La brise fraîche de Belagora accueille presque tendrement Syrius lorsque ce dernier sort de l'auberge attenante aux célèbres Sources Chaudes de la ville. Son appareil photo encore dans les mains, il vient de quitter Elain, une jeune Dresseuse avec lequel le garçon n'a pas vraiment accroché. Si cela a eu le mérite de saper son moral pendant quelques minutes, Syrius s'est cependant rendu à l'évidence : il ne peut pas plaire à tout le monde. Ainsi va la vie. Au moins a-t-il eu l'occasion de prendre de belles photographies de Dracaufeu, Macronium et Eoko, les trois compagnons de la rouquine. Et une part de lui a sincèrement hâte de dévoiler ses clichés à Alexeï, afin de lui partager un petit bout de sa journée. Syrius tient à en profiter avant qu'ils ne repartent chacun de leur côté, leur petit arrangement prenant fin ce soir, après le festival de Belagora.

A cette pensée, le fils Al'Shams se sent tout chagrin. En trois semaines, il s'est sincèrement attaché à Alexeï et l'idée de continuer ce voyage sans lui l'attriste sincèrement. Sans son guide au caractère bien trempé, son aventure n'aura plus du tout la même saveur, il en est certain. Mais que peut-il faire ? Leur marché était clair : le Venyysien l'escortait jusqu'à Belagora contre une petite somme d'argent. Or, les voilà arrivés à la capitale du Septrion, le point final de leur aventure à deux. D'ici quelques heures, ils reprendront leurs routes en solitaire, libérés de cet engagement. Et cela attriste Syrius bien plus qu'il ne l'aurait cru lui-même. Il aimerait tellement continuer à voyager en compagnie du jeune garçon. Il n'a peut-être pas la personnalité la plus joviale du coin, mais c'est un garçon intelligent, vif et sensible.

Quelqu'un comme jamais Syrius n'a rencontré avant.
Alexeï est un véritable bol d'air frais.
Un vent nouveau capable de lui donner des frissons.

Des frissons ? Mais des frissons de quoi … ? Syrius se sent rougir sous son épaisse écharpe de laine. Depuis quelques jours, Alexeï a bien du mal à quitter ses pensées. Depuis ce jour de tempête, surtout, où la maladie a frappé son petit compagnon de plein fouet. L'Austrien s'était occupé de lui, dénichant malgré lui une sensibilité et une fragilité chez son guide qu'il n'aurait jamais pu deviner. Les cicatrices barrant ses bras et ses cuisses, vestiges d'une souffrance hors du commun, hantent encore les pensées du jeune prince du Sud. Et la peur que Alexeï puisse recommencer lui donne des sueurs froides. Alors que … s'il demeure à ses côtés … il pourra s'assurer que ça n'arrivera jamais. Syrius a tellement envie de le protéger, de veiller sur lui comme une mère Lougaroc … ou peut-être … comme autre chose … ?

Pincant les lèvres Syrius se laisse tomber sur le premier banc qu'il croise sur sa route. Au loin, une foule se réunie petit à petit sur la grande place, visiblement pressée d'assister au festival. Syrius lance un regard sur son holokit : il a encore une bonne vingtaine de minute devant lui avant de retrouver Alexeï. Alors, pour tromper sa solitude, il attrape les deux Pokéballs à sa ceinture et en libère Khensit et Lyla. La vipère violette s'enroule aussitôt autour de son cou alors que la chauve-souris volette tranquillement au-dessus de sa tête, admirant les alentours. Le garçon fait alors doucement glisser son énorme sac à dos le long de son épaule, le déposant à ses pieds. Ouvrant la poche principale, il retrouve l'étui de son appareil photo et se hâte de le ranger, afin d'être sûr de ne pas l'abîmer. Il le ressortira peut-être lors du festival pour immortaliser ce moment … et en profiter, peut-être pour se créer des derniers souvenirs avec Alexeï.

Perdu dans ses pensées, il s'adosse contre le banc, levant les yeux vers un ciel sombre mais dénué de nuage, piqué d'inombrables petits étoiles et d'un magnifique croissant de lune. La voûte céleste lui paraît tellement plus belle, dans le Nord. Syrius est vraiment sensible au charme du Septrion : même si le froid n'est pas toujours très agréable, les paysages sont sublimes et tout semble plus … serein. Le prince du Sud apprécie de plus en plus voir la neige tombée, seulement, sans bruit. Il a l'impression de pouvoir plus facilement réfléchir, par ici. Libéré de certaines chaînes, il a l'impression d'être devenu un homme nouveau et de prendre conscience de beaucoup de chose. Ce qui ne lui serait jamais arrivé s'il était resté dans son petit confort, à Solem. Et même si la capitale de l'Austrée lui manque par moment, Syrius ne ressent aucun mal du pays. Seulement la certitude d'être à sa place, ce qu'il n'avait jamais connu auparavant.

Ce sont les piaillements inquiets de Lyla qui ramènent brutalement Syrius sur le plancher des Ecremeuh. Devant lui, la petite chauve-souris bat furieusement des ailes, semblant désigné le sac à dos de son Dresseur. Khensit aussi commence un peu à gigoter, agitant le bout de sa queue dans tous les sens, comme un Flamiou furieux. En baissant les yeux sur son sac, Syrius constate que l'oeuf s'agite bien plus que d'habitude. Serait-il sur le point d'éclore ?! Le garçon se souvient de l'éclosion de Khensit comme si c'était hier. L'oeuf s'était mit à s'agiter au beau milieu de la nuit et, quelques instants plus tard, la Abo avait percé sa coquille. Ni une ni deux, Syrius attrape l'oeuf et le dépose sur ses genoux, lui offrant ainsi un espace plus large pour s'agiter. Il le tient malgré tout fermement entre ses doigts afin d'éviter toute chute.

Au terme de quelques minutes de gigotements incessants, la première fissure apparaît sur le haut de l'oeuf. Le souffle coupé, Syrius laisse faire la nature malgré son envie folle d'arracher quelques morceaux lui-même. Une nouvelle secousse dessine une nouvelle fracture sur le flanc gauche de l'oeuf, puis une patte bleue et marron fracasse la gauhe de la coquille. Le reste se passe très vite : une paire d'oreille apparaît, suivie d'un adorable petit museau rose. Le haut de l'oeuf cède sans difficulté, libérant une adorable créature canine au joli petit bleu nuit. Si Syrius pense d'abord que c'est un Riolu, il reconnaît Rocabot à l'instant même où le reste de la coquille cède. Voilà donc le cadeau des bédouins … un œuf de leurs deux fidèles Lougaroc ! Et ce petit à la particularité de posséder un gène chromatique, comme en témoigne son pelage lisse et brillant.

D'abord un peu embêté, le petit chien lève finalement ses yeux jaunes en direction de Syrius, les oreilles droites et les pupilles écarquillées. Après quelques instants à le dévisager sans un bruit, le Rocabot se jette finalement sur lui, couvrant son visage de léchouilles et remuant frénétiquement la queue. Si ce geste fut accueilli par les sifflement agacés de Khensit, Syrius lui plonge aussitôt ses doigts dans le pelage chaud de son nouveau compagnon, l'accueillant avec plaisir dans sa petite famille.

La Rocabot vient aussitôt lécher la main que lui présente son Dresseur, témoignant vivement son affection – ce qui amuse Lyla et agace Khensit. De toute évidence, cette nouvelle venue dans la bande ne l'emballe guère. Mais Syrius ne s'en fait pas : la Abo finira par s'y habituer, ce n'est qu'une question de temps. Attrapant une Pokéball neuve dans son sac, l'Austrien la présente à la petite créature qui n'hésite pas un seul instant à appuyer son museau route sur le bouton au centre de la sphère, comme si elle connaissait déjà tout le déroulé d'une capture. Syrius n'a pas besoin d'attendre trois secousses avant que la Pokéball ne s'immobilise, la capture étant garantie. L'instant d'après, il libère le Rocabot qui jappe de plaisir, gambadant dans la neige avec un entrain digne de son jeune âge. Lyla vient aussitôt se poser devant elle, gazouillant de plaisir, la suivant à tire-d'aile lorsque la Rocabot se met à sprinter dans la neige, toute fofolle.

Un sifflement de la part de Syrius suffit pour que la nouvelle recrue revienne vers lui au triple galop, sa queue en faucille battant à plein régime dans son dos. Lui octoyant une caresse tendre sur le haut du crâne, l'Austrien lui chuchote :