Nouvelle région, nouveaux horizons. Lumière aurait dû être excitée à l'idée de visiter le Septrion, après avoir déjà exploré Thacie et l'Austrée. Enfin, visiter... elle n'avait vu que quelques villes et quelques coutumes, il est vrai, mais elle avait toute une vie pour faire demi-tour et explorer de fond en comble tout Salva. Elle espérait que les montagnes gelées changerait un peu ses esprits. Elle n'avait pas pu apprécier pleinement sa soirée aux feux d'artifice, ni les jours suivants, bougonnant comme la jalouse qu'elle était. Certes, Sirius n'y était pour rien, cela ne lui empêchait pas de lui en vouloir, malgré toute sa bonne volonté. Pourtant, l'homme avait une promesse à tenir et un fort sens du devoir. Bien sûr qu'il accompagnerait sa protégée.
Ils n'auraient qu'à rejoindre le terminal de taxi volants et ils franchiraient la frontière aisément. Le Galarien aurait sûrement pu les franchir à pieds, habitué comme il était de ce genre d'aventures, à moins que celle-ci n'en ait ravivé une trop douloureuse... de toute façon, avec la blonde dans les pieds, il n'irait pas loin. C'était déjà une épreuve en soi de ne pas la perdre des yeux. Une simple randonnée ne l'était plus autant, alors qu'elle trainait des pieds, sous le regard fatigué d'un Noctis qui avait bien d'autres Chacripan à fouetter.

Plus consciencieux, Julio cherchait plutôt à remonter le moral de sa dresseuse. Ce n'était pas une tâche aisée qu'il s'était là imposé, mais si le jeune homme savait se porter garant de sa sécurité, il n'était pas du genre à parler sentiments. C'était à lui que ce genre de missions incombait.
Les embrassades n'avaient pas fonctionné, pas plus que des grimaces. Peut-être souhaiterait-elle quelque chose de plus poétique et romantique ? Cela tombait bien, il avait vu de nombreuses fleurs roses lors de leur marche. Plus ils approchaient du but, plus elles pullulaient. Nul doute que si la coordinatrice avait daigné y poser les yeux, elle se serait régalée. Parfois, il fallait forcer les choses. Il sortit du sentier pour aller se perdre dans les hautes herbes, afin de trouver la plus belle plante, aux pétales les plus brillants, rebondis et saturés. Sa princesse d'humaine ne méritait pas moins !

Enfin, la Galarienne réagit à quelque chose. La présence de son Pokémon était bien trop familier pour elle pour que son absence passe inaperçu. Sans même le voir disparaître, elle avait senti comme un vide soudain, son intuition se révélant vraie lorsqu'elle ne trouva pas l'oiseau à ses pieds. En revanche, ses aigrettes blanches dépassaient des champs d'herbe et de fleurs, le trahissant. Lumière se jeta à sa poursuite, tenant haut sa robe pour ne pas l'abîmer, les jambes griffées par des herbes folles. Elle n'avait pas peur pour le canard : même désarmé, il était capable de s'en sortir face à un adversaire agressif. C'était plutôt elle qui ne se sentait pas capable de continuer sans la présence de son "vrai" ange gardien, contrairement à celui dont elle doutait de la loyauté.

La coordinatrice ne tarda pas à rattraper son compagnon. Celui-ci s'était arrêté non loin, après avoir trouvé la fleur qu'il jugeait parfaite. Elle était aussi jolie que les autres, mais différente. De couleur plus chatoyante, davantage rouge que rose, elle sortait du lot parmi ces innombrables beautés. Et c'était ainsi qu'il voyait sa maîtresse. Alors qu'il s'en approcha pour la cueillir, il ne remarqua pas la silhouette venue du ciel qui s'apprêtait à le frapper. Lorsqu'il aperçut l'ombre se former au dessus de sa tête, il était trop tard : il se prit un coup de patte entre les deux yeux !
Galarien comme il était, avant de s'énerver, le Palarticho attendit sagement des excuses du trublion, tandis qu'il cherchait à chasser la douleur en pinçant son front de ses plumes. Il devait être trop optimiste : le Pokémon se moqua de lui, dans un rire aigu évoquant un petit félin.
En voyant cette scène, Lumière aurait peut-être dû défendre son ami, mais pour être honnête, elle pouffa dans sa main en cherchant à étouffer ce qui aurait pu être un fou rire. Voilà le genre de chose qui arrivait quand on filait loin du sentier tête baissée dans les hautes herbes ! Mais bon, Julio était bien trop vieux pour retenir ce genre de leçons, il resterait têtu toute sa vie.

