S'il y a bien un comble pour un Austrien, c'est bien de mourrir de froid. Et comme beaucoup d'autres de ses pairs, Mitch ne faisait pas partie des gens qui tiennent à courir une mort certaine en se risquant trop au nord de Salva. Non, très peu pour l'Austrien, vraiment. Pour lui dont la peau était habituée aux rayons du Soleil mordants et aux températures toujours au dessus des 30°, il n'avait jamais éprouvé le besoin de s'essayer à celles glaciales du Septrion.
Pourtant, il lui arrivait de plus en plus régulièrement de devoir traverser la chaîne de montagnes qui séparait l'Austrée du Septrion. Toujours dans un cadre professionnel, et pas plus longtemps que deux jours à peine. Il n'osait considérer cela comme le véritable Septrion, parce qu'il n'avait jamais foutu les pieds dans une de ses villes -grandes ou petites-. Mitch considérait ça comme un caprice de clients : il venait parfois faire le trajet par train et recevait alors ses clients dans une petite gare ou bien devait-il attendre à une station ou un châlet ces derniers. Ses clients du Nord, il commençait à le comprendre, avaient une forte manie de se perdre avant même d'avoir fait un pas en Austrée ou d'exiger dès le début de ses contrats qu'il les accompagne toujours de leur entrée à leur sortie de l'Austrée. Manie que Mitch avait bien du mal à comprendre parfois – à croire que ces bougres craignaient que des sauvages ne les pillent dès qu'ils auraient passé la “frontière” non officielle entre le Nord et le Sud. Il n'était pas du genre à se plaindre, ça ajoutait un petit bonus sur son revenu en fin de mois et ça, c'était plutôt chouette.
Et puis bon, il lui arrivait de faire la même chose avec des clients Austriens ou Thaciens, le déplacement n'était pas une chose qui le dérangeait en soit. Ce qui le dérangeait par contre, c'était les foutues températures dans les Milles Sommets ! Il faudrait un jour comment on lui explique comment Salva fonctionnait. Ils n'étaient pas même à quelques jours du désert de Solem, et il se les pelait grave ! Comment est-ce que l'Homme avait pu s'adapter à pareille condition, ça lui échappait. Il avait beau ne pas être à son premier voyage à travers la chaîne de montagne, son corps avait refusé d'obtempérer dès qu'il avait bougé son cul hors de la gare et s'était mis à grelotter. Pire qu'un Vivaldaim qui vient de sortir de l’œuf. Solomon, son fidèle compagnon, n'était pas dans un meilleur état que lui. Lui qui avait refusé les vêtements chauds que son dresseur avait voulu lui faire enfiler (très loin de lui l'envie de ressembler à ces ponchiots de mégères vêtus comme des starlettes !), il commençait à regretter ses actions.
Les deux compères s'étaient précipités vers l'adresse fourni par son patron, dans l'espoir d'y trouver de quoi se réchauffer. Le décès à moins de 30 ans en terrain inconnu n'était pas dans les projets du grand brun à la peau mate. L'hypothermie n'était pas une mort des plus plaisantes, se dit-il dans le but de se secouer.
Trouver l'établissement avec la neige qui tombait drue et le soleil qui commençait à se faire la malle n'avait pas été un jeu d'enfant, mais ils l'avaient fait. C'était un châlet qui devait servir d'hôtel aux arrivants de la gare, mais qui ne semblait pas très grand ni très peuplé à ce moment de l'année dont Mitch ignorait l'existence avant ce jour. Pas qu'il soit un expert en activité touristique dans le Septrion, au contraire, mais bon. Secouant toute la neige de ses vêtements trempés, le brun toujours optimiste s'approcha à grandes enjambés du comptoir où attendait un homme court sur pattes, un peu gras et d'une cinquantaine d'années, aux airs de Chelours.
B'soir monsieur, je suis supposé rencontrer un Monsieur Golodiaïev ici. Y a t-il quelqu'un de ce nom qui s'est présenté à vous ?
Le type eut l'air de réfléchir un instant, feuilleta ce qui devait être le répertoire de la clientèle mais il finit, au grand désespoir de l'Austrien, par secouer la tête négativement.
