Marquant de ses pieds déchaussés la couverture sableuse de la plage, Sirius marchait tranquillement, sans réel but hormis celui de s'isoler afin de penser. Depuis le matin, il se sentait d'une humeur étrange. Le gardien avait laissé un mot à sa protégée et avait filé afin de se ressourcer un peu. Julio et Jupiter accompagnaient la blondinette, elle ne risquait rien.

Dans ce qui fut son désertique passé, les chevaux de la diligence de l'espoir et de l'optimisme peinait en ce jour. C'était sûrement pour cette raison qu'il venait ici, à la plage. L'endroit lui rappelait ses excursions en solitaire, à l'époque, mais surtout, l'endroit lui rappelait son arrivée en Salva ainsi que la raison de leur départ de Galar. Malgré son buste droit, son torse bombé et sa posture quasi-parfaite, Sirius sentait un lourd poids sur ces épaules. Il détestait cela. Il maudissait sa faiblesse et son incapacité à faire totalement fi du passé. Il haïssait son être lorsqu'il s'avérait inapte à surpasser la douleur. Les yeux rivés vers la vaste étendue bleue salée, le gardien s'en voulait.

Des empreintes vinrent s'apposer prés de ses pas, sur la plage. Sans un bruit, dans le plus absolu des silences, une forme quadrupède vint s'asseoir fièrement à ses côtés. Un coup d’œil permit à Sirius de remarquer Jupiter. Ce lion possédait une lucidité et une lecture de l'humain hors-normes. Ou peut-être était-ce Lumière qui avait quémandé ceci à Jupiter ? Peu importait pour Sirius, l'essentiel était le silence et la tranquillité. Les minutes défilèrent, malgré une impression de temps figé pour le duo. La mer grimpait sur le sable, puis retournait à son lit, rafraîchissant à un rythme plus ou moins régulier les pieds et les pattes de la paire Galarienne pendant que le soleil et la chaleur s'abattaient sans pitié.

La montre mentale toujours figée, Sirius et Jupiter n'avaient presque pas bougé. A vrai dire, ils auraient pu rester stoïque et immobile devant la mer jusqu'à la nuit, tant cela apaisait leurs esprits meurtris du même fardeau, marqués de la même perte, celle d'une part de soi, celle d'un camarade, d'un ami, ou d'un frère, ces pertes qui, malgré le temps, restaient sur l'esprit et n'en étaient jamais chassées. C'était là le genre de fer chaud à l'aide duquel on avait marqué leur âme.

Des cris désespérés et un lourd bruit de sable écrasé vinrent sortir Sirius et Jupiter de leur tragique torpeur. Le vacarme provenait d'un pokémon qui ne s'avérait pas inconnu à Sirius. Un long, gracieux et majestueux pokémon, considéré comme la beauté incarnée dans une lointaine contrée, un Millobelus. La panique déformait sa face et sa grâce semblait avoir totalement disparue pour laisser place au désarroi. Son long corps blanc couvert, d'algues et de sables mouillé le rendait presque ridicule. Malgré ses airs de dur insensible, une telle expression ne pouvait laisser Sirius de marbre, surtout pas quand elle marquait un pokémon. Jupiter, qui connaissait bien son dresseur, fonça sans attendre vers le rampant.

Il ne perdit pas de temps en tentatives vaines d'explications. Au moins, il n'était pas bête. Il fonça, aussi vite que lui permettait son statut de rampant aquatique sur la terre, suivit de prés par Sirius et Luxio. La bête les mena à proximité, dans une sorte de crique, bien cachée par des butes de sables et autres récifs par ci, par là. Ce qui rendait ce magnifique lombric d'eau si laid était une femme étendue là. Probablement sa dresseuse. Sirius s'approcha et s'accroupit afin de venir poser ses doigts sur le cou de la femme. Il y avait pouls, elle vivait encore. Il posa son sac et retira sa veste, remontant les manches de sa chemises. Ses genoux s’enfoncèrent dans le sable et il vint, d'une main, retirer l'amas de jais qui couvrait le visage de l'inconsciente. Une fois la masse capillaire écartée, Sirius se figea quelques instants, une étrange expression sur le visage. Sous cette jungle d’ébènes lisses et mouillés se cachait une face que le Gardien connaissait bien. Mais que faisait-elle ici, sa grande Championne ?!

