C’est avec un certain plaisir que je reçois le nouveau membre de mon équipe. Oui, ce n’était absolument pas prévu, oui, il va falloir que je prenne mon courage à deux mains pour l’annoncer à Stella et à sa jalousie maladive et oui… je sais que ce petit bonhomme rose va avoir une sacrée surprise demain matin quand je sortirai de ma douche, mais pour l’instant, ce n’est pas encore mon problème. C’est celui du Ashley du futur. Je suis … contente, oui, vraiment. Je sens que ce nymphali et moi allons bien nous entendre, qu’il est aussi rose que moi et que c’est très amusant. Je sais aussi que le lien qui unit les deux pokémon fée est fort et qu’il nous faudra prendre ça ne compte, Louka et moi. Un problème ? Non. Je me rends littéralement tous les matins chez lui, alors je n’aurai qu’à prendre un membre de plus pour ma tournée. Qui sait ? Peut-être que ce petit gars rose aimera autant que moi venir en aide à autrui.
Vraiment, je suis contente. Contente de le voir en bonne santé, contente que cette drôle de situation se termine sur une note positive. Contente d’être au festival, contente de ma tenue et de réussir à passer pour une femme comme je le souhaite. Ça devrait être une soirée parfaite, non ? Je suis contente, vraiment, vraiment, vraiment contente.

Alors pourquoi cet énervement qui fleurit dans ma poitrine ?

A chaque fois que je pose le regard sur le nouveau duo, sur ce nymphali et bleu et son nouveau maitre, je ne peux m’empêcher d’être un peu… dérangée. Pas que j’aurai aimé accueillir aussi le bleu dans mon équipe… je pense que Stella m’aurait tuée si j’avais pris cette décision sans elle. Mais je ne peux m’empêcher de remarquer. J’entends ses mots, gentils et doux. Je vois ses gestes, délicats, attentionné. Son regard, plus illuminé par la présence de ce pokémon que par la mienne.
Je le pensais indélicat, sans cœur, pourri jusqu’à la moelle comme tous les ces idiots de nordiques… et maintenant ça ?!
Je n’ai jamais eu droit au quart de l’attention qu’il offre à ce pokémon, et je lui torche les fesses, tous les jours.
Jamais un merci, jamais un bonjour, jamais s’intéresser à ce que je fais. La preuve est que je me ramène, absolument sublime de la tête au pied, et qu’il ne fait pas la différence avec ma tenue de travail. Il n’en a rien à foutre. Rien du tout. Pourquoi en aurait-il ? Je ne suis qu’une erreur, une abomination à ses yeux.
Et ça m’énerve. Ça ne devrait pas, mais ça m’énerve. Dans mes bras, alors que nous nous éloignons tranquillement du stand de soin, le nymphali rose n’est pas plus ravi que moi de la situation. Il bougonne au nouveau nom -si bien trouvé-, feule discrètement, agite ses rubans d’être ainsi tenu à l’écart. Je ne réponds pas à sa question, bizarrement silencieuse et en retrait. Je ne devrai pas m’en soucier, ce n’est qu’un con… un petit connard fini avec la tête trop enfoncée loin dans son propre cul qu’il ne peut même pas en sortir deux secondes pour remercier quelqu’un.
Jamais un merci, jamais un bonjour. Toujours le même grognement. Toujours les mêmes roulements de regard.

Doucement, j’enroule un des rubans flottant autour de mon index, attirant l’attention du pokémon rose, et lui murmure.

« Je sais, c’est rageant… mais regarde-moi faire. »

Je pose le pokémon au sol, il n’a pas encore son nom, mais pour l’instant, ça ne me semble pas le plus important. Je glisse mes doigts fins, délicats, si joliment manucurés sur les poignées de ce fauteuil roulant. Un large sourire de façade se placarde sur mes traits réhaussés de maquillage.

« Apollon, c’est mignon. Un vrai nom de tombeur en plus ~ »

De tombeur de femmes et d’hommes… je me demande s’il a pensé à ça avant de le nommer ainsi ?  Je reprends les rênes et sans annoncer notre destination, navigue entre les gens qui se rassemblent petit à petit. La nuit s’éveille, le soleil est absent, les lanternes, absolument magnifiques. Une belle soirée pour être salée et très mesquine. Je nous emmène auprès de stand plus colorés, drapés de tissus au couleur du festival. César sort de sa cachette, attiré par la multitude de ruban. Je lui lance un petit regard et acquiesce. Evidemment, il pourra en choisir quelques-uns pour lui-même. J’en prends moi-même deux, montés sur des pinces à cheveux, que je choisis de la plus belle couleur bleu et jaune pétant que je trouve. Couleur de notre dieu, après tout.

« Il te manque un dernier tout petit détail de riiiiien du tout ! » J’accroche les rubans dans ses cheveux noirs, sans vraiment lui demander son avis. Si mes sentiments n’ont pas d’importance, les siens non plus, après tout. Je compte sur Appolon bien calé sur ses genoux pour l’empêcher de trop remuer. Je me recule ensuite d’un pas, avant de sortir mon holo-kit pour une photo rapide de sa tête bougonne. « Awn, ça te va super. Adorable, même ! Tu veux voir ? »

Petit et mesquin ? Complètement. Et je ne fais que commencer.