Désolé mon garçon, une chambre a été réservée pour la nuit à ce nom mais personne n'est encore arrivé. Et avec la tempête annoncée, ça m'étonnerait qu'il y ait qui que ce soit qui ne s'pointe après vous ce soir
Merde. Ça c'est pas de veine, jura-t-il intérieurement. Il gratifia d'un sourire contrit le réceptionniste et tourna la tête vers son Ptyranidur qui s'était éloigné pour profiter de la chaleur fournie par la cheminée centrale. Quel-... Attendez. L'autre avait bien dit tempête ? Quelle tempête ? La dernière fois qu'il avait regardé les prévisions météorologique, rien n'avait indiqué la possibilité d'une temp-....! Comme pour répondre à sa question, un vent soudain fit claquer les fenêtres du châlet pourtant closes, le faisant sursauter terriblement, et la neige au dehors se mits à tomber plus fort encore. Mitch se sentait tout à coup extrêmement chanceux de ne pas être resté plus longtemps à l'extérieur. Lui aurait-on dit que le temps Septrionnien pouvait être pire, le jeune homme en aurait rit. Il avait plus envie de se rouler en boule dans un duvet et pleurer toutes les larmes de son corps plutôt que de devoir remettre le nez dehors. Dans un soupire, il reposa son attention vers le vieil homme.
...Il ne vous resterait pas une petite chambre, par hasard ?
Le sourire que l'autre homme lui offrit n'avait rien à envier à ceux des commerçants du Marché aux Épices de Solem.
•••
Une longue négociation de prix plus tard et la clé de leur chambre en poche, Mitch et Solomon étaient à présent tous les deux amorphes dans un fauteil près du feu. Le froid, ça donnait vachement faim, et c'est avec un appétit d'ogre qu'ils avaient avalés le ragoût cuisiné par le maître des lieux. Il n'avait pas vu grand monde d'ailleurs, hormis le vieux qui n'avaient pas bougé de son siège près de l'entrée et somnolait à moitié. Bref, pas grand monde à qui taper la discut', hormis son pokémon. Lui même se sentait petit à petit fermer les yeux, bercé qu'il était par les craquements du bois dans l'âtre et les sifflements du vent au dehors. Il se tâtait même à rejoindre sa chambre ou dormir sur place, certains que la pièce vide ne devait pas être chauffée au préalable avant qu'il ne s'y présente, quand un bruit sourd le sorti de sa transe. Une porte qui claque, des bruits de pas, la voix atténuée du Septrionien au comptoir. Mitch se redressa de son siège en zieutant en direction de l'entrée, son Ptyranidur étalé dans son giron mais tout aussi attentif que lui. Il n'arrivait pas bien à discerner l'individu qui venait de rentrer dans le bâtiment, alors il attendit qu'il se dirige vers lui, pas discret pour un sou. Ses yeux olives ne cachaient pas du tout la curiosité du brun, et pendant un instant, il pria toutes les divinités qui pouvaient bien exister qu'il s'agisse de son client en retard ayant affronté la tempête de neige.
Ce constat fut dit avec la voix d'un homme impartial qui relevait simplement un fait, alors qu'un autre homme gisait devant lui sur le ventre, dans une neige devenue incroyablement dense, portée par un vent de plus en plus glacial et pénétrant. Le malheureux sembla lutter contre l'engourdissement de son corps et le froid pour faire articuler ces quelques mots.
- Vous êtes un ange ?, lui demanda-t-il dans un drôle d'accent. - Dépend duquel.
Rétorqua Hiruzen qui s'accroupit à hauteur de son interlocuteur, enlevant son capuchon malgré un air glacial venant lui mordre les oreilles. La personne allongée devant lui devait avoir cinquante ans, et manifestement, elle avait fait un malaise ou une chute, et n'avait pas pu se relever, paralysé par la soudaine tempête de neige qui sévissait peu avant le coucher du soleil. Et perdurer dans les Milles Sommets de nuit revenaient à se condamner à mort. Ca arrivait, avait-il entendu dire des villageois, fréquemment, que de malheureux touristes, voire habitués, se perdent dans ses impitoyables sommets et y meurent, isolés, par hypothermie. Une mort peu désirée, car lente et douloureuse jusqu'à un certain point. Le point d'acceptation, où l'on commençait à comprendre qu'était venue notre heure.
Ce qui n'était pas le cas de cet homme, qui se sentait soudain porté par une énergie, tentant de se redresser. Le jeune Asaki l'en empêcha par une main forte sur les épaules de l'homme, le forçant à rester à terre, le nez contre la neige. Il était affaibli, désorienté, apeuré, et les conditions climatiques rendaient sa survie impossible d'ici une à deux heures.
Voilà ce que je vous propose. J'ai un Corvaillus robuste, et la position d'un châlet où vous pourriez regagner des forces et vous reposer. Je vais vous y emmener.
Les yeux empreints de fatigue et de douleur de l'homme qui l'observaient de biais semblèrent revivre, du moins un court instant.
Ca vous coûtera cher. Je prends 200'000 Pokédollars pour vous y amener. Ou je peux reprendre ma route, vous ignorer, et personne n'en saura rien.
Ce n'était pas un montant particulièrement élevé mais suivant le statut financier de cet homme, c'était déjà pas mal demandé. Mais Hiruzen n'en avait que faire. C'était la loi de la nature, certains, trop faibles, mouraient, et d'autres plus forts survivaient. Mais il y avait aussi des malins. Et si ce pauvre vieillard à l'accent étrange voulait vivre, il lui faudrait miser sur la malice et accepter son deal.
Ce qu'il fit, par un hochement de tête affirmatif.
Sage décision.
Une main vint fouiller les vêtements de l'homme, sortant un portefeuille dont il prit presque la quasi totalité du contenu soit un peu moins de 90'000 pokédollars.
Considérez cela comme acompte.
Hiruzen acquiesça et fit un bref signe à Tark pour que ce dernier apprête l'homme sur son dos, ce que le pokémon ailé fit sans peine, hormis la rigidité presque cadavérique de son "client".
Remettant son capuchon en place, Hiruzen sortit Skyripa de sa Pokéball (qui le fusilla du regard au moment où elle se rendit compte que la température de sa pokéball était mille fois préférable à celle extérieur) puis alla sur son dos, montrant le chemin à suivre à son Corvaillus.
Il lui fallut bien une quinzaine de minutes pour atteindre son objectif, à cause des fortes bourrasques qui fragilisaient quand même les ailes robustes de ses Pokémons. Lorsqu'ils se posèrent, Hiruzen faillit flancher en descendant du dos de Skyripa, ses jambes étant déjà engourdies. L'homme de 26 ans déduisit dès lors qu'il se devait d'aider lui-même le vieillard, qui luttait pour ne pas sombrer dans l'inconscience. Néanmoins, avant d'ouvrir les portes du chalet, qui dégageait une odeur de cheminée, de chaleur, de feu, de survie alléchante, Hiruzen se positionna en face de sa "victime", les bras croisés.
Vous y êtes presque, il faut que vous versiez le solde.
Le visage blême de l'homme et ses cernes semblèrent soudain gagnées par l'espoir de vivre, et une mine plus combattive s'empara des traits du pré-retraité.
- V-v-ous... me rendez mon.... portemonnaie.... et-et- je ne dirai rien.
Le coup habituel. Quoi de plus normal, l'homme était à 3 mètres d'un lieu sûr, sécurisé, avec sans doute d'autres personnes. Il lui suffirait de puiser dans son adrénaline pour pousser le gringalet que représentait Hiruzen à ses yeux. Néanmoins, derrière ses épaisses couches de laine se dissimulaient une musculature quand même présente, et surtout une froide détermination que rien ne pourrait entraver, du moins par sur le moment. Aussi, Hiruzen se permit un soupire.
Je vous tuerai.
Le verbe prononcé fit office de déclic à Skyripa qui déplia ses ailes, enlevant la neige déjà accumulée, puis ses serres s'emparèrent des épaules de l'homme, le soulevant à deux mètres du sol, son corps balayé par les vents forts.
A vous de voir. Vous pensez que quelques individus dans ce chalet croiront une personne traumatisée et en hypothermie ? Vous pensez que vous serez protégé pendant les 15 heures que dureront la nuit avant que viennent les forces de l'ordre ? Si tel est le cas, réfléchissez bien, du moins, du mieux que vous le permet votre cerveau engourdi.
En effet, avec la tempête, tous les sons étaient isolés, et personne ne viendrait en aide de ce pauvre homme dont la seule erreur fut de surestimer sa condition physique à la sortie de la gare. Il cria un "OK" résigné, et Hiruzen ordonna à Skyrippa de le poser gentiment au sol. L'homme alors s'effondra, seulement rattrapé par Hiruzen qui le saisit par le col et le fixa dans le blanc des yeux.
A votre réveil, vous me ferez un chèque. Et tout ça n'aura été qu'un malencontreux événement. Puis il ouvrit la porte du chalet.
***
Un froid soudain vint régner pendant un bref instant dans le bois isolé et confortable du chalet. Un homme au comptoir daigna à peine relever le regard de sa revue alors que le jeune Asaki pénétrait en les lieux, précédés de ses deux Pokémons ailés, marqués par les instants passés dans le froid eux aussi. Directement, Tark et Skyripa se dirigèrent vers un feu de cheminée devant lequel reposait une silhouette accompagnée d'un Pokémon aux allures préhistoriques.
Hiruzen quant à loi toussota deux ou trois fois avant que le réceptionniste leva son imposant fessier pour venir l'aider.
Nom d'un Barbich' ! Qu'est-ce qui vous a pris de traîner dehors par ce froid !?? Cet homme s'est perdu un bout de temps dans le froid. Je l'ai trouvé presque inconscient, il délire et est en hypothermie, il faut de suite le mettre au chaud.
La détresse dans sa voix était bien entendue feinte, et Hiruzen s'estimait plutôt content de cette circonstance bénéfique économiquement. Le tenancier prit l'homme entre ses imposantes mains et alla s'en occuper auprès du feu, tandis qu'Hiruzen enlevait son capuchon et sonda la pièce dans laquelle il se trouvait.
Et... Il... Le.... Vit.
Salut, Michelle.
Lança-t-il, bien conscient que ce n'était pas le réel prénom de l'homme qui lui faisait désormais face.
Une silhouette apparue au seuil de la porte, lentement révélée par le seul spot lumineux de la pièce, la cheminée. Il s’agissait définitivement d’un homme, bien qu’il ne soit pas bien grand. Avec un épais manteau qui contrastait avec sa stature svelte et une capuche en fourrure. Mais ce qu’il repéra avant tout, fin observateur qu’était Mitch, ce fut le masque. Familier, tout autant que la voix désagréable qui en sorti.
Salut, Michelle.
Mitch grinça des dents. Il ne savait pas ce que les gens avaient avec ce prénom féminin, mais lui, il l’avait en horreur. Toutefois, c’est avec un grand sourire qu’il se redressa de son siège, Solomon déposé sur le sol sans un remord, ni d’excuses à la protestation de ce dernier. Puis il se dirigea vers le type au masque d’oiseau, les bras écartés de part et d’autre comme lorsque l’on revoit un ami de longue date.
Si ce n’est pas l’homme piaf en personne ! Alors Zen, on se met à l’humour ?
Répondit-il en appuyant bien sur le surnom de l’autre. Et bien que son expression irradiante n’ait rien à envier au feu dans l’âtre, ses paroles, elles, étaient prohibées de toute sympathie. Ou presque.
Hiruzen Asaki. Dire qu’il connaissait l’étrange homme serait un mensonge. Il ne fréquentait pas le bonhomme, ne l’avait croisé qu’en de rares occasions, pour être honnête. Mitch était guide touristique en Austrée, et à ce qu’il avait compris, l’autre était chauffeur de taxi dans le Septrion.
L’Austrien avait juste eu…Le déplaisir, disons, de le croiser à plusieurs reprises lorsqu’il devait chercher des clients aux frontières. La première fois qu’il l’avait vu, c’était son apparence curieuse qui avait attiré l’attention du guide. Une petite fille, sans doute une cliente, avait fait toute une scène devant un grand Corvaillus, en appelant l’individu « monsieur Zen ». Et pendant un long moment, Mitch avait été persuadé qu’il s’agissait du nom du bonhomme. Ce n’était que plus tard qu’ils avaient réellement interagit ensemble, et on ne pouvait pas dire que cela avait collé entre les deux hommes. Mitch n’était pas du genre à agresser le premier venu –du moins si ledit individu ne l’avait pas mérité. Mais il ne savait pourquoi, il avait toujours cette envie de venir chercher des noises à l’autre brun. Sans doute le côté froid de l’autre, qui le poussait à amener un peu de vie sur ses traits.
J’pensais pas que les chauffeurs de taxi étaient en service si tard, et avec ce temps là. Qu'est-ce qui t'amène ici ?
Solomon vient finalement rejoindre son dresseur avec flegme, reniflant curieusement le nouveau venu.
La chance avait tourné rapidement, trop rapidement… Hiruzen observa l'homme étendre ses bras, comme si tous deux s'apprêtaient à s'accoler, comme de bons vieux amis se retrouvant après plusieurs semaines. Ce qui n'était nullement le cas. Le regard froid du brun fixait celui aux traits typés de la région Austrienne qui affichait un sourire, comme si leurs précédentes altercations avaient réellement été sympathiques.
Loin de là.... La personnalité joviale, extravertie du dénommé Mitch Kahan avait su l'irriter dès les premiers instants où tous deux durent plus ou moins collaborer ensemble. Entendez par là qu'Hiruzen amenait des clients à Mitch qui les prenait en charge depuis la frontière. Et, actuellement, au vu du lieu, et de la personne qu'il venait de plumer, il était fort à parier que son malheureux client était également celui du guide touristique. Quelle aubaine… Si le Ruskov se verrait suffisamment confiant pour révéler à son guide sa mésaventure, Hiruzen risquerait d'avoir à répondre de ses actes. Et ça, c'était ce qu'il craignait le plus. Alors il lui vaudrait mieux pour le moment de mettre son apathie pour Mitch de côté, du moins un court instant. Aussi, il tiqua à peine quand il entendit son surnom "Zen", pénible héritage d'une zozotteuse, puis soupira quand Mitch lui demanda la raison de sa venue.
Vois-tu, je vais là où le vent me porte. Si j'avais su que c'était à toi, je me serais sans doute cassé une jambe ce matin…
Certes, amabilité, on faisait mieux, mais c'était instinctif. Le teint halé, le regard franc et bon de Mitch avait un effet sur Hiruzen qui le rendait agaçant, sans que jamais il ne put l'expliquer par une raison précise. Le guide ne lui avait jamais fait de tort, et jamais Hiruzen n'avait eu l'intention de lui en faire. Et pourtant, à cet instant, le brun se sentait tendu, sa température corporelle, auparavant plutôt frigorifique, gagnait trop rapidement en chaleur et il lui paraissait que l'air devenait irrespirable. D'autant plus que le Pokémon reptilien de son ami avait eu la bonne intention de venir le renifler d'un air suspicieux. Enlevant une couche de vêtement, ainsi que son masque, chose plutôt rarissime, mais laissant dévoiler un autre masque, de tissu noir, basique, camouflant toujours son visage, Hiruzen outrepassa Mitch et alla lui piquer sa précédente place, sur le canapé faisant face au feu.
Puis un silence s'installa entre les deux hommes, silence durant lequel Asaki observait Mitch tandis que ses deux Pokémons ailés se blottirent l'un contre l'autre, piquant un roupillon près de la source de chaleur. Il avait relativement l'air en forme et, chose étonnante, l'Austrien s'était suffisamment revêtu. On devinait également qu'il était toujours autant bien entretenu et son teint n'avait pas souffert du froid. Quoi de plus normal, c'était un Ranger. Dans le désert, la nuit, il fallait se préparer également au froid, bien que ce dernier n'était pas comparable à celui des Milles Sommets. Conscient que jauger de haut en bas pendant de longues minutes un autre homme était malaisant, Hiruzen cessa ses observations puis engagea la conversation sur un ton naturel comme si tous deux allaient parler météo.
L'homme… c'est ton client, c'est ça ? J'aurais pensé que tu les prenais en charge depuis la gare…. tu peux me remercier d'avoir été là. Je t'ai sauvé ta journée de travail...
Forcément, Hiruzen allait omettre de dire que lui aussi, Mitch lui avait sauvé une journée de travail… indirectement.
Au Septrion, fais comme les Septrionniens. Hors de question pour Mitch de suivre ce proverbe. Il lui était tout simplement impossible de devenir aussi coincé que ces norrois ou d'oublier les températures glaciales qui venaient chatouiller votre nuque dès que vous vous éloigniez de votre source de chaleur (à savoir, le feu de cheminée dans le cas de Mitch !). Le frisson désagréable qui lui parcouru le dos n'était vraiment pas dû au brun, certainement pas à sa présence quand il passa à côté de lui pour...Pour lui piquer sa place ! Ce salop !
L'air indigné du Ptyranidur quand il remarqua qu'on leur avait piqué leur spot n'avait rien à envier au froncement de sourcil de son compagnon humain suivit de l'expression de pure outrance qui le remplaça. Mais loin de se laisser faire, Mitch attrapa dans ses bras son poto dino et rejoignit à grandes enjambées le chauffeur, bougon. Hiruzen, à sa grande surprise, avait retiré son masque...Pour en découvrir un autre, simple et noir. Maintenant qu'il y pensait, l'Austrien ne l'avait jamais vu retirer l'étrange bec qu'il utilisait pour recouvrir son visage auparavant. Le voir sans l'accessoire était une première. Plutôt surprenante. Hah, il ressemblait presque à quelqu'un de normal maintenant ! Mais avant qu'il puisse faire un commentaire, l'autre homme qui jusque là le dévisageait aussi finit par entamer la discussion. Encore une surprise, diable !
Oh, c'est si aimable de ta part ! À qui dois-je donner mes remerciements sincères ? Le vénérable Hiruzen ou le Saint Patron des oiseaux ? Je suis presque navré de ne pas avoir amené d'offrande, je pense que le boulanger du coin n'acceptera pas de clients avant demain. Ricana t-il.
Mitch, alors que l'autre parlait, en profita pour s'asseoir à une distance raisonnable de celui-ci sur le même canapé. Sans remords, il se permit de grincer un “Temps de merde...” entre ses dents, comme pour justifier son action. Il ne renoncerait pas à la chaleur du feu pour une petite histoire de chamaillerie avec un type qu'il connaissait à peine, et Solomon non plus ! Le pokémon était un peu grand pour correctement se blottir contre son dresseur mais ne dénierai pas un câlin avec son compère humain.
Il ne doit pas y avoir beaucoup de Septrionniens pour se balader comme ça sous une tempête de neige...Alors sans doute ? Je ne savais pas que les gens du coin étaient aussi mal préparés que les étrangers face à cette météo. Tu as son nom, par hasard ?
Solomon sembla en avoir assez des papouilles puisqu'il s'extirpa de l'étreinte du grand brun pour s'installer plus près encore de la cheminée. Mitch n'en fit rien, comprenant qu'il ne faisait décidément pas assez chaud, ni pour lui, ni pour son pokémon. Du moment qu'il n'allait pas se rouler dans la cendre, il le laisserait faire.
Et oui, d'habitude je les rejoint à la gare... C'est ce que j'ai proposé à celui-là, mais ce gars a absolument tenu à ce que l'on se rejoigne ici. Ces Septrionniens, je ne saurais jamais ce qui leur passe par la tête. C'est à croire qu'une partie de leur cervelle gèle à la naissance.
Clairement, Mitch ne se retenait plus. Peut-être était-ce le fait de se retrouver en territoire inconnu qui le rendait si à cran, mais il était remonté contre le type qui l'avait forcé à être ici pour plus d'une journée.
...L'prends pas pour toi. Tu dois bien être le seul à sortir du lot, maintenant qu'j'y songe ! Tiens, comment ça se fait, qu'un gars aussi chelou arrive à se faire accepter par des congénères aussi coincés ?
Le froid l'agaçait, la décoration si typique l'agaçait, les manières du patron l'agaçaient ! Et il était presque étonné de trouver la présence d'Hiruzen moins emmerdante que le reste de sa journée. Avec un soupire, le guide touristique se laissa aller contre le dossier du canapé, rejetant sa tête en arrière avant de regretter son action tout de suite : son cou avait été exposé à un courant d'air soudain et il se réinstalla immédiatement en boule dans son coin de fauteuil avec un sifflement irrité.
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