Il effaça rapidement ses pensées de grand fan de son esprit et se re-focalisa sur ce qui importait: la sauver. Sans précipitation et sans panique, le Noctis s'appliqua à ce qu'on lui avait apprit. Il pressa vigoureusement, de ses deux mains, la cage thoracique de la jeune femme plusieurs fois, puis il vint poser son oreille prés de sa bouche afin de vérifier qu'elle respirait: c'était le cas, parfait. L'homme continua sa manœuvre. La montre se figea de nouveau et Sirius oublia tout le temps de ce sauvetage. L'action se conclut par une quinte de toux de la naufragée. Sirius saisit sa veste et vint la poser sur le corps trempée et froid de sa patiente de fortune. Il vint s'asseoir en tailleur afin de dégourdir ses jambes endolories par sa posture précédente, puis il vint poser la tête de la grande Championne sur le corps moelleux du Millobelus. Le serpent aquatique semblait bien moins tendu que plus tôt. Il avait scruté et fixé Sirius tout le long de l'intervention, un mélange de méfiance, de peur et d'agressivité dans le regard. Sans prévenir, Sirius approcha sa main de la tête du grand serpent et retira une algue qui trônait entre ses deux yeux. Le Gardien vint ensuite poser doucement sa main sur le crâne du Millobellus.

-Ne t'inquiètes pas, elle est tirée d'affaire. Normalement.

Il marqua une pause, retira sa main puis vint poser ses doigts sur le cou de la dresseuse afin de vérifier de nouveau son pouls. Tout semblait aller. Il envoya donc, à celle qu'il supposait désormais consciente:

-Et bien, si on m'avait dit que je rencontrerais mon ido... une des dresseuses que j'avais le plus envie de rencontrer à l'époque ici, j'aurais sûrement envoyé sur les roses l'oiseau de bonne augure annonçant cela. Êtes-vous vivante, Championne ? Ou ai-je brisé vos côtés qui ont perforé vos poumons ?

Sirius fut un grand fan de cette femme, Sorey Abania. Une dresseuse galariene d'exception qui parvint à défaire les champions de Galar et qui brillait, fut un temps. Mais comme toutes les étoiles, la brillante Sorey finit par décliner et perdre en éclat. Pour le public. Sirius, au fait de ses méfaits, estimait toujours énormément la femme. A vrai dire, il peinait à garder son calme et s'efforçait grandement de contenir son excitation. Il n'était ni Orphée, ni Lumière, agir comme un fanatique écervelé était indigne de lui. Malgré tous ses efforts, un sourire de satisfaction se dessinait sur son visage. Bien entendu, il prétendrait que c'était parce qu'il venait probablement de sauver une vie.

HRP:

Désormais certain que la grande star ne courrait plus de risques, Sirius se permit un regard vers l'horizon. L'astre diurne, le soleil, pas Lumière qui se trouvait absente de la scène, agressait ses yeux clairs. La boule de feu céleste filait et se coucherait dans une paire d'heure, à en juger par sa position actuelle. Le grand gardien reposa ensuite ses yeux sur la dresseuse et son Millobelus. L'une se retrouvait apaisée d'être en présence de son fidèle allié, l'autre se trouvait plus que rassuré de retrouver sa dresseuse en forme. Pas en pleine forme, certes, à en juger par sa mine et ses tremblements, mais au moins vivante. Peu enclin au voyeurisme et autres tares du même type, Sirius décida de se retourner et de reculer de deux pas pendant que la rescapée et son pokémon fêtaient leurs retrouvailles.

