Ah, Solem la Grande. Solem la Magnifique. Solem l’Eblouissante.

Et surtout, Solem le coffre aux trésors. C’est ainsi que la considère James, lorsqu’il est de visite dans la capitale austréenne. Parfois, il a l’impression que Solem est sa deuxième maison tant il y traîne souvent. Néanmoins, c’est ici que ses affaires tournent le mieux, alors il ne s’en plaint pas. Après tout, la plus grande ville du Sud est l’un des principaux joyaux de Salva, et un excellent carrefour commercial. Dans les petites rues étroites aux pavés ocres, James se sent comme à la maison. Il furète à droite, à gauche, se glisse dans une ruelle, grimpe sur les toits, embrasse la ville de ses deux mains. Pour peu, l’on pourrait croire que le thacien a toujours vécu ici. Et pourtant, c’est bien loin d’être le cas. Cela ne fait que quelques années qu’il visite régulièrement Solem, mais le contrebandier a vite percé la plupart de ses secrets. Il connaît les meilleures cachettes, les meilleurs passages, les meilleurs bars, les meilleurs hôtels. Solem toute entière lui appartient : et dans cet immense terrain de jeu, Jamie se sent comme un Poisirène dans l’eau.

Une fois n’est pas coutume, il est en ville ce jour-là afin de procéder à une vente. Une bonne dose d’herbes à fumer en provenance de Kalos, qui saurait mettre à l’envers les méninges de celui qui inspirera sa fumée. Une marchandise illégale à Salva, mais aussi dans le reste du monde. Ce qui la rend si rare et si recherchée. Et si cher aussi, voyons honnête. Mais pour les petits nobliaux de Solem, rien n’est trop cher. C’est pourquoi James aime tant la capitale : tous ces aristocrates à la vie confortable se paient la luxure et l’illégalité sans sourciller. Sûrement se pensent-ils intouchables, protéger par cette fortune qu’est la leur. Et dans un sens … ils n’ont pas tout à fait tort. L’or est une arme autant qu’un bouclier. Parfois, il suffit de glisser quelques billets pour lier les langues. Et alors, même la justice se laisse corrompre. Ah, l’esprit des hommes est si vicieux. Jamie a eu l’occasion de le constater de ses propres yeux à plusieurs fois. Et qu’est-ce que ça peut être amusant parfois … ! Un petit morceau d’or possède tant de pouvoir qu’il est presque inquiétant de savoir qu’il rythme chacune des vies humaines présente sur cette terre.

C’est donc plutôt satisfait que Jamie quitte les beaux quartiers de la capitale. Généralement, il ne se rend jamais chez le client mais … cette fois-ci, il s’est laissé tenter. La promesse d’un banquet typiquement solemien dans les jardins ombragés de la propriété a suffit à le convaincre, et c’est un James à l’estomac plein qui se joint à la peuplade solemienne. La cuisine du sud est vraiment excellente, malgré son abondance d’épices. Mention spécial pour les entremets salés … Jamie s’en ait rempli la panse, et il vendrait père et mère pour en avaler une nouvelle cargaison. Enfin bref, maintenant que son affaire est terminée et que son estomac est rempli, James doit tuer le temps dans la capitale. Son taxi volant ne le récupère pas avant la fin de la journée, ce qui lui laisse une après-midi entière pour traîner dans le coin. Hmm, que faire ? Il est trop tôt pour aller aguicher qui que ce soit à un bar. De toute façon, il a beaucoup trop manger pour ça. Il aurait bien fait une petite sieste quelque part, mais il risquerait de se faire détrousser par quelques voleurs à la sauvette. Pas de quartier pour les brigands, à Solem. Par ici, nous appliquons le théorème de l’arroseur arrosé. Et Jamie en a déjà payé les frais.

C’est tout naturellement que ses pas le guide jusqu’au Marché aux Epices. Un incontournable de la capitale, avec ses stands s’étendant jusqu’à perte de vue et la délicieuse odeur de nourriture flottant dans l’air. Malgré son appellation, ils vendent de tout par ici, tapis anciens comme olives marinées. Et bien sûr, c’est le territoire favori des filous. Il y a tellement de monde qui se bouscule devant les étalages qu’il est aisé de glisser sa main dans un sac ou une poche. D’ailleurs, Jamie se hâte de passer son sac à dos devant lui et d’y apposer sa main. Ce n’est pas lui qui se ferait avoir par un vulgaire pickpocket. Alors gentiment, sans se presser, le thacien commence à déambuler dans le marché. Il ne s’intéresse pas vraiment aux stands, même s’il jette quelques regards de temps en temps. Il préfère de loin constater le comportement des gens, toujours impoli et étrange, ce qui a tendance à toujours bien le faire rire. Notamment ces petites grand-mères aux turbans énormes qui s’affligent de tout et de rien. Ah, la vieille génération n’a pas fini d’en voir, pour sûr. Et la jeunesse aussi, d’ailleurs.

Bientôt, l’attention de James est attirée par un grand monsieur aux vêtements bariolés et aux doigts couverts de bagues. Ouh, encore un excentrique en provenance d’il-ne-sait-où n’ayant absolument pas conscience de là où il se trouve. Il va se faire détrousser en deux temps trois mouvements, avec cette allure bling-bling. D’ailleurs, même Jamie ne peut résister à la tentation de lui dérober un petit quelque chose. Comme … cette montre, horriblement laide. Vraiment, il n’a pas vu plus moche depuis l’invention des pieds de Vivaldaim empaillés. Voilà donc une magnifique raison pour lui subtiliser. Disons … que c’est pour son bien. Pour sauver son style. Sa cible en ligne de mire, Jamie le suit tranquillement jusqu’à un stand proposant des sacs en cuir de tauros. L’excentrique s’intéresse à l’un d’eux et passe ses bras dans son dos pour mieux l’admirer. Jamie saisit aussitôt cette occasion en or, et détache le bracelet sans aucune difficulté. L’instant d’après, il est déjà quelques mètres plus loin et l’étranger n’a rien vu. Ah, quelle andouille ! Fier de son larcin, Jamie rit à gorge déployée. Il n’y a pas plus drôle que les imbéciles, en ce bas monde !

Aaah, vraiment. Détrousser les idiots, c’est beaucoup trop drôle. Pendant un instant, Jamie imagine la tête toute déconfite du type quand il va réaliser que son horrible montre a disparu. Sûrement va-t-il d’abord croire qu’il l’a fait tombé, ou qu’il l’a oublié à l’hôtel. Et puis, le temps qu’il réalise qu’on le lui a volé, James sera déjà loin, très loin. D’ailleurs, comme à son habitude, le thacien libère Callum de sa Pokéball et lui confie son précieux larcin – ainsi que ces billets. La montre et la liasse dans la gueule, le Lougaroc nocturne pousse un petit ricanement complice et disparaît dans la foule, son pelage rouge s’évanouissant déjà au milieu des passants. Il s’agit-là de sa petite technique personnelle. S’il ne veut pas avoir d’ennui, il ne doit absolument pas garder ces vols sur lui. Alors quand bien même son attitude semble suspecte, si personne ne trouve rien sur lui à la fouille, on ne peut rien lui reprocher. Et cette petite tactique de filou, Jamie peut la réitérer trois fois : autant qu’il a de Lougaroc. Si Callum et Gannet sont les meilleurs pour ce rôle, Grace ne donne pas sa part au chien et trouve toujours un moyen de les dissimuler quelque part où personne ne pourrait les retrouver. Une vraie petite famille de voleur, ces trois-là !

