L'odeur de Syrius, entêtante, refusait de quitter le pull d'Alexei. Partout où il allait, il laissait sur son sillage cette fragrance douce mais épicée, terriblement enivrante. Difficile dans ces conditions de passer à autre chose et de réellement se concentrer sur sa tâche présente. Il en oubliait presque les trois créatures qui le suivaient de loin, se hâtant néanmoins lorsqu'il les appelait. Narcisse, sur ses pas, veillait sur lui d'un œil inquiet. Il trouvait son dresseur bien préoccupé… Et sans doute le rapprochement qu'il y avait eu entre lui et l'Austréen y était pour beaucoup. Seul témoin de ce baiser dérobé, le petit renard polaire couvait désormais son maître d'un œil bienveillant et attentif ; il avait cru comprendre, au fil de leur voyage, que cette relation qu'il tenait secrète le tourmentait énormément… S'il ne parvenait pas à saisir toute l'affaire, ne voyant pas en quoi trouver un partenaire pour la vie était problématique, il prenait pourtant le plus grand soin du Venyysien, lui témoignant toute l'affection dont il était capable. Plus loin, à fureter dans tous les coins, trottait Kama, le farfuret recueilli deux jours auparavant sur les hauteurs de Belagora. D'une nature malicieuse, la créature avait trouvé Narcisse à son goût. Pour son espèce, les Goupix était un met de choix, et le renard blanc se méfiait beaucoup de ce nouveau compagnon de route. Comme Alexei, il était certain que le chenapan projetait toujours de le croquer un de ces quatre… Chose que le blond voulait éviter à tout prix, n'hésitant pas à rabrouer la créature lorsqu'elle poussait le bouchon un peu trop loin. Et enfin, en fin de queue, une petite Croquine, encore pataude, s'épanouissait parmi les racines tortueuses des Sycomores. Reina, comme avait décidé de la nommer Alexei, était encore jeune et insouciante… Et n'avait surtout pas été attendue par le garçon qui avait eu la mauvaise surprise de la retrouver aux côtés de son œuf brisé en mille morceaux. Une erreur de destinataire qu'il comptait bien réparer d'ici quelques jours… Ce qui ne l'empêchait pas de prendre soin du Pokémon tant qu'il était sous sa responsabilité. Certes, le Septrionien pouvait parfois se montrer intransigeant, mais il avait des limites à sa méchanceté : ce petit bout de choux n'était responsable de rien, et il le couverait tant que cela serait encore nécessaire.
Tout ce joli petit monde parcourait donc la forêt depuis plus d'une demie-heure, en quête de nouvelles aventures. Alexei, après sa défaite contre Martial, avait décidé d'entraîner Narcisse et Kama pour prendre sa revanche et décrocher le badge qui lui permettrait de passer à l'étape suivante de son voyage initiatique. Ils avaient déjà croisé quelques pokémon plante qui n'avaient pas fait long feu, en proie aux capacités glaçantes des deux combattants… Petit à petit, chacun d'entre eux se renforçait et Alexei était plus que jamais certain de pouvoir remporter son combat contre ce champion altier. Martial avait eu l'audace de lui dire qu'il n'était pas fait pour cette carrière, et Alexei comptait bien lui prouver le contraire.
Mais, si la motivation et la sagacité avaient été présentes une heure plus tôt, désormais, il n'en restait que des bribes. Toute cette affaire, bien qu'entêtante, avait été détrônée par un évènement d'autant plus troublant. Un peu plus tôt dans l'après-midi, après une énième dispute entre l'Austréen et son compagnon Venyysien, le tabou s'était enfin levé pour laisser place à une tendresse autant attendue que redoutée. La pensée seule suffisait à Alexei pour que son corps s'emballe à nouveau. Il mordillait fréquemment ses lèvres fines, gercées, qui s'étaient retrouvées quelques secondes à peine contre celle de Syrius, les couvrant d'une affection toute particulière. Cette sensation toute nouvelle pour le jeune homme se rappelait à lui sans cesse et refusait de quitter ses pensées. Toute sa réflexion était désormais centrée autour de ce rapprochement fugace mais bel et bien réel… Les combats, l'entraînement se retrouvaient donc en arrière-plan, laissé pour compte.
Pour s'extirper de l'emprise déroutante de Syrius, le garçon avait prétexté vouloir s'entraîner seul et trouver un autre partenaire. C'était quelque part le cas, mais il y avait autre chose. Depuis qu'ils s'étaient quittés, Alexei souffrait d'une désagréable nausée, l'envie de vomir écrasant son œsophage. Il avait… Terriblement honte de s'être laissé aller dans les bras de l'Austréen. Certes, c'était une fatalité : rien ni personne n'aurait pu les empêcher de franchir cette limite invisible, si ce n'était eux-mêmes… Mais le garçon savait parfaitement qu'il avait voulu que ce moment arrive. Il n'avait rien fait pour l'en empêcher, mise à part quelques gestes trop faibles qui n'avaient fait que confirmer son désir d'aller plus loin… Un soupir tremblant troubla le calme de la forêt. Quel idiot il faisait. Désormais, il ne pourrait plus retourner en arrière… Reculer signifiait perdre définitivement Syrius, et ce n'était pas ce qu'il voulait : bien au contraire. Ce garçon… Il l'avait dans la peau, et il ne pouvait plus le nier. C'était un fait. Sans lui, il serait perdu.
Mais que faire, dans ce cas ? S'il décidait de s'engager sur ce terrain tortueux, il s'exposait à de grands dangers. Son père, lorsqu'il l'apprendrait, ne voudrait plus de lui, et Alexei devinait aisément que ce serait aussi le cas de ses sœurs. Les gens l'observeraient avec un dégoût et une méfiance peu commune… Et que lui resterait-il, au final ? Syrius ? L'amour et la honte ? Ce n'était pas une vie. Puis, d'un autre côté, il refusait de continuer cette relation en se cachant. Même si ce qu'ils faisaient était contre-nature, ils ne méritaient peut-être pas tant de souffrance. Ce serait comme… Se nier eux-même, et Alexei en avait assez. Assez de jouer à être une autre personne qu'il ne serait sans doute jamais. Assez de se mentir à lui-même et de se plier à des choses qui ne lui plaisaient guère. Avec Syrius, il avait enfin la sensation de vivre. Vivre réellement et même éprouver un peu de joie qui égayait ses journées.
Il était complètement perdu. Alors, pour se sentir mieux, pour essayer de penser à autre chose, il marchait sans relâche dans la forêt, arpentant tout les chemins qui s'offraient à lui. Chaque chose en son temps, n'est-ce pas ? Oui, il lui fallait prendre le temps de réfléchir… Mais plus tard. À présent, ses Pokémon attendaient. Il devait s'occuper d'eux, arrêter de penser à lui, à eux… Se recentrer sur ce combat d'arène qu'il comptait gagner haut la main au prochain essai. Il n'aurait pas une chance de plus : le deuxième essai devrait être le bon. Alors, relevant la tête, se promettant d'arrêter de broyer du noir, il ralentit pour attendre que sa petite troupe le rejoigne. Narcisse, adorable comme à son habitude, pencha la tête sur le côté, interrogateur. Kama, quand à lui, préféra aller explorer le tronc creux d'un arbre. Alexei ne le rappela pas à l'ordre, laissant la liberté qu'il avait promise au Pokémon pour ne pas le braquer. Quant à la petite dernière, elle commençait à se fatiguer :
Reina. Il est temps pour toi de te reposer. Je te ferai ressortir ce soir… Et demain, tu rencontreras sans doute ta vraie dresseuse.
La Croquine fit semblant de pleurer à ces derniers mots : Alexei savait qu'elle s'était déjà attachée à lui, mais il ne pouvait pas le garder. Son projet était de monter une équipe pour combattre, pas pour faire des concours… Et puis, il ne connaissait rien à cette espèce. L'élever ne serait pas une mince affaire. Laissant échapper un petit soupir, il ne prit pas le temps de négocier avec son Pokémon et la fit rentrer dans sa pokéball malgré ses protestations. Narcisse lui lança un regard triste :
Que veux-tu que j'y fasse ? Elle n'est pas à moi. Il faut bien que je la rende à la scientifique !
Le Goupix, acquiesçant, confirma qu'il n'y avait pas d'autres solutions. Lui adressant un joli sourire, Alexei se mit à le caresser entre les oreilles et chercha de sa main libre quelque chose dans sa poche de pantalon. Il présenta finalement une pierre blanche scintillante à son Pokémon ; ce dernier écarquilla les yeux, surpris :
Tu sais ce que c'est, n'est-ce pas ? Je l'ai achetée à Belagora, avant de partir. C'est pour toi si tu le veux.
Narcisse plongea son regard bleu azur dans les yeux orageux de son dresseur, figé sous l'effet de la surprise. Puis, après quelques secondes d'échange silencieux, il vint se frotter contre les jambes du garçon qui éclata de rire : c'était visiblement un oui, et ravi ! Le Goupix roucoula, quémandant la pierre qu'Alexei lui offrit après un petit moment d'hésitation. Il était un peu triste de se séparer de cette adorable boule de poil… Mais le jeu en valait la chandelle. En évoluant, Narcisse gagnerait le type fée et sa force s'accroitrait considérablement. Aussi, il n'y avait pas de doute à avoir : s'ils désiraient triompher tout deux de l'équipe de Martial, c'était de qu'il y avait de mieux à faire.
Kama, surpris par tant de remue-ménage, rejoignit son dresseur et observa le Goupix avec sa pierre d'un œil perplexe.
Quand il aura évolué, plaisanta Alexei, tu n'auras qu'à bien te tenir ! Dans le cas contraire, il te transformera en glaçon !
Le farfuret dévisagea le jeune homme avec incrédulité jusqu'à ce que ce dernier lui fasse signe de reculer. Petit à petit, une lueur étrange enveloppait le Goupix qui, lui-même impressionné par le phénomène, tournait en rond… Dans une lumière éblouissante, il finit par se métamorphoser en quelques secondes, son corps s'allongeant, ses pattes grandissant, son museau prenant une forme plus pointue et ses six queues s'affublant de trois camarades supplémentaires. Ce fut bientôt un magnifique Feunard d'Alola qui se tint devant le Venyysien, happé par la nouvelle beauté de son camarade. Submergé par l'émotion, des larmes brûlantes vinrent se presser contre ses paupières, et Narcisse, désormais grand et majestueux, s'avança vers lui pour le câliner doucement. Alexei ne tarda pas à l'enlacer et plongea son visage dans sa douce fourrure bleutée. Ses larmes finirent par sécher et il murmura enfin d'une voix tremblante :
Tu es magnifique… On va aller loin, tout les deux, et on va leur montrer ce qu'on vaut vraiment…!
L'un contre l'autre, profitant de ce moment particulier, Narcisse et Alexei ne prêtèrent pas tout de suite attention à ce bruit ténu qui s'était élevé dans le calme ambiant. Ce fut Kama qui, après s'être désintéressé de la scène qui avait l'art de le rendre jaloux, les alerta en piaillant doucement. Apparemment, cette évolution majestueuse avait ébloui un autre Pokémon…
Le jeune poney féérique trotte gaiement dans la Forêt des Sycomores, charmé par le décor lui rappelant la douce Forêt de Coryfey dont son espèce est originaire. Tout dans ces bois est un appel au rêve et à l'évasion, ce qui est parfaitement au goût du jeune Ponyta. Un peu plus tôt dans la journée, il a décidé de se séparer de son troupeau pour une petite balade en solitaire. Il est suffisamment vieux maintenant pour se débrouiller tout seul, il n'a plus besoin de sa mère pour veiller sur lui ! D'ailleurs, Ponyta ressent de plus en plus une sorte de ... malaise. Il se sent de moins en moins à l'aise au sein de sa horde, comme s'il était de trop. Sûrement est-ce dû à l'âge ? Nombreux sont les Ponyta qui quittent le troupeau à un moment donné pour vivre leur propre vie. Peut-être son heure est-elle venue ? Il pourrait s'installer dans cette forêt, d'ailleurs. Elle ressemble à ce qu'il a toujours connu et s'y sent plutôt bien. Néanmoins ... Ponyta est aussi bien tenté par une vie auprès d'un Dresseur. Sa mère a beau lui avoir raconté des histoires odieuses concernant les humains, le poulain s'est toujours dit qu'il se ferait son propre avis. Les Hommes ne sont pas différents des Pokémon ! Il y en a des mauvais comme des bons - le tout est de savoir les reconnaître.
C'est donc l'esprit occupé par toutes ces pensées que le jeune étalon traverse la forêt, contournant les racines, bondissant par dessus les troncs. Ca et là, il entend quelques bruits de cavalcades et devinent que d'autres espèces habitent les bois. Il se demande bien lesquelles, d'ailleurs ! Des spécimens différents qu'à Coryfey ? Curieux, il promène son regard de tous les côtés, à la recherche d'un petit quelque chose susceptible de capter son attention. C'est alors qu'il aperçoit une vive lumière à travers les feuillages. D'où peut-elle bien venir ? Le soleil perce difficilement à travers le feuillage épais de la pinède, ce n'est donc pas une lumière naturelle. poussé par la curiosité maladive, le poney se faufile à travers les arbres jusqu'à apercevoir ... un humain, enlaçant une drôle de créature blanche que le Ponyta n'a jamais vu auparavant. Tout près d'eux, se tient un Farfuret - ça, le Ponyta connaît. Et d'ailleurs, c'est la bestiole féline qui signale sa position aux autres. Néanmoins, loin d'être terrifié par tout cela, le poney sort des fourrés et s'approche du trio, tendant les naseaux en direction du renard blanc pour le renifler curieusement. Quelle drôle de bestiole, tiens ! Il s'élève de son pelage immaculé une odeur de givre. Ponyta penche la tête sur le côté, intrigué. Il n'a jamais vu quelque chose de pareil auparavant. La présence de l'humain ne le gênant guère, il commence à tourner autour du renard qu'il détail sous toutes ses coutures. Quelle élégance ! Ravi, il pousse un petit hennissement à l'encontre de la créature blanche, comme pour se présenter. De toute évidence, il veut faire connaissance avec Narcisse !
Voici tes petites missions pour capturer ton Ponyta ! Deux seulement, étant donné que tu utilises une Superball
- Ponyta est très intrigué par Narcisse mais t'accorde peu d'attention ... essaie de faire connaissance avec lui, toi aussi. - Visiblement, l'idée de rejoindre un Dresseur le charme depuis quelque temps. C'est ton moment pour le convaincre de te rejoindre !
Le craquement discret de quelques brindilles eveilla l'attention d'Alexei qui, s'écartant doucement de Narcisse, leva le nez vers le nouveau venu. Un Pokémon sauvage ? Il n'avait jamais vu de telle créature auparavant : sa beauté, pure, singulière, le garda silencieux. Il chercha dans sa mémoire le nom de ce Pokémon : un petit équidé à la crinière arc-en-ciel, adorable et féérique. Il trouva une ressemblance avec les Ponyta que l'on pouvait souvent croiser aux côtés des dresseurs de Salva et ne tarda pas à se rappeler de ce que lui avait dit Syrius avant de mettre les pieds dans cette immense forêt. Une migration de Ponyta d'un autre genre, tout droit venus de Galar, avait envahi cet environnement enchanté. C'était donc lui ? Alexei admira sans aucune retenue la prestance du ponnet qui demeurait immobile tout près des fourrés, les observant d'un petit air curieux. C'était sans doute ce Pokémon que recherchait aussi activement Martial depuis quelques jours... Il en parlait avec ses dresseurs d'arène, leur comptant sa mauvaise fortune. Ce ponyta était donc de type fée...? À moins que ce ne soit son évolution… Rare et convoité. Salva n'en verrait pas beaucoup sur ses terres : c'était une aubaine de croiser l'un d'entre eux. Vivement intéressé et pensant que le pokemon n'était pas farouche, le Venyysien s'apprêta donc à l'appeler d'une voix douce lorsqu'il s'avança tout seul sans même y être invité. Ça alors ! Habituellement, les créatures sauvages étaient plus méfiantes que cela...! Peut-être appartenait-il déjà à un dresseur ? Mais le blond n'entendait aucune clameur lointaine. La forêt demeurait calme, seulement troublée par les pépiements des pokemon oiseaux.
