement perdu dans sa propre vie. Parfois, il lui arrive de se demander s’il ne ferait pas mieux d’abandonner cette quête stupide, et de rentrer à Solem. Malgré sa récente victoire contre Martial, le Champion d’Edelsten, il ne peut s’empêcher de penser qu’il n’a absolument rien à faire dans cette quête de badge - et dans le Septrion, aussi. Cette terre de glace, aussi charmante soit-elle, lui est hostile à bien des égards. Les regards, notamment, sont difficiles à supporter. Si Syrius fait de son mieux pour garder la tête haute, il n’est pas toujours évident de faire fît des doigts tendus et des oeillades haineuses. Nombreux sont ceux qui se demandent ce qu’un gars du sud peut bien faire dans leur beau Septrion. Face à de tels comportements, nombreux doivent être ceux qui ont préféré faire marche arrière, pour retrouver leur Sud paisible, accueillant, chaleureux. Syrius le premier d’ailleurs … s’il n’y avait pas quelqu’un qui le maintenait ici.

Quitter le Septrion, ce serait quitter Alexei. Et pour Syrius, il n’en est pas question. Le venyysien occupe une place trop importante dans sa vie et dans son coeur pour qu’il puisse s’y résoudre. A chaque fois qu’il aperçoit sa petite figure de poupon, il sent son coeur se gonfler d’amour. Pourtant, Alexei n’est pas un garçon facile. Syrius en voit de toutes les couleurs avec lui, et quelque chose lui dit qu’il n’est pas au bout de ses peines. Néanmoins … malgré toutes les difficultées qui se dressent entre eux, le prince Al’Shams ne peut se résoudre à le laisser tomber. Au contraire, il souhaite l’aider, le soutenir dans les moments difficiles et le guider sur le chemin de l’acceptation, sur lequel Alexei a encore bien du mal à progresser. Parfois, Syrius a l’impression de marcher sur des charbons ardents et sûrement Alexei doit-il partager ce sentiment. Et puis, il y a quelques jours, à Venyys, ils ont dérapé. Les baisers se sont fait plus pressants, les caresses plus curieuses, les corps plus impatients. Ils se sont laissés aspirer par un tourbillon de sentiments et de sensations, les poussant à faire tomber les vêtements, à se dévoiler l’un à l’autre dans leur plus simple appareil. Syrius aurait dû se sentir heureux de cela : malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples.

Dès le lendemain, Alexei a remi une distance douloureuse entre eux. Sûrement regrette-t-il ce qu’il s’est passé entre eux. Sans avoir franchi la limite des corps, ils ont partagé quelque chose de fort malgré leurs maladresses. De trop fort pour lui, de toute évidence. Le lendemain même, Alexei a disparu une matinée entière, pour revenir accompagné d’une créature immonde aux yeux de Syrius. Ce Fourbelin misanthrope et un brin pyromane lui donne des sueurs froides dès qu’il croise son regard. Et depuis … ils semblent être revenu au point de départ. C’est à peine si Alexei le regarde ou lui parle. Comme si quelque chose s’était brisé. Si Syrius essaie de faire bonne figure devant son petit-ami, il perd toute sa superbe dès qu’il se retrouve seul. Assit sur son banc, la tête dans ses mains, il se repasse en boucle les baisers échangés dans ce lit d’hôtel. Il s’était senti si bien, dans ses bras, au chaud contre son corps frêle et blanc comme la neige. Syrius s’était senti aimé à sa juste valeur - aux yeux d’Alexei, il n’est que Syrius, et pas un énième Al’Shams. Malgré une tentative infructueuse de rapprochement physique, l’austréen garde un souvenir agréable de leurs embrassades. Néanmoins, de toute évidence, il est bien le seul.

Un sifflement hostile de la part de Khensit tire soudain Syrius de ses pensées. La Arbok, fidèle à elle-même, veille sur lui avec la hargne d’une Vaututrice. En levant les yeux, le garçon constate que son Pokémon dévisage une petite créature rose se tenant à quelques mètres d’eux. Haut de soixante centimètre à peine, le Pokémon au museau écrasé et aux dents inférieures apparentes les observe d’un air curieux. Sa démarche un peu gauche trahit un jeune âge et une certaine insouciance. Faisait fît des sifflements de Khensit, la créature se rapproche petit à petit. Syrius l’identifie rapidement comme étant un Snubbull : sa mine renfrognée plaît à énormément de dresseur, et l’austréen en fait parti. En fait, avec son petit air boudeur et son apparence craquante … Snubbull lui fait un peu penser à Alexei. Il n’apprécierait sûrement pas le rapprochement mais pour Syrius, c’est presque une évidence. D’ailleurs, d’après ce qu’il sait … Snubbull est de Type Fée. Peut-être … peut-être Alexei apprécierait-il en accueillir un au sein de son équipe ? Après tout, il lui a fait part de sa volonté de monter une équipe composée de Pokémon Fée avec … Snubbull a toutes ses chances pour lui plaire !

En tout cas, celui-ci n’est vraiment pas farouche. Il observe Syrius avec de grands yeux curieux, en ignorant royalement Khensit. Cette dernière, vexée, s’apprête à l’attaquer lorsque l’austréen brandit sa main devant elle, lui intimant de ne rien en faire. Si l’Arbok pousse un petit sifflement déçu, elle obéit et demeure immobile alors que son dresseur se penche doucement en direction du Snubbull en lui tendant la main. Le Pokémon rose s’approche sans hésitation pour renifler ses doigts, et se laisse même caresser sans chercher à mettre les voiles. Un petit grognement satisfait remonte même dans sa gorge lorsque Syrius commence à le gratouiller derrière l’oreille. Affectueux, le Pokémon se jette presque dans ses bras pour réclamer davantage de caresse, ce que le garçon lui offre sans hésiter. Jamais il n’a connu un Pokémon aussi affectueux ! Même Seth et Lyla n’auraient pas sauté ainsi dans les bras d’un inconnu. C’est même à se demander si ce Pokémon est bien sauvage … Mais à en juger par son aspect, c’est forcément le cas. Après tout, les Snubbull sauvages sont courant dans les rues d’Edelsten.

Un unique grognement aigüe répond aux questions de Syrius, qui rit un peu en voyant le Pokémon si réceptif. D’ailleurs, il est certain d’avoir à faire à une jeune femelle. Ce qui explique sûrement son affection pour les hommes. En tout cas, la Snubbull a le mérite de le sortir de ses sombres pensées, et lui offrir quelques caresses réchauffe son coeur. Néanmoins, l’heure tourne et Syrius ferait mieux de ne pas traîner plus lontemps. Alexei est sûrement déjà réveillé, d’autant qu’ils souhaitent rejoindre Isslot en s’aventurant à nouveau dans les montagnes. C’est pourquoi il se sépare finalement de la jeune Snubbull, qui lui lance un petit regard triste. Ah, pauvre petite chose. Elle semble en cruel manque d’affection. Néanmoins, Syrius a bien trop de Pokémon à gérer pour se permettre d’en accueillir un autre dans sa petite bande. Avec Ysalis qui les a rejoint pendant le festival de Venyys, l’austréen possède désormais six Pokémon - ce qui est bien assez pour un dresseur amateur tel que lui. D’autant qu’il ne possède pas que des petits saints, et Khensit en est l’exemple parfait. Néanmoins … peut-être Snubbull plairait vraiment à Alexei …? Face à une petite créature aussi adorable, même le venyysien craquerait. Le contraire est inimaginable. Et puis, rappelons-le … Snubbull est de type Fée …! Voilà une belle occasion pour Syrius de l’encourager dans sa volonté de bâtir son équipe sur ce type en particulier …

Sa décision prise, Syrius attrape les pattes avants de la jeune Snubbull et la regarde dans les yeux, un grand sourire aux lèvres. Le Pokémon le dévisage avec intérêt, semblant se demander ce qu’il s’apprête à lui dire …

