I want the whole world to celebrate austrée - solem
ft. James
The Draining Kiss. De nombreux éclats de voix se faisaient entendre autour d'Andrea. À l'approche de la célèbre boîte de nuit gay de Solem, les esprits se libéraient, les langues se déliaient. Il y avait déjà une longue file d'attente devant l'entrée… La nuit n'avait pas encore enveloppé la capitale austréenne de son voile sombre ; le ciel, pourtant, prenait des teintes pourpres, orangées, et quelques étoiles piquaient déjà cette tenture sanguine, comme de petits points de couture blanc dans un univers enflammé où les ténèbres reprenaient peu à peu leur ascendant sur la lumière du jour révolu. La devanture du bar était criarde. Son nom surplombait une façade décorée de lampions roses. En néon massif, l'écriture projetant des rayons multicolores sur le pavé jaune de la ruelle… C'était une typographie attendue ; un brin moderne, terriblement kitsch… Plus cliché, tu meurs, pensa le garçon. Mais c'était justement ce qui faisait tout l'attrait et la célébrité de cet établissement. Il n'y avait pas plus connu que le Draining Kiss dans la communauté LGBTQ de Solem… Et d'Austrée toute entière, d'ailleurs. Même à Woestan, cette boîte de nuit était une légende urbaine. Ceux de l'association qui avaient eu la chance de s'y rendre décrivait l'ambiance comme électrisante… Bien sûr, le reste, le déroulé de leur soirée, ils le gardaient pour eux… Il était bien rare de sortir de cet établissement seul. Venez seul, sortez accompagné. C'était un peu le crédo de ce bar… Une sorte d'adage qui se vérifiait presque à chaque fois.
Andrea, devant ce spectacle déchirant, qui lui firent monter les larmes aux yeux tant la lumière que produisait les néons était forte, inspira profondément. Était-il bien sûr de vouloir entrer là-dedans…? À vrai dire, il était déjà engagé dans la file… Il n'y avait plus vraiment de retour en arrière possible, d'autant que le vigile s'approchait inexorablement. Un peu nerveux, le woestanais passa une main dans ses cheveux, les démêlant doucement pour les faire retomber lisses, parfaitement coiffés sur son torse couvert d'un crop-top sombre, agrémenté d'un dessous en résille qui descendait jusqu'à ses poignets. Une main ferme se posa sur son épaule ; un rire clair se fit entendre. Il se tourna un peu brusquement et afficha un petit sourire mécanique :
▬ Hey, Andy ! Détends-toi ! Tu vas voir, ça va être cool. Autre chose que les petites boîtes de Woestan !
Le garçon qui venait de lui adresser la parole était un grand gaillard qui le dépassait d'au moins trois têtes. Ses cheveux bruns, en bataille, et ses tâches de rousseur s'amoncelant sur sa peau sombre lui donnaient un petit air de voyou. Il n'en était rien… Andrea avait fait sa connaissance quelques jours plus tôt, en rendant visite à l'association Rainbow de Solem. Une chaîne de lutte et de prévention qui existait dans toute l'Austrée… Après avoir été contraint de quitter son poste dans celle de Woestan, le scientifique avait décidé de tenter sa chance en intégrant celle de la capitale. Plus grande, plus fréquentée, plus de responsabilités… Mais ces gens-là avaient toujours besoin de bénévoles supplémentaires. Les volontaires ne couraient pas les rues… Il n'avait pas hésité longtemps avant de le recruter. Alors, maintenant qu'il faisait partie du groupe d'activiste, tout le monde ou presque semblait vouloir l'intégrer à leurs soirées entre amis… Ils étaient un grand groupe de dix, en tout. Bien sûr, Andrea n'avait pas encore retenu tout le monde… Il avait une mémoire des noms terribles, et s'il savait reconnaître chacun de ses collègues sans commettre la moindre erreur, remettre un prénom sur leurs têtes ne serait sans doute pas aisé. Pour l'instant, à vrai dire, il n'avait retenu que trois personnes ; celles qui lui parlaient le plus. Les membres de cette Rainbow n'étaient pas sauvages, bien au contraire… Et ce trio là était remarquable pour son aisance en matière de vie sociale. À vrai dire, Andrea s'était même senti un peu gêné, au début. Il n'était pas habitué à ce que des inconnus lui parlent comme s'ils étaient déjà amis depuis plus de dix ans… Deux filles, un garçon. Le grand gaillard, avec ses tâches et son nez retroussé. Ali. Vingt-cinq ans, livreur à domicile. Un type particulièrement bout-en-train qui ne perdait jamais une occasion de faire rire la galerie. Andrea et lui s'étaient tout de suite bien entendus. Il y avait bien évidemment une attirance