C’est injuste, injuste, injuste ! Dégueulasse même. Me voila complètement jalouse d’un pokémon. Génial, super, c’est vraiment comme ça que j’avais prévu de passer ma soirée, tiens ! Mais j’en peux rien, je peux pas passer au-dessus, pas si facilement. J’ai envie de lui mettre la misère. J’ai envie de montrer d’un cran dans ce jeu stupide dans lequel je me suis lancée. Les blagues salaces ne lui font même quasi plus rien, ce n’est pas drôle. Pas même les ‘faux’ compliments sur son physique de crevette… ‘fin, crevette qui a passé quand même un bon moment à la gym, mais fuck-it ! La ferme, moi ! Tu ne sais même pas te contrôler et voila le merdier dans lequel tu te fous. Je m’en fous, mais je ne m’en fous pas. Je vais montrer d’un cran dans tout ce qu’il déteste, jamais assez pour être virée, mais suffisamment pour lui mettre la honte bien comme il faut.

Ça lui apprendra… même si je doute qu’il puisse apprendre quoique ce soit dans son état avancé de connerie nordique. C’est une maladie de stade terminale, pas de traitement, on peut que gérer les symptômes avec une bonne grosse dose de paillettes dans la gueule.

Des paillettes, c’est une idée, mais pour l’instant, prends déjà une belle paire de ruban !
Forcément, ça ne lui plait pas, suffit de voir sa tête passer d’un coup de la contemplation idiote de son nouveau pokémon, à un regard si noir que je peux littéralement y lire toute sa haine. Parce qu’il me hait, hein ? Forcément qu’il me hait. Forcément. Il fait que me supporter parce qu’il n’a pas le choix, et parce que j’ai littéralement piqué les clefs de son appart’. Il me hait, c’est si évident, et s’il ne l’a pas encore dit, c’est juste parce que je suis plutôt douée pour lui torcher le cul. C’est tout. C’est tout ce que je serai pour lui, une saloperie de monstruosité bonne pour l’asile. Je le sais parfaitement, ça ne me fait pas mal.

ça fait mal

Et il continue les écorchures, osant se tromper de pronom. Comme si c’était pas évident que je suis une fucking meuf ce soir ?! Il veut quoi de plus ? A part gâcher mon plaisir puisque littéralement tout le monde me reconnait comme une meuf ?! ’passer pour une nana’, ajoute encore un peu plus de sel sur mes plaies, tiens, ça va aider. Compte pas sur moi pour enlever quoique ce soit. Compte sur rien, d’ailleurs. T’as qu’à te les arracher toi-même. Mais non, l’intervention fortuite d’Appolon l’en empêche. Brave bête, elle fait que roupiller, mais au moins ça me permet de profiter un peu plus de sa tête déconfite. Adorable, le pire est que ça ne lui va pas trop mal en plus. Ce qui est confirmé par la vendeuse, d’ailleurs. Et par le nymphali quand l’agitation de son nouveau maître le réveille… Et même pas le mien, qui s’amuse autant que moi de cette simple blague. Je devrai en rester là, non ? J’ai eu ce que je voulais -titiller sa pseudo-masculinité et le prendre en photo-. Ça devrait être suffisant… mais non. Il ne se bat même pas. Je m’attendais à être bien plus rabrouée que ça, mais non. Il abandonne déjà le combat ? Sans même la moindre insulte.

Allons, allons, Louka, je sais quel venin tu caches à l’intérieur. Si tes jambes ne menaçaient pas de céder, tu serais déjà debout pour me fracasser la mâchoire. Comme tous les autres.

Soit, il sortira bien d’une manière ou d’une autre.

Je me mordille l’intérieur de la joue, me forçant à garder un sourire guilleret. Pas qu’il remarquera le contraire de toute manière.

« Exact, t’as pas le choix, n’oublie pas que j’ai tes clefs en otage ~ »

Je range mon holo-kit dans mon mignon petit sac, avant de jeter un coup d’œil au reste du stand. Coup d’œil très intéressé, qui me force toootalement à me pencher en avant pour voir de plus près ces boucles d’oreilles, évidemment. Est-ce que je cherche à le flasher ? A moitié oui, et… l’autre moitié aussi en fait. Ne fallait pas être si proche du sol ~ Pendant que je passe en revue le stand avec tant de précision, je commente sur le folklore de l’Île

« T’as raison sur ça. Les rubans, c’est pour Jirachi. On l’honore de cette manière et, avec un peu de chance, il nous récompensera d’un vœu. D’ailleurs… hm, on va avoir besoin de rubans à souhait maintenant que j’y pense... Une préférence ? »

Suis-je assez mesquine pour juste prendre une série de ruban rose ? Je ne le suis pas encore assez à mon goût. Je repère une paire de boucle d’oreilles tout à fait dans mon style : des étoiles pendantes, brillantes et… oui, je pense qu’elles iraient à ma tenue… mais pourquoi ne pas s’en assurer définitivement auprès de ‘son mec’ ? J’en décroche une que je porte à mon oreille et me retourne pour lui montrer.

« Alors ? T’en penses quoi ? Je pense qu’elles m’iront super bien ~ »