La bête au pelage blanc ne s'attarda pas. Peu patient et trop fier, l'oiseau l'avait menacé d'un "couac" peu impressionnant. Il avait juré qu'il ne combattrait plus, mais un bon coup de bec sur le crâne ne serait pas volé ! Il poursuivit son ennemi qui avait eu la bonne idée de filer. Pas qu'il ait l'air apeuré, au contraire. Il s'arrêtait et se retournait régulièrement, un sourire en coin, pour vérifier qu'il était bien suivi.
De son côté, la blondinette eut envie de prendre part au jeu également. Elle avait en tête de calmer Julio, mais il semblait ne pas être capable de rattraper le chenapan, donc elle n'avait pas à s'inquiéter pour lui. De plus, elle connaissait assez l'emplumé pour savoir que si correction il y avait, il n'irait jamais jusqu'à le blesser. En attendant, elle poursuivait le poursuiveur, espérant bien le rattraper.
Mais le canard était trop rapide, alors que la robe de Lumière se prenait dans les plantes et que ses chaussures de villes n'étaient pas faites pour ce genre de courses-poursuites dans les champs. Il était inévitable qu'elle perde l'équilibre à un moment où à un autre. Elle se ramassa de tout son long dans un petit cri.

Ce simple cri suffit à faire stopper net le Palarticho. Il avait oublié son unique mission ! Quelle honte... dans sa propre fierté, il avait oublié de veiller sur la fille de son vieil ami. Il retourna sur ses pattes, inquiet. Elle n'avait fait que tomber, mais qui sait, elle aurait pu se fouler la cheville ou s'assommer. Pire, elle aurait pu lui en vouloir et pleurer ! Il entendait couiner la jeune fille face contre terre... Lorsqu'il arriva au près de sa blonde, il souleva ses mèches d'or pour dévoiler son visage. Il fut vite rassuré : ce qu'il avait pris pour des pleurs n'étaient que des rires. Même si ses genoux seraient bien croûtés après cette mésaventure, Lumière s'était bien amusée de cette péripétie. Elle se leva vite et enlaça son compagnon.

Oh, Julio, vieille fripouille, gloussa-t-elle, C'était juste pour poursuivre ce petit chenapan que tu m'as faussé compagnie ? continua-t-elle, cette fois-ci en feignant l'apitoiement.

L'intéressé ne répondit pas de suite, comme s'il venait seulement de se souvenir de quelque chose. Oh ! Il regarda à sa droite, puis à sa gauche, avant d'apercevoir de quoi faire l'affaire. Il s'éloigna -peu, cette fois, pour aller cueillir une nouvelle fleur. Elle était moins splendide que la première, certes, mais tant qu'il pouvait en faire cadeau à sa dresseuse, elle gagnerait en valeur. Il la déposa délicatement dans la main de la jeune fille, qui en devint aussi rose que les pétales de gracidée.

Qu'elle est belle ! Tu es adorable, Julio, un vrai preux chevalier ! elle embrassa le front de l'animal en guise d'adoubement, Merci !

La Galarienne prit la fleur dans sa main droite et alla la fixer derrière son oreille, entre deux mèches. Elle ne savait pas trop de quoi elle avait l'air mais cela faisait visiblement plaisir au canard, qui la regardait avec admiration.
Du coin de l’œil, elle vit celui qu'elle avait un peu oublié : le Pokémon inconnu s'était arrêté, sûrement un peu vexé de voir son jeu interrompu. Pas de chance pour lui : bien qu'ayant le regard mauvais, le Palarticho s'était assez apaisé pour ignorer ses tentatives de provocation.

Bonjour toi ! le salua-t-elle d'une voix douce, Tu devrais présenter tes excuses à Julio, ce n'était pas une belle façon de se présenter, ajouta-t-elle, toujours calme, Et surtout, si tu as envie de jouer, ce n'est pas avec un rabat-joie pareil que tu vas trouver ton bonheur ! conclut-elle en lançant un regard coquin au canard, qui prit un air offusqué.
Praline, viens nous rejoindre ! appela-t-elle tandis qu'elle appuyait sur le bouton de l'une de ses Pokéball. La Skitty semblait être la partenaire de jeu idéale pour le petit faon. Illya aurait été trop intimidé par cet inconnu et aurait eu peur de ses manières un peu brusques. Quant à Cendres, elle était justement un peu trop jeune pour pouvoir s'amuser en toute sécurité avec un tel garnement.

Salut, Praline, je t'ai trouvé un compagnon de jeu ma grande !