Le ponyta n'avait d'yeux que pour Narcisse. Devenu grand et majestueux, le renard avait un port de tête gracieux qui inspirait le respecte. Il dévisage son congénère avec une curiosité toute réciproque. Silencieux et s'écartant un peu, Alexei observa la scène avec beaucoup d'attention ; patient, il sourit lorsque la créature sauvage se mit à sentir les poils immaculés de son compagnon avant d'éternuer : le pelage du feunard était froid et avait l'odeur d'un jour de neige. Sans doute cette température frigorifique avait-elle surpris l'équidé. Le Feunard, imperturbable, s'assit sur son arrière train et laissa le Ponyta faire sa ronde sans protester. Kama, pendant ce temps, très étonné par cette scène, était venu retrouver Alexei, cherchant ses bras. Le dresseur lui donna quelques caresses discrètes dont il se délecta avant de chercher son paquet de tabac dans la poche de son jean. Il n'avait pas fumé depuis qu'il était entré dans la forêt, et il était plus que temps de rattraper son retard. Il se releva donc, sortant une cigarette roulée au préalable et la calant entre ses lèvres, puis l'alluma avec son briquet. Recrachant la première bouffé de fumée, il fit quelques pas vers le Ponyta qui l'ignorait toujours et eut un petit sourire tordu :
Eh bien ? Je suis transparent, petit bonhomme ? À moins que tu ne sois une jolie demoiselle ?
Le poney décida de mettre fin à son ignorance, dévisageant le garçon d'un œil perplexe. Alexei s'accroupit à sa hauteur et l'animal retroussa les naseaux, surpris par l'odeur âcre de la cigarette. Le blond se mit à rire et expira levant la tête pour ne pas l'importuner. Amusé, Narcisse fit le tour de son dresseur, l'enveloppant de ses immenses queues blanches. Kama, dans son coin, les observait sans mot dit, se désintéressant de temps à autres de leurs échanges pour s'intéresser à une plante ou une fleur qui poussait sur le terrain.
Excuse-moi. C'est vrai que ça ne sent pas très bon, et en plus, ce n'est pas bon pour la santé. Tirant à nouveau sur sa cigarette, le jeune homme s'assit en tailleur, ne quittant pas le créature des yeux. Mais je ne peux pas m'en passer, c'est devenu une habitude.
L'équidé, étonné d'avoir affaire à un humain aussi bavard, pencha la tête sur le côté avant de donner un petit coup de museau à sa main qui tenait la cigarette. Un petit rire secoua à nouveau les épaules d'Alexei qui opina doucement du chef et l'éteignit après en avoir profité encore un peu. Il rangea la cigarette à peine consumée dans sa poche, pour ne pas polluer la forêt, et leva les mains en l'air pour lui montrer qu'il avait fini. Satisfait, le Ponyta laissa entendre un petit piaffement réjoui. Narcisse, quant à lui, roucoula de plaisir et se coucha à leurs côtés, leur prêtant oreille avec beaucoup d'intérêt :
Tu as l'air d'être un sacré phénomène, toi. Tu n'as pas du tout peur de moi… Tu me rappellerais presque quelqu'un… Le Venyysien fit un petit clin d'œil au Farfuret qui s'évertuait à rester à l'écart de leur petit groupe. Ce dernier fit mine de ne rien entendre et s'assit à son tour pour examiner de plus près une petite fleur bleue. Il te plaît, Narcisse ? Il est beau sous cette forme, hein ? Il vient d'évoluer comme tu as pu le voir.
Comme pour lui répondre, le Ponyta tourna autour du Feunard et enfouit à nouveau son museau dans sa fourrure ; il s'ébroua et fit une petite moue boudeuse, déclenchant le rire du Septrionien. Ce dernier posa son sac par terre et se mit en tête de trouver le sac de baies séchées qu'il avait acheté à son arrivée à Edelsten ; sans doute le Ponyta ne refuserait-il pas un petit encas…? Et il était plus que temps de se restaurer et de reprendre des forces pour repartir à l'entrainement. Ouvrant le sachet, il laissa glisser quelques baies résin dans le creux de sa main et la tendit au ponyta qui renifla la nourriture avant de la prélever délicatement. Se couchant à son tour, il frotta son museau contre la paume du garçon, réclamant d'autres friandises que ce dernier lui offrit avec un petit sourire attendri :
On dirait que tu as faim. Profites-en, j'ai de quoi offrir. Ce n'est pas toujours le cas.
Kama, attiré par les victuailles qui se tarissaient entre les mains du blond, ne tarda pas à se rapprocher pour réclamer sa part. Soupirant, le jeune homme lui accorda une poignée de résins séchées que le Farfuret grignota goulument, n'accordant pas la moindre attention au Ponyta qui l'observait avec un drôle d'air. Enfin, Alexei offrit quelques friandises à Narcisse qui attendait patiemment son tour avant d'en manger lui-même deux ou trois, pensif. Où pourraient-ils bien aller, ensuite ? Devraient-ils rebrousser chemin ou continuer de s'enfoncer dans la forêt ? Peut-être que rester ici, dans cette petite clairière, serait tout aussi judicieux. Pourquoi ne pas engager un combat amical entre ses deux pokémon pour évaluer la nouvelle force de Narcisse…? Il se mit à réfléchir à haute voix, éveillant la curiosité du Ponyta qui demeura étonnamment pendu à ses lèvres, très intéressé par le programme qui se construisait petit à petit dans la tête du garçon. Kama, qui avait à peine fini de goûter, secoua la tête pour montrer son désaccord. Alexei planta ses iris orageux dans le regard pourpre du Farfuret et fronça un peu les sourcils :
Hey ! J'ai accepté de te prendre avec moi et de te nourrir à condition que tu m'aides. Le Farfuret, arrogant, secoua vivement la tête, décidé à ne pas prendre part à l'entraînement. Narcisse laissa entendre un petit gémissement outré et le dresseur maugréât discrètement tout en attachant ses cheveux avec l'élastique qui était toujours à son poignet. Bon. Il faut dire qu'on s'est déjà bien entraîné, tout à l'heure, n'est-ce pas…? Nous n'avons qu'à rentrer et retrouver Syrius. Il se fait tard, de toute façon.
Le Feunard d'Alola, bâillant à s'en décrocher la mâchoire, dévisagea son dresseur un moment avant d'acquiescer et le jeune homme s'attela à ranger son sac avant de le remettre sur ses épaules. Il se hissa sur ses jambes et s'étira de tout son long pour se remettre d'aplomb. Son compagnon l'imita suivi de Kama, ravi, qui les rejoignit calmement, prenant son temps. Le Ponyta, quant à lui, eut un petit air triste ; Alexei se pencha sur lui et osa caresser ses naseaux, incroyablement doux :
Eh bien ? Que se passe-t-il ? Tu es triste de nous voir partir ? Je suis sûr que tu as une famille qui t'attend ! La créature sauvage baissa la tête, le regard bas. Les sourcils du blond s'arquèrent légèrement. Non, ce n'est pas le cas ? À moins que tu ne veuilles en partir. Je comprendrai, tu sais ? C'est naturel de vouloir voler de ses propres ailes.
Kama, qui s'était déjà un peu avancé piailla pour qu'ils se décident enfin à le suivre. Alexei plongea son regard dans les yeux bleus azur du petit équidé. Ce dernier, après quelques secondes d'échange intense, frotta son museau contre les jambes du Venyysien qui le lui rendit avec des caresses bienveillantes.
Tu aimes te battre ? Je suis dresseur. J'ai toujours de la place dans mon équipe, et je serais ravi de recruter un petit gars comme toi… Mais il faut faire des efforts et surtout aimer participer à des combats. Qu'en penses-tu ? Tu peux accepter mon offre comme la refuser, je ne t'en voudrai pas. Ça a déjà été un plaisir de faire ta connaissance… Et je crois que Narcisse t'aime bien.
Le Feunard roucoula pour lui donner raison et dévisagea à son tour le Ponyta, l'interrogeant du regard. Alexei attendit patiemment une réponse : il espérait quelque part qu'elle soit positive. Il avait besoin d'un nouveau partenaire pour combattre Martial… Et quoi de mieux que le Pokémon qu'il désespérait de trouver ? Un petit sourire satisfait étira les lèvres du blond : ce serait un magnifique pied de nez, et une belle fierté que d'avoir capturé un aussi rare et joli pokémon.
Ponyta apprécie bien ce jeune humain. Il le traite avec respect, lui offre de la nourriture ... et dire que, toute sa vie durant, son troupeau lui a dit du mal des hommes ! Il veut bien croire qu'ils ne sont pas tous des plus sympathiques, mais le garçon qu'il côtoie depuis quelques minutes maintenant lui paraît sincèrement bon. Le genre d'humain respectueux qui ne tourmente pas les Pokémon. Le profil qu'il recherchait ... pour démarrer une nouvelle vie. Néanmoins, ne serait-ce pas précipité de l'accompagner ? Peut-il vraiment prendre une décision aussi vite ? Certes, à voir le Feunard et le Farfuret, ils ont l'air heureux et plutôt satisfaits de leur condition. Ni maltraitance, ni irrespesct à déplorer. Or, si cet humain était quelqu'un de mauvais, ses congénères Pokémon ne seraient pas si épanouis, pas vrai ? Narcisse en particulier semble témoigner beaucoup d'affection à son Dresseur ... c'est un signe qui ne trompe pas.
Et pourtant, en voyant l'humain rassembler ses affaires pour partir, Ponyta ressent comme un petit pincement au coeur. Déjà ? Il aurait aimé passer plus du temps avec lui et les compagnons ... Son petit air chagriné ne passe pas inaperçu aux yeux du jeune homme qui vient lui caresser les naseaux. Si quelqu'un l'attend ? Pas vraiment. Voilà longtemps qu'il songe à quitter son troupeau et ... il a l'impression que le moment est venu. Il a croisé ce Dresseur par pur hasard mais il aime croire que c'est le destin qui l'a mit sur sa route. Alors pourquoi laisser passer cette chance ? Alors le jeune poney se redresse, déterminé ! S'il aime se battre ? Il n'a jamais vraiment combattu dans sa vie, mais il est prêt à apprendre et à en découdre ! Motivé, il revient auprès du garçon et enfouit ses naseaux dans sa main. Sa décision est prise : il veut le rejoindre, lui et son équipe.
S'ils se sont rencontrés, c'est bien parce que c'est leur destin, n'est-ce pas ?
Un joli sourire éclaira le visage d'Alexei lorsque le Ponyta, après quelques secondes de réflexion muette, vint frotter son doux museau contre la paume de sa main. Gentiment, il flatta son encolure et passa ses doigts dans sa crinière duveteuse. Quelle magnifique créature. Comme pour lui souhaiter la bienvenue, Narcisse vint se coller contre lui et l'enveloppa gentiment de ses neuf queues qu'il laisse élégamment glisser sur sa fourrure crème. Le Ponyta hennit gaiement et fit quelques pas enthousiastes, faisant sonner ses sabots sur le sol meuble de la clairière. La tête haute, il paradait, faisait le beau et Kama, complètement blasé, observait la scène d'un œil vide. Le blond, trouvant la situation particulièrement originale et amusante, se mit à rire avant d'ouvrir à nouveau son sac pour y chercher une pokéball. Il se souvint alors de cette ball bleu qu'on lui avait offerte à son achat de la pierre glace. Perplexe, il la prit dans sa main et y jeta un petit coup d'œil indécis : pourquoi pas…? Après tout, elle était jolie cette pokéball. Plus colorée que les autres… Et elle rappelait les teintes bleutées qu'on pouvait retrouver dans le poil de sa nouvelle recrue. Aussi lui tendit-il l'objet comme pour lui demander confirmation :
Celle-ci ? Elle te plaît ? Regarde. Elle est toute bleu. C'est joli, non ?
Narcisse jeta un petit regard envieux à l'objet que proposait son dresseur et le Ponyta parut charmé. Il fit un petit tour sur lui même pour montrer son enthousiasme et Alexei, riant de nouveau, caressa tendrement ses naseaux. Ce petit gars-là était plein d'énergie. Nul doute qu'il ferait un excellent combattant, mais il faudrait sans doute lui apprendre à canaliser ses émotions et à rester tranquille au moment voulu. Prudemment, le garçon frôla la petite corne qui se trouvait sur son front, s'étonnant de solidité : la force physique de ce Pokémon serait un atout majeur, là où Narcisse frappait le plus souvent à distance et craignait les tête à tête rapprochés.
Ravi, le Venyysien attacha la pokéball encore vide à sa ceinture et se releva après avoir fermé son sac. Syrius allait être fier de lui : trouver un aussi joli pokémon était une chance, et sur le coup, il en était tout particulièrement fier. Martial serait vert de jalousie ! Cette bonne surprise semblait avoir apaisé sa tourmente… Il se sentait un peu mieux dans sa peau. Sans doute l'excitation du moment qui lui faisait penser à autre chose. Il en profita, reposant son esprit grâce à cette trêve inespérée. Il lui fallait apprendre à apprécier ces moments de calme et de réjouissance… Ce n'était pas simple ; mais un jour, il en était certain, ce serait chose possible. Il suffisait de s'y tenir et de faire des efforts. Aussi s'efforça-t-il de garder un petit sourire aux lèvres, pour rester dans un bon état d'esprit : se montrer exemplaire. Heureux pour que son nouveau compagnon se sente bien dans l'équipe… C'était important, du moins les premiers temps… Il ne voulait pas faire fuir le Ponyta avec d'autres crises de larmes, même s'il se rendrait compte bien assez tôt du tempérament lunatique de son dresseur.
Tu vas marcher avec nous, d'accord ? Je n'ai pas l'habitude de tout le temps enfermer mon équipe dans leurs Pokéball. Il passa une main souple dans ses cheveux pour les rejeter en arrière et observa en silence l'équidé, une nouvelle question lui venant en tête. Il faudrait te trouver un joli nom, maintenant. Hmm… Laisse-moi réfléchir.
Il se mit à rebrousser chemin tout en remuant ses méninges pour choisir un surnom adéquat. Il pensa d'abord à un nom de fleur, comme pour Narcisse, puis à quelques noms septrioniens… Enfin, un petit coup d'œil à son Pokémon lui fit penser que sa crinière avait tout d'une jolie nébuleuse. Elle brillait de mille feux, comme si de petites étoiles s'étaient accrochées à ses crins. De très beaux reflets dorés parcouraient de temps à autres son poil et cette particularité fit germer une idée qui lui parut concluante :
Orion. Ça te va très bien, je trouve. Qu'en penses-tu ?
En guise de réponse, le Ponyta accéléra le pas et trotta aux côtés de son nouveau dresser, la tête haute. Un sourire en coin étira les lèvres du garçon qui opina du chef : adjugé vendu. Narcisse bâilla et suivit le petit groupe, jetant un regard exaspéré au farfuret qui courait devant avant de se coller aux jambes de son maître. Une chose était sûre : Alexei commençait à être bien entouré.
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