Les yeux de Snubbull pétillent aussitôt de plaisir, alors qu’elle aboie en sautillant sur place. De toute évidence, Syrius peut prendre ça comme un oui ! Il glisse alors sa main dans son sac à dos et en sort une Masterball. Il en avait acheté pour pas cher auprès d’un marchant de Venyys et s’il a utilisé la première pour Ysalis, celle-ci ne lui sera plus d’aucune utilité. Alors autant la proposer à la Snubbull, qui l’observe sous toutes les coutures avec beaucoup d’intérêt. Syrius prend bien le temps de lui expliquer en quoi une capture consiste, afin de ne pas la surprendre. Attentive, la créature hoche la tête régulièrement, et ponctue les explications de l’austréen avec un petit cri ravi. C’est donc sûr de lui que Syrius appuie sur le petit bouton au milieu de la Masterball, libérant un rayon rouge qui enveloppe la Snubbull. L’instant d’après, elle est aspirée dans la sphère qui gigote à peine entre ses doigts avant de s’immobiliser. Ni une ni deux, Syrius libère le Pokémon qui l’accueille en jappant gaiement. Un sourire fleurit sur les lèvres de Syrius, qui n’a pas coeur à la garder enfermée pour le moment. Il ignore quand il osera l’offrir à Alexei alors en attendant … il préfère la voir gambader à ses côtés jusqu’à ce qu’il la rappelle dans sa Pokéball, une fois proche du Centre Pokémon.

Pour l’heure, le petit trio s’engage sur le chemin du retour. Snubbull marche en tête alors que Khensit ferme la marche. Toute guillerette, la créature rose s’arrête parfois devant les vitrines des boutiques pour en observer le contenu. Sa curiosité la rend vraiment attachante, et Syrius espère que ce trait de caractère plaira à Alexei. Ils ne sont plus très loin de leur destination quand Snubbull s’immobilise devant une boutique de prêt-à-porter pour Pokémon. Les yeux brillants, elle observe avec envie deux noeuds roses portés par un mannequin en plastique en forme de Couafarel. Son visage aplati collé contre la vitre, elle pousse des petits couinements envieux. Syrius ne peut s’empêcher de rire. Visiblement, mademoiselle est coquette. Désireux de lui faire plaisir, il attrape doucement la Snubbull et pénètre dans la boutique. Khensit fait le choix de rester dehors et Syrius ne l’en empêche pas. Au lieu de quoi, il met les pieds dans un monde parfaitement inconnu pour lui jusqu’à maintenant. En effet, la boutique est pleine a craqué d’accessoires pour Pokémon, des couvre-chefs jusqu’aux robes, en passant par les kimonos. Mais ce sont les noeuds qui intéressent Snubbull et quand ils passent devant le rayon spécialisé, elle pousse de petits cris ravi.

Cela alerte forcément une vendeuse qui se hâte de venir leur porter conseil. Elle montre ainsi à Syrius une diversité impressionnante de noeuds et jamais encore il n’avait vu autant de rose de toute sa vie. Néanmoins, malgré les différents modèles hauts en couleur et en motif, ce sont les noeuds rouges tout simples du mannequin que Snubbull désire. Ce sont donc ceux-là que Syrius achète, n’attendant même pas de sortir de la boutique avant de lui accrocher aux oreilles. Toute fière, Snubbull s’observe de longues minutes dans le miroir avant d’accepter repartir. Elle n’a malheureusement pas le temps de parader longtemps avec ces beaux accessoires, parce que le trio arrive finalement aux abords du Centre Pokémon. Ne voulant pas gâcher la surprise, Syrius ne prend pas le risque de trop s’approcher, au cas où Alexei le voit revenir depuis la fenêtre de leur chambre. Il rappelle donc Snubbull dans sa Pokéball, en lui promettant de vite lui présenter son nouveau dresseur.

C’est donc un Syrius un peu plus serein qui pénètre dans le Centre Pokémon, une Pokéball surprise cachée dans la poche intérieure de son sac à dos ...