Pas besoin de davantage de contexte pour la minette : elle fila comme un boulet en direction de la créature blanche et verte ! Julio afficha un sourire mesquin. Le fauteur de trouble verrait bien ce que ça fait de se faire malmener par une boule de poils surexcitée !

Le Pokémon inconnu se prêta immédiatement au jeu lorsque sa nouvelle partenaire le rejoignit. Il se posa même pour la laisser le poursuivre à pied. Malgré ses petites pattes, bien plus courtes que les siennes, elle parvenait à maintenir une bonne allure, assez pour être en mesure de le rattraper. Bien plus agile que l'autre volaille aux pattes palmées, pour sûr ! Il devait se sentir menacé -pas question de perdre pour lui, puisqu'il commença à laisser des pièges derrière lui : des herbes poussèrent par magie sous le corps de la Skitty et s'enroulèrent autour de sa jambe, si bien qu'elle en perdit l'équilibre. Elle se releva vite, ne tombant pas de bien haut, et reprit sa course.

Bien plus alerte, elle esquivait de mieux en mieux les Nœuds d'Herbe, bien que certain continuent de faire mouche. Le faon dut se lasser de ce petit jeu, puisqu'il cessa d'attaquer pour laisser la minette filer vers lui... avant de s'envoler, et d'éviter in extremis un coup de queue. Praline laissa échapper un roucoulement d'agacement face à ce qu'elle considérait être de la triche, mais ne pouvait pas réellement faire autre chose. Certes, elle aurait pu l'atteindre d'un Laser Glace ou une Onde de Choc s'ils avaient été en combat, mais elle ne cherchait pas la guerre. Agacée par les cabrioles vantardes du Pokémon Plante, elle repartit pleurnicher dans les bras de sa dresseuse.

En voyant revenir le chaton tout triste, Lumière s'inquiéta d'abord, avant de constater qu'il n'était pas blessé et de remarquer le sauvage virevolter dans le ciel au dessus d'eux. Il n'était pas difficile de comprendre ce qu'il s'était passé. Loin de se moquer de la féline pour son comportement immature, sa maîtresse la rassura en quelques grattouilles derrière l'oreille. C'était si facile de rendre ces petites bêtes heureuses !
Une énorme bourrasque de vent surprit néanmoins la Galarienne et ses compagnons. La première sentit alors son couvre-chef se soulever, mais le temps de réaliser ce qu'il se passait et de lâcher la tête toute ronde de la Skitty, il était trop tard : le chapeau s'envolait vers d'autre cieux !
Pas sous la surveillance du canard, non ! Mettant en œuvre ses réflexes aquilins, il s'envola également, partant en quête du vêtement. Il s'en rapprocha facilement, mais son bec ne se referma pas sur l'objet, qui avait déjà été saisi par ce fichu Pokémon blanc. Julio fit de son mieux pour ne pas s'énerver, il avait bien pu constater que c'était ce qui plaisait au chapardeur, et il ne lui ferait pas cet honneur. Pendant ce qui sembla durer une éternité, il regarda son adversaire dans les yeux avec un sérieux que lui aurait envié un Corvaillus, cherchant à lui faire comprendre les enjeux. Lorsque le monstre céda, sa réaction ne fut pas celle à laquelle s'attendait Julio, puisqu'il s'enfuit en ricanant, plutôt que de se soumettre. La course-poursuite interrompue par Lumière reprit donc lieu, dans les airs cette fois-ci. Pour observer le ballet aérien, l'humaine dut porter sa main en visière. Elle oubliait parfois que l'oiseau pouvait être étonnamment élégant en vol. En temps normal, il brillait plutôt pour son sang-froid. ... aujourd'hui n'était pas un de ces jours. Trop préoccupé par les émotions de sa dresseuse, il avait vite perdu patience pour ces enfantillages. Il se vit déjà vainqueur en s'approchant dangereusement de l'inconnu... qui se laissa tomber comme une feuille morte, atterrissant avec bien plus d'aisance que ne le pourrait le Palarticho, trop lourd pour ce genre d'agilité.

Eh non, ce n'était plus si drôle de jouer avec les nerfs de ce dernier maintenant qu'il s'était calmé. La créature sauvage préférait de loin sa nouvelle camarade, même s'il avait fait faux bond à cette dernière. Une fois à terre, il se pavana, chapeau dans le bec, cherchant à l'attirer comme ces hommes affrontant des Tauros. Praline hésita. Elle avait toujours de l'énergie à revendre pour ce genre de bêtises mais il s'agissait quand même d'une possession de sa maîtresse. Devait-elle plutôt chercher à le lui ramener ? Ou ignorer le chenapan pour qu'il se lasse et rapporte son larcin ? Elle regarda avec confusion la jeune fille, qui répondit avec un mélange de dépit et d'amusement :

File donc jouer avec lui. Je pourrai toujours racheter un nouveau chapeau.