physique réciproque… Le garçon se souvenait encore du regard lourd de sens que le jeune homme avait posé sur lui lorsqu'il l'avait vu pour la toute première fois… Hrm. Oui, c'était assez explicite. Andrea n'avait pas été vraiment gêné par cette proximité hâtive… Et même présentement, alors qu'Ali se tenait presque tout contre lui, il se laissait faire sans ressentir le moindre embarras… Disons qu'il était plutôt habitué à ce genre de comportement… Cela passerait sans doute dans les prochains jours, peut-être après le premier râteau. C'était souvent ce qui dissuadait la plupart de ces types de continuer leur manège… Andrea eut un petit soupir mental et tourna le dos à son accompagnateur en acquiesçant légèrement. Il était quand même beau garçon… Il devrait sans doute réfléchir à l'issu de cette aventure avant de nourrir de fâcheux regrets… Friendzone ou sexfriend…? Tout le dilemme était là. Les joues du scientifique se mirent à brûler légèrement : était-ce vraiment une bonne idée de passer pour un garçon facile dès les premières semaines à bosser pour cette association…? Il en doutait sincèrement. Aussi se fit-il la promesse de ne rien accepter entre Ali et lui. Les deux filles, quant à elles, s'étaient plus intéressées à ses cheveux qu'à son derrière. Son maquillage tape-à-l'œil les avait aussi attirées. À ce souvenir, Andrea eut un petit sourire pudique. Nermine et… Neyla. Oui, c'était bien cela. Deux lesbiennes hautes en couleur, mais terriblement attachantes et généreuses. Elles lui avaient fait visiter Solem sans rechigner et avaient même acheté quelques friandises à Asra. La Psystigri, absolument ravie, s'était laissée amadouer au plus grand étonnement d'Andrea… Elle était habituellement très sauvage. Que des inconnus puissent l'approcher l'avait beaucoup surpris. Bref. Ces trois-là étaient de la soirée. Les filles étaient déjà entrées à l'intérieur ; Ali se collait à lui, le reste de la bande, un peu plus distant, était encore derrière.
Tant qu'il était encore en vacances, Andrea avait décidé de ne pas rater une seule de ces sorties de groupe. C'était en quelques sortes sa façon à lui de s'intégrer… Pourtant, il n'aimait pas trop ça. Être au milieu de tout ce monde, se perdre dans cette foule, ce n'était clairement pas pour lui… Et d'ailleurs, dans les paroles d'Ali, il trouvait une confirmation qui ne lui plaisait guère : le Draining Kiss était immense. Il allait devoir prendre sur lui pour tenir et supporter cette terrible soirée qui s'annonçait… Mais quoi de mieux pour ne pas passer pour le coincé de service…? C'était nécessaire. Il ne voulait pas retomber dans cette image insultante qui lui avait si longtemps collée à la peau… D'ailleurs, il n'avait toujours pas avoué à ses "nouveaux amis" à quoi seraient occupées ses journées l'année scolaire qui venait… Il redoutait sans doute leur réaction. Le jugeraient-ils…? L'admireraient-ils…? L'envisageraient-ils comme une sorte de privilégié…?
Andrea n'eut pas le temps de réfléchir à la question. Le videur était devant lui, bien plus grand, bien plus imposant. Il ne croisa pas son regard, très embarassé, sa timidité parfois maladie prenant le dessus. L'homme le fouilla rapidement, effleurant ses hanches dissimulées par un pantalon baggy et criblé de larges trous qui terminait par deux grosses boots couleur sable. L'ensemble qu'il portait pouvait sembler assez particulier… Mais Andrea avait pourtant décidé de s'habiller assez simplement pour ne pas choquer ses camarades. Il s'aventurerait progressivement sur la voie de l'extravagance.
Après avoir obtenu le feu vert du videur, il s'engagea sans attendre plus longtemps à l'intérieur du bâtiment, fuyant par la même occasion la proximité un peu embarrassante de son accompagnateur. La musique, forte, battante, vibra à l'intérieur de son corps, enivrante. Il descendit un long escalier et débouche dans une première salle, vaste, dont il ne voyait pas la fin… Plongée dans une pénombre épaisse, elle brillait de mille feu grâce aux projecteurs et néons qui criblaient la pièce de rayons lumineux colorés… Un peu intimidé par le monde qui se trémoussait sur les différentes pistes de danse, s'accumulait aux bars, dansait autour des scènes de poll-dance, Andrea expira doucement pour calmer les battements de son cœur et ainsi réprimer l'angoisse qui revenait au pas de course. Non. Ce soir, il allait profiter. Il s'en était fait la promesse… Ce n'était certainement pas le moment de flancher !
Allant de l'avant, il tenta d'ignorer les regards admiratifs qui se posaient sur lui. L'étrange sensation d'être une proie facile accéléra le rythme de ses pulsations cardiaques… Pourtant, il ne trouvait pas cette sensation complètement désagréable. Elle avait quelque chose de plutôt excitant. La main ferme d'Ali se referma sur son avant-bras. Andrea leva ses prunelles sombres sur le grand garçon, et celui-ci força sur sa voix pour se faire entendre :
▬ Tu viens ? On va aller danser avec tout le monde ! J'ai hâte de voir comment tu bouges !
Un petit clin d'œil significatif suivit cette déclaration. Les pomettes d'Andrea brulèrent désagréablement. Il retint à peine une petite grimace, la modulant pour en faire un sourire poli. Sa tessiture vocale, plus aigue, avait moins de chance de percer le brouhaha ambiant. Aussi se mit-il à crier pour tenter de se faire comprendre :
▬ Euh…! A-Attends ! Je vais aller voir comment c'est fait, avant ! Et puis boire un coup, aussi !
Faisant semblant d'avoir entendu l'assentiment de son partenaire, Andrea s'éclipsa rapidement, disparaissant dans la foule qui s'amassait devant eux… Il n'avait pas du tout envie de danser… À vrai dire, c'était quelque chose qui le mettait terriblement mal-à-l'aise. Il était raide comme un bâton de tambour, et ce n'était certainement pas à vingt-et-un ans que cela allait changer… Aussi prit-il le parti de fuir l'adversité, feignant le malentendu, et se trouva-t-il à l'autre bout de la grande salle une place à un petit bar déjà peuplé d'hommes et de femmes alcoolisés… Il commanda en s'égosillant un cocktail qu'il savait peu chargé en alcool, n'appréciant pas les goûts trop prononcés… Bien. Maintenant, il lui suffisait de se détendre… Et lorsqu'il en aurait envie, il partirait à la recherche des deux filles… Ou se laisserait tenter par les œillades appuyées qu'on lui jetait à la dérobée…
Solem a toujours été, aux yeux de Jamie, un immense terrain de jeu. Sa population hétéroclite, ses petites rues étroites aux pavés ocres et jaunes, les représentations sur soleil sur toutes les façades, son célèbre marché aux épices, ses belles maisons bourgeoises sur les hauteurs … Si la capitale de l’Austrée est une véritable fourmilière pour certain, elle tient plutôt du parc d’attractions pour un type comme James. Dans cette ville qui ne dort jamais, mille occasions se présentent à chaque coin de rue, et n’importe qui à la possibilité d’y passer totalement inaperçu. D’ailleurs, pickpockets et vendeurs à la sauvette sont monnaies courantes dans le coin, tant il est facile d’user de la crédulité des simples passants. Les mains se glissent si facilement dans les poches et dans les sacs que même un voleur risque, à son tour, de se faire voler ! Il n’y a de répit pour personne, et surtout pour les forces de l’ordre qui peinent souvent à maintenir le calme et la sécurité au sein de Solem. Mais dans une ville pareille, si immense, si peuplée, ce n’est pas une mince affaire. Et c’est bien ce qui arrange les affaire de Jamie ! A Solem, ses petites affaires tournent sans problème – elles sont mêmes florissantes. Faire passer des paquets de drogue aux junkies est d’une facilité enfantine, par ici. Limite, ce serait ennuyant : aucun challenge à l’horizon, ce qui a le don de bien ennuyer le Thacien.
Un long soupir lui échappe alors qu’il enfouit dans sa poche une belle liasse. Encore une transaction couronnée de succès, pour ne rien changer. Bien sûr, tous les bénéfices ne sont pas que pour lui. Il devra partager avec ses fournisseurs, même s’il en gardera un bon pourcentage. Cela fait parti de son « contrat » en quelque sorte – oui, contrat entre guillemet parce qu’il n’en a pas vraiment. Néanmoins, c’est ainsi que fonctionnent les choses au sein des Queen Lapras et ça convient parfaitement à Jamie. