Histoire

« On raconte que les enfants élevés au lait d'ECREMEUH deviennent des adultes braves et robustes. »



Au moment-même où Easter est né, il était destiné à devenir le premier. Il était le premier fils de Jeremiah Morane et de sa femme Susane, premier d'une longue fratrie qui ne compterait pas moins de cinq enfants, deux garçons et trois filles. Autant dire que la maison avait toujours été très animée, sans compter les régulières réunions de famille où les gens venaient si nombreux que l'aîné s'était déjà demandé s'il n'avait pas des liens de sang avec la population d'Unys tout entière.
Le paternel n'avait pas été très créatif dans le nom de ses enfants, c'était compréhensible, son métier était de nourrir le pays pas d'être créatif. Son premier fils portait ni plus ni moins que le nom de son Galopa, qu'il avait depuis tout jeune. Il avait songé qu'il ne serait pas dur de différencier les deux "Easter", l'une étant une femelle et l'autre un homme. Quelques années plus tard, la jument donna naissance à un Ponyta, qui éclot exactement le même jour où naquit le cadet de la famille, nommé Ponyboy. La première fille de la génération, elle, porterait le sobriquet de Suzy, ce qui lui siérait bien puisqu'elle grandit pour être le portrait craché de sa mère. Quant au deux dernières, qui naquirent jumelles, il se creuse encore moins les méninges, choisissant deux noms qui se ressemblaient, Emma et Ella.

Il était naturellement prévu qu'Easter reprenne les rênes de l'affaire familiale, pourquoi pas aidé de Ponyboy - après tout, la maison était assez grande pour les deux gaillards et leurs futures épouses et descendances. C'est au fil des années que le père des enfants commença à remettre en question ne droit d'aînesse de son premier fils.
Il était bon éleveur, certes, il avait un contact particulier avec les Pokémon, presque magique. L'Ecremeuh qu'il avait élevée avait donné le meilleur lait qu'il avait jamais goûté, il pouvait calmer un Tauros d'une seule caresse et tondre les Wattouat sans se prendre une seule châtaigne. Il avait même appris à monter à dos de Ponyta avant de savoir marcher.
Cependant, il avait pu constater que le blondinet n'était pas une flèche, loin de là. L'enseignement à la maison était une véritable corvée, l'enfant étant incapable de retenir la moindre formule mathématique. Ce ne serait pas ainsi qu'il tiendrait les comptes de la ferme. De plus, il avait beau sourire et être poli à souhait, il manquait cruellement de social en ce qui concernait les échanges commerciaux. Ils commerçaient depuis des décennies avec les restaurants de Pavonnay, Amaillide et Ondes-sur-Mer, ainsi qu'avec une famille voisine. Ce n'était pas en jouant les timides qu'il accomplirait des prouesses économiques. Cela désolait Jeremiah, qui aimait autant son aîné que ses autres enfants, mais il devrait tout léguer à Ponyboy. Celui-ci était un gentil garçon, il ne doutait pas qu'il embaucherait son grand frère pour l'aider. Après tout, ses bras costauds ne seraient jamais de trop à la ferme.

Lorsqu'il apprit la nouvelle, Easter ne pleura pas. Bien sûr, il était un vrai homme, un dur, pas du genre à montrer ses larmes pour un oui ou pour un nom. Il félicita son frérot qui était aussi surpris que ravi, tandis qu'il cherchait encore à comprendre ce qu'il venait de se passer. Malgré son grand sourire, une petite partie de lui s'éteignit. Il se moquait bien de gérer la ferme, ce qu'il lui importait était de travailler dehors, avec les Pokémon, le dur labeur et la satisfaction du travail bien fait. Mais... était-il si stupide que ça ? En tout cas, il semblait que c'était ainsi que le monde le voyait, même sa famille. Il se sentait soudain comme un poids mort. Ça allait à l'encontre de ses valeurs. Il n'aimait pas tous ces vilains sentiments qui le prenaient soudain au dépourvu.

A compter de ce jour-là, le fermier plongea dans une crise existentielle. S'il n'était pas assez bon à son métier actuel, en quoi pourrait-il se rendre utile pour le monde ? En dépit de ses bons efforts, son moral commençait à influer sur ses performances, le persuadant de plus en plus qu'il n'était pas fait pour ça.

Il pensa trouver la solution à son problème à la réunion de famille suivante. Les parents vinrent de toute la région, on dressa une immense table en O, où tous devaient parler bien fort pour s'entendre, puis on dansa et on fit des jeux à dos de Galopa, Ponyta, ou Moumouton pour les plus jeunes enfants. Tout le monde s'amusait mais bien qu'Easter ait montré son plus beau sourire toute la journée, on remarqua bien son manque d'enthousiasme, alors qu'il ne claquait que timidement des mains au lieu de se défouler sur la piste de danse comme il en était d'habitude capable.
Ce fut sa jeune cousine Lizy qui l'aborda la première. Elle avait toujours été frêle et petite pour une Morane. Elle avait même hérité de la chevelure rose de sa mère, faisant intruse au milieu de toutes ces têtes blondes et rousses. Il osa se confier à elle, qu'il savait si délicate et honnête. Il fut si heureux lorsqu'elle affirma le comprendre.

Tu sais, je ne me sens pas non plus vraiment utile dans cette famille. Mais j'en ai parlé à papa et maman. Je vais quitter la ferme avec Rover ! Son Ponchien aboya, comme pour confirmer.
Bah qu'est-ce tu vas donc faire alors ? demanda le fermier, dubitatif.
Je ne sais pas, peut-être dresseuse, coordinatrice, ou peu importe, je veux juste voyager, voir d'autres choses que la ferme, trouver ma voie...

La jeune femme parlait de ses rêves avec des étoiles dans les yeux. Le blond buvait ses paroles comme si elle avait été une grande oratrice. Il en fallait peu pour le convaincre dans l'état dans lequel il était.  Quant à elle, elle n'hésita pas un instant lorsqu'il lui proposa de voyager ensemble.

Ils partirent le surlendemain avec leurs Pokémon. Évidemment, Daisy suivit son éleveur. Quelque chose disait à ce dernier que s'il avait laissé la vache derrière, elle aurait fini en steak en quelques jours. Pas que ça le gêne de manger des Pokémon... juste, pas le sien. Pas sa meuh-meuh.
Ils voyagèrent ensemble à travers Unys, bien heureux de ne pas se lancer seuls. Plus d'une fois ils se perdirent en route, incapable de lire une carte. Il arriva même qu'une créature sauvage les attaque, qu'ils n'auraient jamais pu mettre seuls en déroute. Quelle fin tragique pour notre cowboy que de finir dévoré par un Brutapode.
Mais éventuellement, ils durent se séparer. Bien décidée à continuer dans la voie des concours après ces mois à se chercher, Lizy partit pour Hoenn avec son Mastouffe. Trop peu pour Easter, que la région tropicale et humide rebutait un peu. De plus, il était prévu que leurs routes se séparent. C'était l'occasion ou jamais de le faire. Lui, toujours indécis, se trouva à bord d'un paquebot pour Salva. Un peu inconsciemment, la vue des champs et des Tauros de Rykaarde dans les brochures avait éveillé un lui un grand sentiment de nostalgie qui l'avait tiré comme un aimant vers la région aride.

Le pauvre grand dadais, sans plan pour l'avenir, aurait même failli finir sans domicile das une région inconnue. Il pouvait, étrangement, s'être estimé heureux d'avoir marché en plein dans un piège de braconnier. La douleur manqua de lui arracher un juron. Il était persuadé de pouvoir desserrer les deux mâchoires de fer à mains nues. C'était peut-être possible, après tout il était bien costaud. Mais il fut trouvé par une ranger avant d'avoir eu l'opportunité de s'en sortir avec panache. La femme semblait bien confuse d'avoir trouvé un drôle de gaillard là où il croyait avoir vu un Pokémon se faire piéger. C'était que les cris qu'elle avait entendus s'apparentaient davantage à un Tauros qu'un bipède... Elle le mena quand même chez elle pour le soigner, aucun n'ayant vraiment les moyens d'aller à l'hôpital. Là, Easter eut tout le temps du monde pour questionner son sauveteur avec plus de passion d'un Poképolicier, questions répondues avec autant d'entrain que de fatigue. L'Unysien n'avait jamais été aussi bavard de sa vie.

A peine remis sur pieds, il s'engagea à l'école des rangers à l'âge de dix-huit ans. Pour tout vous avouer, il y était allé plein d'espoir de s'y plaire, mais sans certitude que sa vocation s'y trouvait. Les années de formation, en revanche, s'écoulèrent sans qu'il ne les voie. C'était sûrement la première fois qu'il avait jamais appris quelque chose avec tant de facilité. Pourquoi ne lui avait-on pas appris ça plutôt que les maths ? Jusqu'à preuve du contraire, on n'arrêtait pas de contrebandiers avec Pi ou des théorèmes aux noms tarabiscotés. Était-ce donc la preuve qu'il avait trouvé sa destinée ? Pour sa petite caboche un peu superstitieuse, oui.

Mais il se surprend encore à rêver, en observant les Pokémon fermiers paître, qu'un jour, peut-être, il créerait son petit élevage, avec une petite femme et une petite famille. On n'échappe jamais vraiment à sa nature.

Boh, j'ai l'temps avant d'm'en faire ! pensait alors le ranger.