Enfin, c'était plutôt Sirius qui devrait lui en racheter un. Et gare à lui s'il refusait.

La minette galopa, ravie, vers le Pokémon Plante, tandis que le Palarticho se posa doucement mais maladroitement auprès de sa protégée, observant jouer les deux jeunes monstres. Ils étaient bien plus combattifs que le vieil oiseau et la blonde trop délicate pour ce genre d'âneries. C'était un peu comme observer un spectacle que de les voir s'amuser ainsi. Surtout, Lumière projetait un peu sa propre solitude sur la Skitty qui semblait s'être fait un nouvel ami.

Il était presque fatigant de voir les deux chenapans dépenser ainsi leur énergie. Oh, Lumière n'avait jamais été très sportive. Elle savait chevaucher un Galopa comme personne, mais ne savait guère courir vite, sur de longues distance, sauter haut ou se battre. C'était plutôt le fort de Sirius. Il n'avait pas vraiment compris que son amie ne partageait pas cette passion et tentait souvent de la convaincre de s'entraîner davantage. C'était bien pour lui faire plaisir qu'elle acceptait, mais qu'il ne s'attende pas à ce qu'elle le fasse avec le sourire ! La prochaine fois, songea la blonde, elle resterait à l'hôtel au lieu de le suivre.

Après une longue course et moult cabrioles, Praline arriva enfin à rattraper le Pokémon blanc. Avec tant d'exercice dans les pattes, il avait fini par se fatiguer, lui aussi. Résilient, il faisait face à la Skitty, comme pour la défier de venir chercher le précieux chapeau. Aucune hésitation : le félin galopa et attrapa le couvre-chef entre ses canines. Elle tira vers elle, mais il y avait de la résistance de l'autre côté. Bien que fatigué, le faon n'était pas sur les talons pour autant, il saurait tenir bon et garder son jouet ! A son tour, il tira vers lui son précieux trésor.
Qui des deux gagnerait ce jeu de tir à la corde ? Aucun ne semblait vouloir lâcher prise - ça aurait été admettre sa défaite, ce qui était hors de question pour le duo, aussi joueur que compétitif. Éventuellement, ce fut le chapeau qui céda. Trop de force exercée de chaque côté le fit se rompre presque en son exact milieu dans un horrible bruit qui fit sursauter la Galarienne. Son attention se tourna vers le son, lui permettant d'admirer le carnage. Elle soupira légèrement. Elle se doutait qu'il n'allait pas arriver du bonheur au vêtement à partir du moment où elle avait laissé le Pokémon sauvage jouer avec, comment lui en vouloir. Surtout en le voyant arriver avec des yeux plaintifs. Comment ? Ce petit voyou aurait-il des remords ? Peut-être n'était-il pas qu'un sale garnement, après tout. Julio observait la scène, fâché, mais serein. Il était bien content de voir que le type Plante mesurait enfin la conséquence de ses actes. Il laisserait sa maîtresse être juge.

Ne t'en fais pas, petit Pokémon, c'est un vieux chapeau et je m'attendais un peu à ce que les choses finissent ainsi, chercha-t-elle à rassurer, en laissant vagabonder ses yeux sur le cadavre en charpie de ce qui fut son couvre-chef, Fais juste un petit peu plus attention la prochaine fois. conclut-elle dans un sourire mi-sincère.

Quelle prochaine fois, à vrai dire ? Vu son entrain à la vue du petit groupe, le monstre ne devait pas avoir beaucoup de compagnie, encore moins de chapeau à voler pour narguer son propriétaire. Peut-être n'avait-il été si invasif que parce qu'il se sentait seul ? Lumière ne pouvait que compatir, même si, au contraire, elle n'avais ni le courage, ni l'éducation pour oser s'imposer aux autres lorsqu'elle avait besoin d'eux. Elle ne pouvait que silencieusement espérer qu'on l'invite à se joindre.

Je vais bientôt devoir y aller, notre ami doit nous attendre. Nous nous rendons dans le Septrion. Si jamais tu avais envie de faire la route avec nous, ça serait un plaisir de t'avoir parmi nous.

La blondinette se demandait bien comment Sirius réagirait à la présence d'un nouveau compagnon, surtout une créature si énergique. Rien qu'à imaginer le Pokémon volant asticotant le Noctis faisait doucement rire la Solano.