Une petite forme que le Noctis connaissait gambadait dans sa direction. La langue pendue, les pattes couvertes de sables humides et la fourrure ruisselante d'eau salée, Earl terminait sa course, enfin. Sirius lui avait demandé de courir sur la plage pour renforcer ses jambes et le petit nouveau s'était exécuté avec brio. Satisfait, Sirius gâta Earl, son Evoli, d'une tape amicale sur le crâne avant de fouiller dans son sac afin de donner nourriture et eau potable à l'épuisé. Une écuelle et un bol remplis, le sauveteur se tourna de nouveau vers la femme. Elle grelottait toujours. Sirius fouilla à nouveau dans son bagage, peu rempli mais efficacement rempli. Il sorti de là une veste polaire, qui lui avait, jadis, bien servi lors de son escapade dans les Terres Sauvages. Comme s'il eut s'agit de Lumière, le gardien vint apposer le vêtement sur celle qu'il connaissait sous le prénom de Sorey, avant de prendre la parole pour répondre à ses multiples mots:


-Pas  Monsieur l'Inconnu, Sirius. Nul besoin de me remercier. Seuls les faquins n'aident pas ceux dans le besoin immédiat. Quant au lieu, nous nous trouvons à Mésoé, sur l'île de Thacie, dans la région de Salva.

Le Galarien vint s'asseoir sur ses talons. Jupiter et Earl, qui venait de terminer sa collation, approchèrent. Le premier, curieux, observait à tour de rôle la dresseuse puis le serpent aquatique. Le second, bien moins mature, mais tout autant curieux faisait de même, mais il semblait voir d'un mauvais œil que son dresseur s'occupe d'une femme autre que Lumière. Elle ne lui avait pourtant pas bourré le crâne avec des inepties.


-Si Orion, ou vous, avez faim ou soif, je devrais avoir de quoi vous contenter dans mon sac. Je suis, par ailleurs, assez doué pour faire du thé. En tant que Galarienne, vous devez apprécier cette boisson.

Un léger bruit retint l'attention de Sirius. Une forte respiration s'entendant d'à côté. Earl venait de s'endormir, épuisé par sa course. Sirius soupira, ce petit devait encore s'entraîner, heureusement qu'il, Sirius, n'était pas dépendant de sa protection. Sirius, curieux, ne put s'empêcher de demander:


-Je n'aurais jamais pensé que vous étiez du genre à aimer les challenges sportifs extrêmes. Quelle idée saugrenue a bien pu vous pousser à tenter un Galar-Salva à la nage, mademoiselle ?

Il se doutait, bien entendu, que l'ancienne championne n'avait pas fait naufrage de cette façon. Mais il était difficile pour ce têtu de poser simplement et directement sa question, alors il la camouflait d'une façon saugrenue afin d'attiser, ou non, sa curiosité sans passer pour un interrogateur excentrique. Il enchaîne d'ailleurs, par une autre phrase:


-Cette veste a beau vous aller à ravir, j'attends de vous que vous n'oubliez pas de me la rendre.

Malgré son admiration pour la dresseuse, Sirius savait aussi qu'elle avait fini par être considérée comme une criminelle. Et même si ces dires concernant la veste furent vrais, il escomptait bien la récupérer, grand fan ou non. Cette veste, après tout, était un cadeau qu'Orphée lui avait fait, il y tenait énormément à sa veste en jean noir, doublé en fourrure de Moumouton ternie par le temps et les années dans les Terres Sauvages. D'ailleurs, il appréciait tout autant l'armoirie familiale des Noctis subtilement et discrètement brodée du côté de l'épaule gauche, ainsi que le motif visible sur Noctali, qui entourait cette même armoirie. D'ailleurs, c'était la première fois qu'il prêtait ce bien à autrui. Même Lumière n'avait jamais eu ce privilège, malgré toute l'affection que Sirius lui portait. Mais bon, il n'avait pas le choix, sa grande Star gelait et il n'avait rien d'autre sous la main.

Sirius, qui s'étonna d'être tant enclin et presque enthousiaste à l'idée de faire la conversation avec cette rescapée fut vite rattrapé par la réalité. La franche, mais non pas fausse, question de l'ex grande championne vint se cogner à lui comme une pierre à la tête. Il resta, bien tneendu, de marbre, mais il s maudit de n'avoir pas pensé plus tôt à lui dire. Enfin, même si cela semblait logique, le Gardien pensait que Sorey saurait comment il la connaissait, sa réputation à Galar n'était plus à faire. Enfin, elle demandait et il aurait été fort impoli de ne pas lui répondre, voir même cruel, au vu de l'inquiétude qui semblait la gagner.

Sirius soupira puis il n'osa pas le dire directement, trop fier pour admettre son état de fan. Il détourna quelques secondes le regard de la jeune femme pour venir observer l'horizon. Aucune échappatoire et s'enfuir était indigne de lui. Causer d'Alolah et du thé préféré de sa grande star attendrait. Il prit finalement la parole, se concentrant afin de garder son calme et son indifférence habituelle:

-Je doute que vous m'ayez remarqué. Je... Et bien lorsque vous étiez dresseuse, vous étiez ma préférée. Ne vous faites point de fausse idée, je veux simplement dire par là que je vous admirais. J'ai pu voir certains de vos combats les plus intenses, vous êtes impressionnante.

Il se tut quelques secondes et ne put réprimer un léger sourire:

-Par ailleurs c'est en partie grâce à vos exploits passés que j'ai alimenté mon envie de devenir un puissant dresseur. Vous êtes "ma grande star", comme dirait certaines jeunes filles en évoquant leur idole. Mais n'ayez craintes, je ne suis point un fanatique ou un écervelé, je ne compte ni vous assaillir d'étranges questions, ni vous crier dans les oreilles.

Ca, ainsi que sa fierté et son devoir de gardien, il était vrai. Sirius avait toujours été avide de force et de robustesse. Il voulait être droit, stable et fiable. Assez puissant pour tenir debout même au milieu de la tempête. Malgré tous les avantages liés à sa naissance et à son statut, il refusait de se laisser aller à la facilité et il était un travailleur acharné. Il ne l'admettait jamais, mais la vérité était là. Enfin, il ne comptait pas évoquer ces points-ci avec sa grande star. Un bruit attira l'attention de Sirius, puis un faisceau rouge s'échappa du sac de la rescapée. Un Ectoplasma en sortit et vint se frotter avec affection à la dresseuse.

-Je comprends vos appréhensions mais je pense que vous ne devriez point vous inquiéter. Ainsi entourée, vous voilà bien protégée.

Le gardien désigna les deux pokémons de Sorey puis, d'un regard empli de bons sentiments il vint scruter ses propres pokémons. "Un jour, vous serez aussi puissants que ces deux là, mes braves", c'était ce message qu'il voulait faire passer à ses deux acolytes. Sirius finit par conclure, reprenant comme si ses mots avaient suffit à rassurer Sorey:

-Je n'en savais rien. Je n'ai jamais été en Alolah, je ne saurais vous dire. Mais grimper sur un Demanta me semble guère attrayant. Un Sharpedo serait plus rapide et plus marrant. Par ailleurs, vous évoquiez votre thé préféré, quel est son goût ? Peut-être ai-je le fameux thé dans mes affaires. Concernant votre faim, quelques baies vous iront ? Je gage qu'elles sont comestibles, en plus d'être extrêmement bonnes et pleines de nutriments.

Sirius remarqua son engouement et son entrain. Ah, il s'agaçait lui-même. Il fallait qu'il soit plus calme. Heureusement que Lumière n'était pas là, elle n'aurait pas manqué l'occasion de faire remarquer au gardien son changement d'attitude et de se servir de cette arme contre lui. Vile créature. Elle commençait à bien se défendre, son apprentissage avançait.

Un léger vint vint se frotter aux cheveux de Sirius qui firent plusieurs aller-retours sur les côtés. Un courant marin fort agréable, sous ce soleil de plomb.  

HRP: