D'un mouvement vif, Syrius immerge Lyla dans l'eau, la ressortant tout aussi rapidement sous les éclats de rire du Sonistrelle. Voilà quelques minutes que le garçon et son Pokémon s'amusent ainsi, la chauve-souris couinant de plaisir à chaque aller-retour dans l'eau. Et les rires cristallins du petit Sonistrelle sont un véritable baume au cœur pour le garçon à l'esprit bien tourmenté. S'il est venu se baigner dans les sources chaudes de Belagora, c'était dans l'espoir d'apaiser un peu la tempête de son esprit – voilà quelques jours, Syrius a la désagréable sensation de perdre un peu les pédales. Tout a commencé il y a un peu plus de trois semaines, à l'auberge perdu au milieu des Plaines Cristal … Il y avait fait la rencontre d'Alexei, un fils du pays au tempérament explosif empreint malgré tout d'une forte sensibilité. Syrius ne saurait dire si c'est le hasard ou le destin qui a fait croiser leur route mais … toujours est-il que depuis ce jour, les deux garçons voyagent ensemble, Alexei faisant office de guide pour Syrius – mais pas seulement. Le fils du Nord est également une compagnie agréable pour le Sudiste, qui se sent bousculé dans tous les sens depuis leur rencontre. A ses côtés, il a l'impression de voir le monde autrement, de prendre conscience davantage de chose. Et si certains en seraient effrayé, ce n'est pas absolument pas le cas de Syrius, bien au contraire.

Cependant … toute bonne chose à une fin. Et le petit marché passé entre les deux garçons est sur le point de s'achever. Ce soir, ils passeraient leur toute dernière soirée ensemble – ils assisteront au festival de sculpture sur glace et … chacun reprendra sa route en solitaire. Et cette seule idée fait naître une boule dans la gorge de Syrius. Alexei, malgré son caractère de Gruikui, n'est pas un mauvais garçon. Il est vif, intelligent, rationnel – tout ce que Syrius n'est pas. Sans lui, le fils Al'Shams ne serait peut-être même plus en vie, à l'heure qu'il est. Il a apprit tellement de chose grâce au jeune Kireiev … Comment monter une tente, comment allumer un feu, comment mesurer la hauteur de la neige ou repérer facilement un fossé. Plus qu'un guide, il était un professeur, une sorte de chaperon qui lui apprenait la vie, la vraie, et tous ses dangers. Syrius voyait le monde par ses yeux et découvrait le Septrion d'une façon plus vraie qu'il ne l'aurait imaginé. Et il aurait voulu que les choses continuent ainsi … mais cela ne dépendait pas de sa seule volonté. Il y a peu de chance que Alexei veuille se traîner ce boulet plus longtemps encore – la preuve, à peine arrivé à Belagora qu'il lui faussait déjà la route. De quoi remuer quelque chose de désagréable dans les entrailles de Syrius.

Alors pendant que Alexei visitait ses sœurs, Syrius, lui, est venu aux sources chaudes, espérant y noyer ses tourments. Lyla avait, bien évidemment, insisté pour l'accompagner et le garçon a refusé de lui bouder ce plaisir. Voilà bien une heure qu'ils barbotent dans les eaux chaudes et parfumées, profitant de leurs bienfaits, le garçon échangeant parfois quelques mots avec les autres baigneurs. Seule Khensit n'a pas voulu se joindre à eux, peu encline à se mouiller les écailles. Elle demeure donc sur un banc non loin de là, ses pupilles fendues de reptile fixées sur son Dresseur. Parfois, elle lance des regards noirs à Lyla, jalouse de cette dernière, provoquant les pleurs sonores de la petite chauve-souris violette. Après une dizaine d'accident de ce genre, Syrius décide de couper court à la baignade pour ne pas déranger davantage les autres usagers, récupérant au passage sa Abo pas peu fière d'elle. Sur le trajet jusqu'aux vestiaires, il se permet quelques remontrances mais Khensit l'ignore allégremment, préférant siffler sur toutes les personnes qui croisent leur route. Décidément, sa Abo manque cruellement de sociabilité … Il va devoir régler ce souci s'il ne veut pas s'attirrer des embrouilles dans le futur. Ce n'est pas tout le monde qui apprécie se faire cracher dessus par un Abo mal léché !

Respectant les règles de l'établissement, Syrius rappelle ses deux Pokémon dans leur Pokéball respective puis quitte les vestiaires après s'être rhabillé. Il espérait barboter jusqu'à ce qu'il doive retrouver Alexei mais … tant pis. Il va devoir trouver une nouvelle occupation. Et c'est le léger grondement en provenance de son estomac qui le guide vers sa nouvelle destination : l'auberge des bains. Rien de mieux que se remplir la panse pour passer le temps ! En poussant la porte, une délicieuse odeur de nourriture le prend d'assaut, redoublant les complaintes de son estomac. En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, le voilà déjà chargé d'un plateau recouvert de différentes victuailles. Ah, tout lui donne tellement faim ! Il y a même des plats qu'il ne connaît même pas – des spécialités du Septrion, à ne point en douter. Tout à son inspection de son plateau, le garçon ne regarde pas où il met les pieds … tant et si bien qu'il trébuche contre un pied de chaise, le haut de son corps propulsé en avant. Ses mains perdent alors leur prise sur le plateau qui se renverse intégralement sur la personne la plus proche, la repoussant même de sa chaise. Syrius lui-même s'étale bêtement au sol, son menton rencontrant brutalement le parquet, réveillant une vive douleur dans sa mâchoire.

Sonné, il voit trouble pendant quelques instants, avant de réaliser qu'il est nez à nez avec une jeune femme couverte de nourriture. Syrius se redresse brutalement, tanguant un instant avant de retomber sur les fesses, encore un peu à l'ouest. Il arrive cependant à prononcer quelques mots confus :

En vérité, Syrius est guère étonné de sa propre maladresse. Sans avoir deux pieds gauches, il se distrait tellement facilement qu'il ne fait pas toujours attention à tout ce qui l'entoure. Enfant, il était une véritable catastrophe ambulante et de nombreux vases de la belle collection des Al'Shams ont finit en miettes à cause de lui. On aurait pu croire que les choses se seraient améliorées en grandissant mais … de toute évidence, Syrius est condamné gaffer jusqu'à la fin de sa vie. Néanmoins, généralement, il se met dans l'embarra tout seul : il s'étale en pleine rue, casse quelque chose chez lui, lâche son assiette dans la cuisine, mais ne met jamais personne en porte-à-faux … il faut croire qu'il faut un début à tout, et cette jeune femme à la chevelure sanguine a eu l'immense privilège de baptiser cet état de fait. Et pour une première, Syrius a fait les choses en grand, parce que la pauvre demoiselle est recouverte de nourriture. Heureusement, il n'avait pas prit trop de trucs en sauce risquant de beaucoup tâcher mais cela reste désagréable, comme expérience, il s'en doute bien.

Cependant, le garçon est tellement sonné qu'il ne réalise pas encore tout à fait ce qui lui arrive. Il a l'impression que son cerveau n'est plus qu'une grosse masse gélatineuse et qu'aucun de ses neurones ne répond présent. Si il entend la jeune femme parler, il peine à comprendre le sens de tous ses mots, alors il se contente de hocher bêtement la tête. C'est alors que quelques membres du personnel s'approchent d'eux, l'un aidant Syrius à se relever, l'autre tendant à la femme de quoi se débarbouiller un peu. Une fois sur ses jambes, le garçon du Sud sent ses vertiges s'amoindrirent, même s'il n'est pas encore tout à fait remit de sa chute. Il porte cependant une main à son menton, s'assurant qu'il ne s'est pas ouvert – heureusement, tout va bien. Il lui faut juste quelques instants de calme pour reprendre possession de ses moyens, mais il n'est absolument pas en danger. Juste … ridicule et totalement sonné.

Penaud, Syrius se laisse tomber sur la première chaise libre qu'il aperçoit, veillant à ne pas déranger l'employé qui nettoie rapidement le sol à l'aide d'un vieux balai et d'une serpillère usée par le temps. Bon, au moins, la jeune femme ne semble pas trop trop lui en vouloir, malgré son ton sec. Elle lui propose même de lui payer son repas et Syrius n'a pas vraiment la force de répliquer. Le garçon a largement les moyens de se payer mille fois le même plateau mais … il ne s'imagine pas vraiment contredire son interlocutrice après ce qu'il vient de se passer. Heureusement, petit à petit, le fils Al'Shams se remet de ses émotions et reprend doucement possession de ses moyens. Il tâte alors sa ceinture, s'assurant de ne pas avoir abîmer ses Pokéball pendant sa chute. Il jette également un coup d'oeil inquiet à l'intérieur de son sac à dos … mais tout va bien. L'oeuf n'est pas endommagé. Syrius laisse échapper un long soupire rassuré. Les choses auraient vraiment pu tourner au vinaigre à cause de sa maladresse !

Encore un peu sous le choc, la voix de Syrius est calme et posée, bien loin de son éclat habituel. D'autant plus qu'il n'a pas vraiment envie de faire le malin après s'être ainsi couvert de ridicule. Il sent d'ailleurs quelques regards dans son dos, sûrement quelques personnes attablées ayant assister au spectacle se moquent de la maladresse de ce garçon à la peau foncée. Une nouvelle raison pour les gens d'ici de se moquer des originaires du Sud mais … Syrius s'en fiche un peu. Ce genre de remarques lui glissent dessus comme une goutte de pluie. Alors il se contente d'ignorer les murmures amusés dans son dos pour se concentrer sur la jeune femme en face de lui qui, de toute évidence, semble un peu moins virulente que les choses. Comme quoi, tout le monde n'est pas pareil, qu'importe ses origines.

Lorsque le serveur vient poser un plateau de nourriture devant Syrius, ce dernier le remercie d'un sourire chaleureux et vient aussitôt se remplir un verre d'eau qu'il englouti d'une traite, espérant que cela finisse de lui remettre les idées en place. L'odeur de son repas lui met l'eau à la bouche et s'il ne se jette pas sur la nourriture, c'est uniquement par politesse vis-à-vis de son interlocutrice. La moindre des choses, c'est de la remercier et de s'excuser une nouvelle fois. Alors le garçon vient se gratter l'arrière du crâne, bien embêté :

Petit à petit, la douleur qui irradie le menton de Syrius s'estompe. Peut-être aura-t-il droit à un bleu, en espérant qu'il soit discret. En tout cas, tout est bien qui finit bien pour lui, même s'il écope d'une interloctrice pour le moins sèche et incisive. Vient-elle de sous-entendre qu'il était un imbécile ? Syrius est peut-être paranoïaque pour rien mais … il ne voit pas en quoi sa maladresse pourrait faire de lui un mauvais dresseur. D'autant plus qu'il sait sûrement mieux que quiconque comment sont les champions, puisque le dresseur le plus fort de Solem est son propre frère. Enfin bon … ce n'est pas comme s'il devait lui prouver quoi que ce soit. Syrius a confiance en lui, et en ses Pokémon. Il ne se considère pas comme un dresseur hors-paire mais il fait de son mieux, et c'est tout ce qui compte pour lui. De toute façon, le défi des arènes n'est qu'un bon prétexte pour justifier son voyage à travers Salva. Qu'il rafle ou pas les badges des Champions, ce n'est absolument pas le problème, tant qu'il peut s'approcher du stade et immortaliser quelques beaux combats dans la pellicule de son appareil photo …

Ainsi préfère-t-il ne pas relever, se contentant de plonger sa fourchette dans son pâté à la viande. Son petit doigt lui dit qu'il n'est pas tombé sur la personne la plus sympathique du coin … mais après ce qu'il vient de se passer, il ne peut pas lui fausser compagnie comme si de rien n'était. Syrius est un garçon bien éduqué, c'est pourquoi il juge les excuses importantes. Mais, de toute évidence, ce n'est pas le cas pour tout le monde, car voilà que la jeune femme le rabroue comme une mère disputerait son enfant. Le tout sur un ton accusateur que l'Austrien eut bien du mal à encaisser. Pourquoi se montre-t-elle si … hostile ? Syrius vient bien comprendre que l'accident l'ait agacée mais quand même ! Il n'y a pas mort d'homme. Et si il la dérangeait d'une quelconque façon, il ne fallait pas lui proposer de manger avec elle. Vraiment, le garçon a du mal à comprendre … et son humeur n'étant pas des plus guillerettes, la situation commence petit à petit à lui taper sur le système …

Finalement la jeune femme se présente. Elain Belth, donc. Originaire d'Isslot. Le garçon se contente de hocher la tête, les yeux perdus dans son assiette. L'ambiance ne lui plaît guère, il se sent jugé comme un petit enfant et il déteste ça. Il aimerait prendre son plateau et s'en aller mais … est-ce vraiment la meilleure des idées ? Surtout que Elain lui offre ce repas. Cette seule idée l'agace tellement que Syrius finit par plonger sa main dans sa poche, sortant une poignée de pièces qu'il dépose devant la jeune femme. Sûrement trois fois la valeur de son repas, mais il ne va pas s'amuser à compter – la situation l'agace suffisamment comme ça.

Et sans un mot de plus, il reprend une bouchée de pâtée, mâchonnant difficilement malgré l'excellent goût de la nourriture. Syrius a la désagréable sensation d'avoir une boule dans la gorge. Gérer ses émotions devient de plus en plus difficile, et ce n'est pas une chose à laquelle il est habitué. En vérité, la dernière fois qu'il s'est senti aussi mal … c'est en réalisant ses sentiments pour Leith. Que doit-il comprendre, là dedans ? Qu'il développe des sentiments pour Alexei … ? Non, c'est impossible. Les deux garçons ne se connaissent pas depuis si longtemps que ça, et le fils du Nord a un véritable caractère de Snubbull. Il s'adresse toujours à lui comme s'il était le dernier des crétins et ne semble pas vraiment l'apprécier. Seul l'appât du gain l'a motivé à l'accompagner jusqu'ici. Et ce soir, après le festival … ils repartiront chacun de leur côté. Comme il était convenu.

Un long soupir triste échappe à Syrius tandis qu'il trifouille sa salade du bout de sa fourchette. Décidément, rien ne va plus. Et quelque chose lui dit que les choses n'iront pas en s'arrangeant … !

Si Syrius était affamé en arrivant dans l'auberge, la seule vue de la nourriture ne lui fait désormais ni chaud ni froid. Pire, il a l'impression qu'une boule s'est formée dans sa gorge et l'empêche d'avaler quoi que ce soit. Pourtant, il se force à mâchonner ce qu'il porte à sa bouche, pour ne pas gâcher. Il a conscience que les ressources nourricières ne sont pas les mêmes ici, dans le Septrion, que dans l'Austrée – leur climat polaire ne leur permet pas de faire pousser quoi que ce soit, alors ils dépendent entièrement du Sud pour ce genre de denrées. Une situation qui ne plaît guère aux gens du Nord, mais contre laquelle ils ne peuvent absolument rien. Le garçon est donc bien décidé à terminer son plateau, par respect pour eux. C'est la moindre des choses … il ne va quand même pas expédié à la poubelle cette salade qu'ils ont du payer une bonne petite fortune ! D'après son grand-frère Ayman, porte-paroles du Sud, les prix ne sont pas si exorbitants mais … les gens d'ici sont rarement aussi riches que leurs voisins par delà les montagnes et cela, Syrius s'en est rendu compte par de nombreuses fois. Hors de question, donc, de leur manquer de respect de la sorte. Dusse-t-il se forcer jusqu'à la fin de son repas.

Certains disent que l'appétit vient en mangeant. Ainsi Syrius espère-t-il que le sien reviendra naturellement au cours de son repas. Il regrette simplement de ne pas réussir à en profiter à sa juste valeur – la cuisine est délicieuse, mais tout est biaisé par son moral dans les chaussettes. Un tel état n'est d'ailleurs pas habituel chez lui. Bien sûr, comme tout le monde, il a ses moments de haut et de bas mais … il arrive toujours à noyer le poisson, à refouler ce qu'il ressent et à paraître constamment de bonne humeur. C'est une résolution qu'il a prit lorsqu'il a quitté Leith, il y a quelques mois maintenant. A quoi bon broyer de sombres pensées ? Ca ne sert à rien, si ce n'est s'enfoncer encore plus. Alors il se force à rire ou à sourire en toute circonstance, comme pour se persuader lui-même que tout ira bien, qu'il n'a aucun souci à se faire. Parfois, ça fonctionne. Le cerveau est facile à tromper lorsque l'on sait y faire. D'autres fois, non – et alors, Syrius ne peut qu'attendre que cette mauvaise passe s'achève, en priant pour que ça ne traîne pas sur la longueur.

Mais là, il se sent incapable d'essayer. Comme s'il savait déjà que ça ne servirait à rien. Tout à ses pensées, il sursaute lorsque Elain s'adresse à lui. Un problème amoureux … ? Non, bien sûr que non. Oooh ça non. Syrius n'est pas amoureux. Il l'a été, sincèrement, il y a quelques mois. Mais tout est fini et désormais … il doute parvenir à ressentir quelque chose d'aussi fort à nouveau. Et de toute façon, à quoi bon ? Si Alexei a parfois quelques mimiques très subjectives, il serait prétentieux de croire qu'il puisse s'intéresser à lui seulement parce qu'il a un faible pour les hommes. Si le blond ne le lui a jamais avoué, Syrius s'en doute, beaucoup. Il a ces regards qui veulent tout dire. Ces réactions qui ne trahissent pas. Comme dit l’adage … nous n'apprenons pas aux vieux Férosinge à faire la grimace ! Le fils Al'Shams a connu, tout ça. Ce qu'il voit chez Alex, c'est exactement ce qu'il voyait chez lui, au début. Une curiosité mêlée à une terreur certaine. Une envie qu'on refuse de ressentir. Une vérité à laquelle on ne veut pas croire …

Jusqu'à ce que tout éclate.

Le garçon pique sa fourchette dans sa salade, en apportant une généreuse portion à sa bouche. La vinaigrette est délicieuse. Peut-être trop acide. Il sent quelques larmes lui monter aux yeux – il bat rapidement des cils pour faire passer cette sensation. Et pourtant, il en reprend une bouchée, puis encore une. La faim semble revenir petit à petit, et l'estomac de Syrius semble ravi. Le fils Al'Shams lève de nouveau les yeux vers son interlocutrice, se crevant la cervelle pour trouver une sujet de conversation. S'ils pouvaient parler d'autre chose que sa vie personnelle et amoureuse, ça l'arrangerait sincèrement. Mais si d'habitude papoter est aussi naturel chez lui que respirer, le garçon se retrouve bien bête, ne sachant pas vraiment quoi lui raconter. Ses yeux se baladent alors un instant à droite, puis à gauche, cherchant de l'inspiration tout autour d'eux. Puis ses yeux se posent sur les Pokéballs détenus par la jeune femme. Bon … ce n'est pas vraiment original, mais parler Pokémon fonctionne à tous les coups ! … en règle générale.

Finalement, l'adage dit peut-être vrai. Syrius a l'impression que son appétit revient au fur et à mesure de ses bouchées. Bientôt, il ne reste plus rien de la salade et le pâté de viande est réduit de moitié. Le garçon peut enfin apprécier les saveurs et se régaler comme il le doit. Il ralenti cependant l'allure : à cette vitesse, il va engloutir son plateau en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, et son estomac ne le remerciera pas pour la précipitation. Alors Syrius fait passer le tout avec un grand verre d'eau. Cette dernière a par ailleurs un drôle d'arrière-goût, qu'il a retrouvé partout où il a pu manger dans le Septrion. Dans ses souvenirs, l'eau de Solem est moins … goûteuse ? Si cela l'a bien perturbé au début, il a bien fini par s'y faire et c'est à peine s'il s'en rend compte. Mais ici, elle a plus de goût que nulle part ailleurs – et Syrius ne saurait dire s'il trouve cela agréable ou pas. En tout cas, boire lui a fait du bien, il a l'impression que ça lui a un peu remit les idées en place. Ce qui est vraiment salvateur, parce qu'il déteste se torturer les méninges. La plupart du temps, il finit avec un mal de tête carabiné et le garçon tient à être en forme pour le festival de ce soir.

Enfin, au plus grand bonheur de Syrius, Elain n'insiste par sur ces histoires d'amour. Ce n'est pas vraiment un sujet avec lequel le garçon est à l'aise, surtout concernant ses préférences amoureuses et sexuelles. Si les choses sont compliquées dans l'Austrée, c'est encore pire dans le Septrion ! Et le fils Al'Shams ne tient pas à devenir la cible que quelques homophobes sans foi ni loi. De ce qu'il a pu entendre et voir depuis son arrivée dans le Nord, certains n'hésitent pas à jouer des poings pour punir les « déviants » … ce que le garçon trouve profondément dégoûtant. L'orientation sexuelle n'est pas quelque chose que l'on décide. Elle se … ressent. Il pensait sincèrement apprécier les filles avant de rencontrer Leith et d'explorer les tréfonds de l'amour à ses côtés. Ce qu'il a vécu avec lui, ça a été plus fort que n'importe laquelle de ses autres relations. Et le garçon en a eu, des conquêtes. Plus que ne peut vraiment en compter, en vérité. La rançon de la célébrité, en quelque sorte. Cependant, il ne s'est jamais considéré comme malade. A moi qu'on ne parle de maladie d'amour … ?

Syrius écarte aussitôt ces pensées de son esprit. Inutile de revenir sur le sujet, il est clôt. Il préfère s'intéresser à la carrière de Elain, si tant est qu'elle soit dresseuse. Et d'après cette dernière, c'est le cas, même si elle n'a encore aucun badge en poche. Elle débute, tout comme lui. Dans ce cas, sa prochaine étape sera peut-être Edelsten, ville du premier badge dans le Septrion ? Ou compte-t-elle d'abord passer par les arènes de l'Austrée ? Syrius, de son côté, ne s'est pas posé la question pendant mille ans. Il tenait trop à visiter le Nord pour combattre les champions du Sud en premier – et surtout, il ne voulait pas passer si rapidement par son frère Shaïm. Autant qu'il soit son tout dernier combat … pour la postérité !

En théorie, Khensit devrait briller contre les Pokémon Fée du jeune champion d'Edelsten … contrairement à Lyla, qui serait fortement handicapé. Les Dragons ne sont pas les meilleurs adversaires dans cette arène et même si la Sonistrelle a beaucoup d'ambition quand elle s'y met, elle restera faible contre ses adversaires. Khensit va devoir devoir s'occuper du plus gros du travail … à moi que l'oeuf que Syrius a obtenu il y a quelques semaines éclot d'ici là ? Le garçon ignore bien ce qu'il renferme et, en vérité, ce n'est pas ce qui l'inquiète. Il n'a aucun préjugé concernant les Pokémon et est prêt à ajouter n'importe quel volontaire à son équipe. Sa quête de badges n'est pas ce qui l'intéresse le plus. Syrius ne fera pas tout un fromage d'une défaite et se moque bien d'arriver jusqu'au tournois. C'est le voyage en lui-même qui l'intéresse vraiment, ainsi que les rencontres qu'il fera sur sa route. Il ne croisera pas toujours des personnes sympathiques, il le sait mais … ça fait parti de l'expérience, et il l'accepte.

Forcément, que Martial doit avoir une stratégie pour contrer les Pokémon Dragon. En tant que spécialiste Fée, il connaît sans aucun doute les faiblesses de ses Pokémon et a sûrement plus d’un tour dans sa manche. Syrius y est préparé, il sait qu’il ne devra pas se reposer sur ses lauriers et considéré la victoire acquise tout ça parce qu’il possède un Pokémon de type Poison. Il serait par ailleurs fort étonnant que Khensit parvienne à gérer seule trois Pokémon d’affilés … surtout pendant un premier combat d’arène. Si elle a déjà combattu contre des Pokémon sauvages, il ne sont pas surentraînés comme les créatures des Champions. Ces Pokémon-là vivent de combats et d’affrontements quotidiens, ils sont donc parés à toute éventualité. Mais cela ne décourage pas Syrius pour autant. Au contraire, il a hâte d’en découdre et de voir de ses propres yeux les résultats de leur entraînement. Et son petit doigt lui dit que ce sera du grand spectacle !

Enfin, d’abord fut-il qu’il rejoigne Edelsten … sa prochaine étape, sans doute. La Championne de Belagora est la dernière a affronté, elle n’accepte pas de se mesurer aux challengers n’ayant pas déjà tous les badges du Septrion. Il reviendra donc à la capitale du Nord plus tard, Syrius n’est pas bien pressé de toute façon. S’il doit mettre plusieurs mois avant de parvenir jusqu’à elle, et bien qu’il en soit ainsi ! De toute façon, ce n’est pas là son objectif principal. Les encouragements de Elain lui arrachent malgré tout un petit sourire - bon, elle n’y va pas avec le dos de la petite cuillère mais … elle n’est pas si méchante. A croire que l’apparente hostilité est une véritable coutume dans le Septrion ! Alex n’est donc pas le seul à agir comme un vrai Snubbull mal léché …! Enfin, ce n’est pas Syrius qui va s’en vexer, loin de là.

Bref, toujours est-il que sa manière de voir les choses ne semblent pas vraiment étonner Elain. En général, les challengers ne misent que sur la victoire et ne veulent pas entendre parler de défaite. Le fils Al’Shalms, lui, estime que ça fait parti du jeu : nous ne pouvons pas gagner à tous les coups et comme le soulève Elain, c’est également un moyen de centrer ses faiblesses et revenir avec une stratégie plus poussée. Nous apprenons bien plus d’une défaite que d’une victoire - Shaïm le lui répétait souvent, tellement que ces mots sont désormais gravés dans la mémoire du jeune dresseur en herbe. C’est pourquoi la défaite ne lui fait pas peur. Il sait qu’il aura toujours l’occasion de réessayer et de s’améliorer : alors autant profiter de l’enseignement qu’il en tirera plutôt que pleurer sur sa fierté bafouée - Syrius n’a de toute façon aucun égo à contenter.

Syrius hoche doucement la tête - en effet, c’est une bonne technique. Arriver directement avec une équipe de cracks prêts à en découdre, c’est s’assurer une certaine tranquillité. Cela dit, ce n’est pas quelque chose que l’Austrien se verrait faire. Il adopte de nouveaux compagnons de route un peu au hasard, selon les rencontres qu’il fait sur son chemin. Lorsqu’il a attrapé Lyla à Thacie, ce n’était absolument pas prévu. Il avait vaincu puis soigné la petite Sonistrelle qui avait ensuite refusé que le quitter. Quant à son oeuf … c’est un cadeau que les bédouins l’ayant accompagné jusqu’aux Plaines Cristal lui ont fait, au moment de se quitter. Syrius ne sait même pas ce qu’il contient ! Il a d’ailleurs bien hâte de le voir éclore … Depuis quelque temps, il bouge de plus en plus fréquemment. Son éclosion ne devrait plus tarder.

Une demande quelque peu détournée pour que Elain lui montre ses petits compagnons. Syrius n’est généralement pas du genre à tourner autour du pot lorsqu’il veut quelque chose mais … il préfère y aller avec des pincettes, pour une fois. Son interlocutrice a l’air d’avoir un sacré caractère et il doute parvenir à l’amadouer facilement. Les femmes sont parfois plus virulentes que les hommes, et Syrius ne les a jamais considéré comme faiblardes ! Il a souvent eu l’occasion de constater le contraire et de toute façon, sa mère lui ait toujours apparu comme une femme forte qui ne se laisse jamais marcher sur les pieds, même vis-à-vis de son propre mari. Ainsi préfère-t-il tâter doucement le terrain avec la rouquine avant de mettre les deux pieds dans le plat … ça lui évitera des pépins, pour sûr.

D’ailleurs, il sent ses Pokéball remuer un peu à sa ceinture … Khensit et Lyla doivent avoir hâte de sortir. Malheureusement pour elles, elles vont devoir attendre qu’il quitte l’auberge - les Pokémon ne sont toujours pas autorisés à l’intérieur des bâtiments !

De toute évidence, Elain a déjà des idées plutôt précises quant à la composition de sa future équipe. Un Evoli est en effet un Pokémon très intéressant pour sa diversité d'évolution. Et Syrius doit bien avouer qu'il est très sensible au charme de ce petit Pokémon normal : nombre d'entre eux vivent en toute liberté dans les villes de l'Austrée et le garçon a eu l'occasion d'en croiser beaucoup. Parfois, il était tenté de faire de l'un d'eux un compagnon mais … le garçon n'aime pas vraiment forcer les choses. Il prend auprès de lui les Pokémon qui le désirent, qui veulent de leur propre chef devenir un membre de son équipe. Ca a été le cas avec Lyla, qui a refusé de le quitter après que Syrius l'ait soigné. Il ne comptait pas vraiment capturer de Pokémon ce jour-là mais … disons que le hasard fait bien les choses, et que le garçon aime ce genre de rencontre inopinée qui donne naissance à une véritable amitié. Au moins, il sait que ni Khensit ni Lyla ne sont avec lui contre son gré : ce qui lui met du baume au cœur, et l'assure d'une sincère complicité avec ses Pokémon.

En tout cas, si l'occasion se présente de faire copain-copain avec un Evoli un jour, Syrius en serait sincèrement ravi. Mais ça ne sera pas avant qu'il redescende dans l'Austrée, bien évidemment … d'après ce qu'il sait, les petits renards bruns ne vivent pas dans le Nord – sûrement le temps que leur conviennent-ils pas. Peut-être y a-t-il quelques Givrali par-ci, par-là cela dit. Mais rien de bien certain. En tout cas, Elain prend les choses avec sérieux et stratégique – aucun doute qu'il s'agit-là d'un challenger redoutable. Il ne serait pas étonné de la voir parmi les participants du tournois, en tout cas. Quelque chose lui dit qu'elle ira loin – contrairement à lui. D'ailleurs, le tournois ne l'intéresse pas le moins du monde. Du moins, en tant que combattant parce qu'en tant que photographe … disons qu'il aurait de quoi se mettre sous la dent ! Peut-être y retrouvera-t-il Alexei, d'ailleurs … ? C'est tout ce que l'Austrien lui souhaite, en tout cas.

Enfin, l'apparente gentillesse de Elain se fissure à l'instant même où elle lui propose de lui montrer ses Pokémon. Syrius a essayé de se montrer poli et courtois, et voilà comment elle le remercie ! S'il a envie de se plaindre verbalement, il se contente cependant de lever les yeux au ciel. A-t-il vraiment à se justifier ? Non – évidemment que non. Le garçon pourrait essayer d'arrondir les angles en lui disant que ce n'est habituellement pas son genre de tourner autour du pot mais, franchement, serait-ce utile ? Absolument pas. Alors il se contente de se lever à son tour, observant un instant les quelques pièces laissées par Elain – visiblement, l'argent n'est pas un problème pour elle. Fait rire pour une originaire du Septrion, où la pauvreté fait malheureusement rage. Enfin, tant mieux pour elle si, de son côté, les choses se passent bien. Elle doit faire parti de ces rares personnes aux fortunes suffisantes pour se permettre de laisser des pourboires dans une auberge.

Chargeant son gros sac à dos sur son épaule, Syrius suit Elain à l'extérieur après avoir adressé des salutations polies aux employées de l'auberge. Dehors, il est accueilli par la fraîcheur du Septrion qui lui picote les joues, mais à laquelle il s'est déjà bien habitué. Après avoir franchi la chaîne des mille sommets à pied … il a l'impression que le froid n'est plus si terrible ! Sous ses yeux ébahis, Elain libère trois Pokémon : un Dracaufeu, un Macronium et … et une créature que le garçon n'a encore jamais vu. Il a beau se creuser la cervelle, si ce Pokémon lui dit vaguement quelque chose, il ne parvient absolument pas à l'identifier. Est-ce une espèce inexistante à Salva ? Si Elain est originaire d'ici, ça lui semble bien étonnant. En tout cas, il est ravi de rencontrer une espèce nouvelle, cela lui arrive tellement peu souvent !

Sans attendre une minute de plus, il libère Khensit et Lyla de leurs Pokéball. Si la première s'enroule aussitôt autour de son cou, comme à son habitude, la deuxième observe plutôt les trois autres créatures avec une curiosité sans pareille. Elle ne pousse cependant pas l'audace jusqu'à s'approcher d'eux, préférant demeurer auprès de son dresseur. La Sonistrelle est encore un peu timide, mais elle s'améliore – Syrius ne peut que saluer ses efforts.

Les concernées lancent un regard curieux à la rouquine, mais ne s'approchent pas pour autant. Khensit préfère d'ailleurs siffler un peu, signe qu'elle se méfie. Fidèle à elle-même, la vipère violette n'accode pas sa confiance au premier venu. Quant à Lyla … elle semble un peu impressionnée par le Dracaufeu et préfère rester à une distance raisonnable. Par contre … l'Eoko semble bien plus à son goût, parce que la voilà qui rejoint la créature dans la neige, poussant des petits cris de joie. Parfois, Syrius oublie que la chauve-souris est encore jeune et, de ce fait, très joueuse. Malheureusement pour elle, ce n'est pas avec Khensit qu'elle peut vraiment s'amuser … ni avec les Pokémon d'Alexei avec qui elle a fait la route des Plaines Cristal jusqu'à Belagora. Ni Lyov ni Narcisse ne semblent vraiment intéressés par elle, au grand désarroi de la Sonistrelle, toujours encline à la récréation.

Un sourire ravi aux lèvres, Syrius s'adresse à Elain en désignant l'Eoko :

En observant Lyla jouer joyeusement dans la neige, Syrius ne peut retenir un petit sourire attendri. Même si les Dragons ne sont pas vraiment friands des basses températures, il fait suffisamment bon à Belagora pour que la Sonistrelle ne soit pas incommodée. Elle plonge ses petites pattes griffues dans la poudreuse de bon cœur, émettant des gazouillements que son Dresseur interprète comme des rires ravis. Cependant, il perd son sourire aux mots de Elain. Elle parle de Lyla comme d'un objet qu'il aurait acheté dans un magasin. Ce n'est pas la puissance de la dragonne qui compte … mais sa motivation. D'autant plus que c'est Lyla qui l'a choisi plus que Syrius : elle a préféré rester avec lui plutôt que reprendre sa liberté. D'ailleurs, jamais le garçon ne forcera qui que ce soit à le suivre dans ses aventures. Il tient à une relation respectueuse entre lui et ses Pokémon. Que les créatures deviennent puissantes ou pas … ce n'est pas ce qui l'importe. Loin de là, justement.

En tout cas, Syrius a de plus en plus l'impression que Elain et lui ne sont pas faits pour s'entendre. Ils ne partagent pas la même vision des choses, et ce sur de nombreux points. Khensit semble le remarquer parce qu'elle se met à siffler un peu – heureusement, les caresses de son Dresseur l'apaise aussitôt. Malheureusement, nous ne pouvons pas faire copain-copain avec tout le monde, la vie est faite ainsi. Certaines personnalités ne peuvent s'accorder et si Syrius en a bien conscience, c'est bien la première fois qu'on le met ainsi devant le fait accompli. Enfin … est-ce si grave ? Ils se sont rencontrés un peu au hasard, et pas forcément dans de bonnes conditions. Si en plus de ça, le reste ne colle pas un minimum … c'était perdu d'avance. Mais Syrius ne voit pas cela comme une défaite : nous ne pouvons pas plaire à tout le monde alors … tant pis !

Elain lui fournit finalement le nom du Pokémon mystère : Eoko. Maintenant qu'elle le dit, c'est vrai que ça lui rappelle vaguement quelque chose. Il a du le lire, quelque part. Mais en tout cas c'est sûr qu'il n'en avait jamais vu auparavant. Et le Pokémon est plutôt mignon : riquiqui comparé à Dracaufeu et Macronium, certes, mais ce n'est absolument pas la taille qui fait la puissance. C'est d'ailleurs étonnant, pour une Dresseuse qui a l'air si branchée stratégie et victoire, qu'Elain possède une petite créature pareille. A moins qu'elle ne cache un fort potentiel ? Bah, ce n'est pas ce qui importe, de toute façon. Et ce n'est pas Syrius qui ouvrira un dialogue à ce sujet, puisqu'il s'en fiche un peu. Il ne mise absolument pas de la puissance ou quoi que ce soit du même acabit … juste sur une complicité sincère.

Un peu prit au dépourvu, Syrius fait glisser son sac sur son épaule et fouille dans la poche principale, veillant à ne pas trop remuer l'oeuf qui y repose tranquillement. S'il perçoit quelques soubresauts, la coquille est encore parfaitement lisse. L'éclosion est pour bientôt, mais elle n'est pas immédiate pour autant. Réajustant les plaids autour de l'oeuf, Syrius brandit finalement son appareil photo, l'allumant dans la foulée. Le ciel commence petit à petit à s'obscurcir – bientôt, il fera trop sombre pour qu'il puisse prendre de bonnes photographies. Il pointe d'abord son objectif sur le Dracaufeu, enchaînant quelques clichés simples : il en a déjà vu auparavant, il est donc un petit peu moins charmé. Si le Macronium attire davantage son attention, c'est néanmoins sur l'Eoko qu'il se concentre le plus, voulant être certain de ne pas oublier l'aspect de la petite créature. Syrius n'a pas encore de Pokédex mais … son appareil est parfois tout autant efficace.

Sa besogne terminée, il fait défiler quelques clichés sur le petit écran de son appareil, s'assurant ne pas avoir de photographies floues ou mal cadrées. Dans l'ensemble, elles paraissent plutôt réussies. Ca n'a pas été une mince affaire d'apprendre à gérer la luminosité avec la neige immaculée, mais Syrius a fini par y arriver et il n'est pas peu fier ! Décidément, ce voyage l'aide sur tous les plans. Poli, il tend l'appareil en direction de Elain :

A peine sont-ils sorti que Elain veut déjà rentrée ? Syrius a un peu de mal à la suivre … certes, le jour tombe petit à petit mais … rien qui ne soit inconfortable pour visionner quelques photographies sur l’écran rétro-éclairé de son appareil. Bien qu’il l’ait payé une petite fortune, ce n’est pas non plus un modèle dernier cri avec une luminosité aveuglante. Syrius a préféré un appareil compacte et pratique, qu’il peut trimbaler un peu partout et ranger facilement. S’il rêve d’un modèle beaucoup plus professionnel, ce sera pour plus tard, s’il arrive à en faire son métier. Pas que Syrius n’ait pas les moyens de s’en payer un mais … il n’aurait pas vraiment l’occasion de s’en servir pour le moment. Alors il se contente du sien, qui lui convient parfaitement pour son usage actuel. Au moins, il lui permet de faire ses armes et il est toujours plus récent que le vieil appareil qu’il avait dégoté dans les anciennes affaires de Shaïm.


Enfin, le garçon est conciliant, alors il rappelle Khensit et Lyla dans leur Pokéball respective, imité par Elain. Le Dracaufeu, le Macronium et l’Eoko disparaissent de sa vue et la rouquine fait volte-face, remettant les pieds dans l’auberge. Quelques clients leur lancent des regards étonnés, se demandant bien la raison de leur retour, mais Syrius les ignore, tendant plutôt son appareil photo à Elain qui les observe sans mot dire. Un peu stressé, le garçon mordille sa lèvre inférieure, peu habitué à montrer ses clichés à qui que ce soit. Du moins, si directement. Seuls son grand-père, son frère et Leith avaient ce privilège - désormais, le garçon en est le seul spectateur, parce que Madhi est décédé, Shaïm est occupé par son arène et Leith exerce son métier à l’autre bout du monde …


Les mots que lui adressent Elain touchent Syrius en plein coeur. Il ne s’attendait pas à de chaleureuses félicitations mais quand même … quel manque de délicatesse. Ses contrastes, le garçon les travaille constamment et s’améliore de jour en jour. Et pourtant, à l’entendre, c’est à peine satisfaisant. Un coup dur pour le garçon qui aimerait se destiner à la photographie et s’exerce chaque jour pour toujours faire mieux. Les sourcils froncés, il reprend presque violemment son appareil des mains de Elain. Décidément, cette fille l’agace … ! Il fait des efforts depuis le début pour se montrer poli et avenant, mais la rouquine l’horripile. Syrius n’est pas d’un naturel méchant ou susceptible mais entre ses émotions en pagaille et les réflexions de la jeune femme … c’est trop.

Un reniflement impatient suit ces quelques mots. Syrius est autodidacte : chaque jour, il apprend seul et ne doit la richesse de ses photographies qu’à son travail et sa passion. Il veut bien entendre les critiques, qui l’aideront à avancer, mais … l’attitude de Elain ne lui plaît absolument pas. Et il a bien du mal à supporter sa compagnie, en vérité. Il ferait peut-être mieux de s’en aller … de toute façon, la nuit tombe et l’heure du festival des glaces approche. Bientôt, il retrouvera Alexeï et passera avec lui leur dernière soirée en duo … avant qu’ils ne continuent leur voyage chacun de son côté.


Un soupir las lui échappe à cette seule pensée. Les yeux bas, il reprend la parole :

Un soupir las échappe à Syrius lorsqu'il récupère son appareil, le serrant fort entre ses doigts gelés. Ce n'est pas dans ses habitudes de se mettre autant sur la défensive. En général, il apprécie les gens qui osent lui faire quelques critiques construites - s'améliorer est sa priorité et même si ce n'est pas toujours évident à entendre, ce sont malgré tout des conseils à prendre. Mais, là … ça a été trop compliqué pour lui. Il est à fleur de peau et ce n’est de toute évidence pas le moment pour lui chercher des poux sur la tête. Et puis … son caractère et celui d’Elain ne sont pas compatibles, visiblement. Ce sont des choses qui arrivent, Syrius en a bien conscience. Au moins, il aura essayé. De toute façon, il n’était pas dans les meilleures dispositions pour faire copain-copain avec qui que ce soit. Le caractère un peu dur d’Elain n’y a pas aidé. Mais l’un comme l’autre s’en remettra sans aucun souci, c’est une certitude.

Il s’apprête à tourner les talons pour sortie de l’auberge lorsque la rouquine lui adresse quelques mots. Syrius serre la mâchoire - il le sait très bien, tout ça. Autant qu’il sait pertinemment qu’il devra fournir des efforts considérables pour percer. Surtout avec un nom tel que le sien … même si, cela, Elain l’ignore. Et ce n’est pas Syrius qui va s’amuser à le crier sur tous les toits : ce qu’il apprécie, dans le Nord, c’est cet anonymat qui lui permet d’exister par lui-même. Si quelques personnes semblent l’avoir plus ou moins reconnu - sa ressemblance avec ses aînés étant des plus frappantes - ils se comptent sur les doigts d’une seule main. Ce qui lui change totalement du Sud où il est connu comme le Lougaroc Blanc. Les seuls aprioris que les gens peuvent avoir de lui concernent sa peau mat - ainsi il est mit dans le même panier que tous les Austriens … le rendant bien banal. A son plus grand plaisir.

Enfin … Syrius n’a pas envie de se justifier. Dans le futur, d’autres éléments viendront le perturber et il ne doit pas prendre ses états d’âme comme excuse. Cela dit … il est satisfait de son travail actuel et ne veut pas se mettre trop de pression. Les choses viendront, à leur rythme, et ses photographies seront de plus en plus belles et réussies, il en est certain. Parce que les mots durs d’Elain n’ont pas tronqué sa motivation, loin de là.

Sur ces mots, Elain disparaît dans la foule de l’auberge et Syrius se dirige vers l’extérieur. Une brise fraîche l’accueille, lui mettant quelques larmes dans les yeux. Il tâtonne aussitôt ses poches, à la recherche de ses gants qu’il enfile sans perdre plus de temps. Le ciel s’obscurcit petit à petit. Il semblerait qu’il y ait davantage de monde dans les rues. Le festival est sur le point de commencer ...