Parfois, Rohann a bien du mal à comprendre ses parents. La veille au matin, il les a rejoint à Thacie après un long voyage à bord d’un Taxi Volant. Quitter Woestan – et donc Aru – n’a pas été facile, mais cela faisait si longtemps qu’il n’avait pas revu sa famille qu’il n’avait pu leur refuser ces quelques semaines de vacances à leur côté. Mais alors qu’il pensait rester quelques jours à Mésoé pour ensuite décoller pour Galar, il a eu la bonne surprise d’apprendre qu’ils partaient plutôt pour le Septrion. En effet, son père se serait prit l’étrange lubie de réaliser une longue randonnée dans les Plaines Cristal, afin de rallier Venyys, le petit village minier à l’extrême est de Salva. Une envie bien étrange de la part de ce PDG habitué à son petit confort, et qui n’avait jusqu’alors jamais émit l’envie de se lancer des défis sportifs. Mais il faut croire qu’avec l’âge, monsieur Brooke a décidé de se lancer des nouveaux défis, sûrement pour casser avec sa routine de travail. Et bien sûr, il faut qu’il embarque toute sa petite famille dans ses plans foireux. Aaah, Rohann regrette déjà le soleil de Woestan et, surtout, les bras de son petit-ami. Il aurait préféré passer l’été à ses côtés … au lieu de quoi, il va faire une randonnée dans le Nord. Génial.

Les Brooke ont donc atterrit au sud des Plaines Cristal au petit matin. De toute évidence, les deux femmes de la famille appréciaient guère d’être là, et cela se voyait à leurs mines fermées. Surtout la jeune Charlie, qui n’a jamais été une grande amatrice de sensations fortes. La petite lady galarienne a toujours préféré faire les boutiques ou goûter dans les salons de thé. Un cliché, il faut bien l’avouer. Et autant dire que devoir supporter une immense doudoune rose bonbon et des bottes de neige fourrées ne la met guère en joie. Même sa Miaouss de Galar pousse des petits cris d’indignation, rageant contre la poudreuse venant s’agripper à son pelage touffu. Seul Rohann ne dit rien, préférant lacer ses bottes et ajuster son écharpe. Les randonnées, ça ne lui fait pas peur. Il a toujours été un garçon sportif, et ses études de Ranger l’ont poussé à travailler son physique. Traverser les plaines glaciales ne l’effraie donc pas le moins du monde, bien au contraire. D’ailleurs, c’est lui qui impose le rythme dès le début. A plusieurs reprises, sa mère ou bien Charlie réclament des pauses, à bout de souffle. S’il s’arrête, ce n’est jamais de gaieté de cœur. Ça a tendance à perturber son rythme, et il n’apprécie pas vraiment ça.

A midi, ils étaient bien loin de leur objectif de base. Monsieur Brooke espérait rallier le Café Gourmand, petite auberge perdue au milieu des plaines, afin d’y déjeuner au chaud mais ils en étaient encore loin. De ce fait, leur avancée étaient ponctuée par les plaintes de Charlie, qui avait tantôt faim, tantôt soif, qui réclamait des pauses toutes les vingt minutes et refusait de faire pipi ailleurs que dans des toilettes. De plus en plus agacé, Rohann prenait sur lui pour ne pas les distancer pour continuer cette randonnée tout seul. Pour une première, son père a vu trop gros et tout le monde en paie les frais. La faim se loge bien vite au creux de tous les estomacs, et l’apprenti Ranger regrette sincèrement de ne pas avoir pu participer aux préparatifs. Sinon, il aurait noté l’importance des rations, afin de caler les estomacs. Mais son père s’est contenté de quatre petites bouteilles d’eau, comme si elles allaient être suffisantes pour leur périple. Ah, ne jamais laisser des amateurs préparer des randonnées, sinon ça risque de très mal tourné … ! Heureusement, ils finissent par passer la porte du Café Gourmand, près d’une heure et demi en retard. Bien heureusement, on accepta de leur servir un gros potage bien chaud. Pas forcément bon, mais au moins a-t-il suffit à remplir les estomacs.

Et bien sûr, maintenant que tout ce petit monde est rassasié et bien au chaud … personne ne veut repartir. Rohann essaie bien de motiver les troupes, mais Charlie préfère brosser sa Miaouss devant la cheminée pendant que ses parents somnolent sur les canapés mis à disposition. Comprenant qu’ils passeraient sûrement la nuit ici, l’apprenti Ranger tente de s’occuper, notamment en envoyant quelques messages à Arutua. Mais par ici, le réseau est inexistant et aucun de ses messages ne peut être distribué. Totalement désespéré, Rohann reste bien une vingtaine de minutes avachit sur une table, à broyer du noir. Finalement, il prend la décision de partir se balader – il n’y a rien à voir de très intéressant dans le coin, mais ce sera toujours mieux que s’ennuyer ferme. Alors il libère Cynder et Meara de leur Pokéball, et se lance dans une petite promenade dans les alentours. Découvrant la neige pour la première fois de sa vie, la Ponyta l’observe avec une certaine curiosité, étonnée de la voir fondre au contact de ses sabots. Bientôt, c’est une petite ponette guillerette qui bondit dans la poudreuse, soulevant des gerbes de neige autour d’elle. Si Rohann rit de ses cabrioles, Cynder préfère bougonner dès qu’un flocon ose s’accrocher aux poils de ses oreilles.

Ils progressent depuis une bonne trentaine de minutes maintenant lorsqu’une ombre passe devant le soleil timide. Surpris, Rohann scrute les cieux pour identifier le responsable, et aperçoit un Togekiss qui amorce une descente pour le rejoindre. Sitôt posé devant lui, le garçon lit de la panique dans les prunelles du Pokémon. Quelque chose est arrivé dans le coin, et il cherche de l’aide ! N’écoutant que son courage, Rohann rappelle Cynder et Meara, qui accourent sans attendre :

Guide-nous. Nous allons t’aider.

Le Togekiss s’envole aussitôt, en direction de l’est. Rohann le suit en marchant rapidement, scrutant le ciel pour ne pas le perdre de vue. Son coeur se met à battre furieusement dans sa poitrine, mélange d’adrénaline et d’une pointe de peur. Qui sait ce qu’il trouvera une fois arrivé à destination ? Est-ce un être humain qui a besoin d’aide, ou bien un autre Pokémon ? A-t-il seulement le matériel nécessaire pour porter secours à qui que ce soit … ? Après tout, ce n’est pas lui qui a fait son sac, mais son père. Et s’il n’est pas capable de glisser quelques barres de céréales au cas où … a-t-il seulement pensé à une trousse de premier secours ? Rohann secoue la tête. Pour le moment, il doit rejoindre le potentiel blessé – le reste, il avisera sur le tas. De toute façon, il n’a pas vraiment le choix. Il est seul dans cette entreprise, à lui de prendre toutes les dispositions nécessaires.

Finalement, le Togekiss se pose près d’une crevasse, désignant le vide de son aile. Aussitôt, Rohann jette un regard en contrebas, apercevant une personne allongée dans la neige.

Hey ! Tout va bien ? Je viens vous aider ! Surtout, ne bougez pas… !

Il ne reste plus qu’à espérer que Rohann dispose d’une corde ...

Le regard miel de Rohann se perd en contrebas, au fond de cette crevasse profonde de plusieurs mètres. Au fond, il y aperçoit une silhouette recroquevillée, interne, silencieuse. Le voyageur s’est sûrement laissé tromper par la neige, au point de ne même pas apercevoir cette crevasse labourant le sol. Rohann se serait sûrement laisser avoir également, si le Togekiss ne l’avait pas si bien guidé. Dans un tel océan de poudreuse, il n’est pas toujours évident de savoir où l’on met les pieds. Rohann lui-même prend mille précautions en se penchant au dessus de la crevasse : sait-on jamais, le sol peut être fragile. S’il tombait également, ce serait une vraie catastrophe. De ce fait, il veille à bien répartir son poids sur ses jambes et à veiller sur son équilibre alors qu’il se penche en avant. Ce ne sont pas ces genres de choses qu’ils apprennent à l’académie, mais Rohann peut remercier la passion d’Aru pour toutes les émissions de survie qu’il apprécie regarder à la télévision. Le galarien a tendance à trouver cela assez barbant mais … il doit bien reconnaître que tous les conseils ne sont pas stupides.

Sa voix résonne dans la crevasse, lui renvoyant même quelques échos. Il espère obtenir une réponse du voyage blessé, afin de savoir s’il est conscient ou non. Il lui semble le voir bouger, mais Rohann attend une manifestation beaucoup plus significative avant de faire quoi que ce soit. Finalement, des mots parviennent à ses oreilles. Et s’il ne comprend pas vraiment tout, il est malgré tout rassuré de constater que le voyageur est bel et bien conscient - et surtout … en vie. Rohann n’ose même pas imaginer si cela n’avait pas été le cas … il sait bien qu’il risque de s’y confronter dans son métier, mais il préfère repousser l’échéance le plus loin possible. Les cadavres, ce n’est pas vraiment son truc, loin de là. C’est à peine s’ils supportent la vie des nombreuses prises que Cynder lui apporte parfois, en guise de cadeau. Il n’y a rien de pire aux yeux de Rohann, qui n’a jamais apprécié constater ainsi la mort. Plus il s’en tient éloigné … mieux il se porte !

Mais heureusement, personne n’est mort aujourd’hui. Et c’est donc sincèrement rassuré que le garçon commence à réfléchir à un plan. Il faut absolument tirer le voyageur de cette crevasse afin de lui apporter les premiers soins. Mais comment descendre là-dedans sans risquer également d’y rester prisonnier ? Par acquis de conscience, Rohann fouille son sac. Et il a la bonne surprise d’y trouver une corde ! Son père a une drôle de façon de préparer les affaires mais … au moins, il a pensé à quelque chose d’aussi essentiel. Ni une ni deux, Rohann balade son regard autour de lui et repère un gros rocher perçant le sol à quelques mètres derrière lui. Voilà qui devrait faire l’affaire. Rapidement mais efficacement, il noue la corde autour du rocher, tire un peu dessus pour tester la solidité du noeud et s’approche finalement de la crevasse. Tout en attachant l’autre extrémité de la corde autour de sa taille, il s’adresse à sa Ponyta et au Togekiss demeurés tout près de lui.

Je vais descendre pour le récupérer. Quand je vous appellerais, tirez de toutes vos forces sur la corde pour nous remonter. D’accord ?

Les Pokémon opinent du chef, déterminés, alors que Rohann se rapproche davantage du bord. Heureusement, l’escalade est une base dans la formation de Ranger, il ne ressent donc aucune crainte à l’idée de descendre le long de la paroi rocailleuse. Bientôt, il disparaît dans la crevasse, évoluant lentement mais sûrement. Ses pieds et ses mains cherchent les meilleures prises et il ne lui faut finalement qu’une petite dizaine de minute pour atteindre le sol poudreux. Aussitôt, il rejoint le voyageur étendu dans la neige et le redresse lentement, le tenant contre lui pour le réchauffer un peu. A travers son épaisse doudoune, il ne ressent évidemment pas à quel point la personne est gelée, mais il le devine à la teinte violacée de ses lèvres …

Je suis là, je vais vous remonter. Vous pouvez vous lever …? Vous avez mal quelque part ?