Tout sourire, Jamie continue sa petite balade dans le marché, certain que son Lougaroc fera son travail à la perfection. Néanmoins, il n’a pas le temps de s’éloigner de trop qu’une voix résonne dans son dos. Police, hmm ? Zut alors ! Jamie était persuadé qu’ils étaient tous aveugles dans cette ville, mais il faut croire qu’ils se sont fait greffés des yeux depuis son dernier passage. Parfaitement confiant, Jamie se tourne doucement, un grand sourire aux lèvres. Oh, mais c’est une petite dame en plus ! Plutôt mignonne. Une chevelure colorée. Pas trop de monde au balcon. Un maquillage discret mais très féminin. Une corpulence athlétique. Bref, un joli bout de femme, quoi. Hmm, Jamie se laisserait vraiiiment tenter par une fouille au corps. Alors plutôt que prendre ses jambes à son cou, il lève les mains en l’air, l’air tout innocent malgré son sourire fripon. Bien sûr, les gens autour d’eux se retournent pour les dévisager mais il en faut bien plus pour déranger le contrebandier. Qu’ils le regardent, ces petits curieux !

L’excentrique, d’ailleurs, est celui qui se retourne le dernier. De toute évidence, il n’a absolument rien compris à tout ce tapage et n’a sûrement même pas encore remarqué l’absence de sa montre. Il se contente d’observer la scène d’un air totalement idiot, les yeux écarquillés. Ca doit être la toute première fois de sa vie qu’il assiste ainsi à une intervention policière, et quelque chose dans son petit sourire laisse comprendre que ça lui fait vraiment plaisir. Ah, quel nigaud ! S’il savait que c’est pour le vol de sa montre hideuse que mademoiselle la policière a interpellé Jamie. Mais tant mieux si le type est crédule. Il aurait encore capable de jouer en la faveur de James, tiens. Ce dernier laisse d’ailleurs son regard tomber sur le Démolosse accompagnant la policière. Le thacien ne peut s’empêcher de lui sourire : il a toujours adoré les Pokémon chiens. Ce n’est pas pour rien qu’il partage sa vie – et son appartement … - avec trois énormes loups. Enfin, énormes … Un Lougaroc reste plus petit qu’un Démolosse. Mais les cornes, ça aide aussi. Il y a quoi … bien vingt centimètres de corne. D’ailleurs, s’il se fie à leur apparence, Jamie est certain qu’il à affaire avec un mâle.

Une montre ? Mais quelle montre ma gente dame ? Je suis innocent.~

En guise de sa bonne foi, James glisse ses mains dans ses poches et les retourne. Évidemment, elles sont totalement vides. Si ce n’est pas la preuve qu’il est parfaitement innocent ! Vraiment, de quoi l’accuse cette jolie petite flic, hmm ? De toute façon, sans preuve de sa culpabilité, elle ne retiendra aucune charge contre lui. Il n’aura même pas droit à un petit séjour au poste de Solem. Quel dommage.~ Si toutes les policières sont aussi mignonnes qu’elle, Jamie veut bien qu’on lui passe les fers sans attendre.

Mais si vous voulez procéder à une fouille au corps, ne vous gênez pas surtout. Ce sera même avec grand plaisir.~

Un petit sourire filou - presque impertinent - au coin des lèvres, Jamie observe le Démolosse alors qu’il renifle la victime du larcin. Ce dernier ne comprend d’ailleurs toujours rien et se contente d’observer le Pokémon Feu d’un air sincèrement curieux, comme s’il en voyait un de cette espèce pour la toute première fois de sa vie. Pose-t-il la moindre question ? Absolument pas. De toute évidence, ça n’a pas encore fait tilt dans sa petite tête. Ah vraiment, si la policière ne l’avait pas remarqué, Jamie aurait pu considérer son petit vol comme parfait ! Il est tellement amusant de duper les plus crédules. Ils ne remarquent rien et deviennent témoin d’un vol dont ils sont victimes. L’excentrique est le profil parfait du type facile à voler. Il ne remarque rien, laisse son esprit divaguer de choses à d’autres en moins de cinq secondes et ne pose jamais la moindre question. De l’avis de Jamie, il est un parfait imbécile. Il gardera très certainement un joli souvenir de sa visite du Marché de Solem. Et Jamie aussi, d’ailleurs … jusqu’à ce qu’il la revende sur le marché noir. Elle trouvera forcément un acheteur, aussi laide soit-elle.

Une fois l’odeur enregistrée, Démolosse part à la recherche d’une piste. Il risque d’avoir bien des difficultés, parce que l’excentrique s’est penché à bien des stands. Et sûrement l’odeur de Callum masque-t-elle celle du bijou volé. A l’heure qu’il est, le Lougaroc nocturne doit être bien loin, dans une petite ruelle de Solem, à attendre patiemment le retour de son maître. Ce n’est pas son premier vol, il connaît parfaitement la marche à suivre et ne se laissera pas duper. S’il entend quelqu’un venir dans sa direction, il fuiera ailleurs. Même si Callum n’est certainement pas le plus intelligent de ses trois Lougaroc, il ne faut pas non plus le prendre pour le dernier des imbéciles. Il connaît son travail sur le bout des griffes et Jamie sait pertinemment qu’il ne le décevra pas. Cette montre, il peut déjà la considérer comme acquise - voire même comme déjà vendue ! Des bijoux de ce prix-là, ça part comme des petits pains. Ah, James imagine déjà la petite liasse de pokédollar dont il héritera à la place de cette horrible montre … pourquoi pas en profiter pour s’offrir un nouveau casque de moto, tiens ?

La policière s’approche finalement pour procéder à la fouille au corps. Docile, Jamie se laisse faire, non sans afficher un petit sourire satisfait. Espérons qu’elle n’oublie pas de fouiller les poches arrières de son pantalon ! Le thacien a toujours beaucoup aimé qu’on lui touche les fesses, surtout les jolis bouts de femme dans son genre. Pourtant, elle n’a pas le temps d’aller plus loin que le long de ses bras que le Démolosse enfouie son museau dans la main de Jamie. Allons bon. Il a donc senti l’odeur de la victime sur lui ? En quoi est-ce si étonnant, étant donné qu’ils faisaient le marché en même temps et que l’excentrique prend toute la place ? Vraiment, pour James, il ne s’agit-là pas là d’une preuve suffisante. Et pourtant, la policière attrape ses menottes et les agite presque sous son nez, lui répétant cette phrase clichée apprise par coeur par tous les petits flics de Solem. Néanmoins, Jamie ne l’entend pas de cette oreille. Hors de question de faire un séjour dans la gendarmerie de Solem - il a bien d’autres plans pour le reste de sa journée ! Et puis vraiment, les salles de garde à vue, ça manque beaucoup trop de confort à son goût.

Ainsi profite-t-il de la distraction offerte par le Démolosse pour prendre la poudre d’escampette. Habilement, il se glisse dans la foule et disparaît dans la masse grouillante. Il ne court pas, pour ne pas trop attirer l’attention sur lui, mais ne traîne pas non plus. Le mieux serait d’abord qu’il s’éloigne du marché afin de se dissimuler dans une petite ruelle de Solem. Il ne sera pas aisé de tromper la vigilence des policiers, d’autant qu’ils doivent également connaître la capitale par coeur, mais il en faut plus pour décourager Jamie. Afin de l’assister dans sa fuite, il tire la Pokéball de Grace de sa ceinture et libère la louve. Cette dernière lui lance un petit regard interrogateur et comprend la situation en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Aussitôt, elle trottine dans les pas de Jamie, en profitant pour masquer l’odeur de Callum qui est sûrement passé par là quelques minutes auparavant. Les deux Lougaroc formant un couple, ils possèdent la même odeur ce qui leur permet de brouiller leurs pistes. La femelle diurne se balade ainsi entre les passants, disperçant son parfum sur le marché tout en veillant sur Jamie progressant quelques mètres plus loin.

Bientôt, Jamie quitte le Marché et s’engage dans une rue menant à une place très appréciée de la jeunesse solemienne. Entourée de petits restaurants et de boutiques diverses, c’est l’endroit rêvé pour semer quelqu’un. D’autant, qu’une fois encore, il espère duper l’odorat du Démolosse en l’exposant à des parfums de fastfood et de nourriture frits. L’huile empeste à des kilomètres et même Jamie esquisse une petite grimace dégoûtée. Lui qui n’est pas un grand amateur de malbouffe - si ce n’est la pizza - sent vite son estomac se retourner. Il lui faut donc rapidement s’éloigner encore, en espérant parvenir à vite semer cette flic collante et grande gueule.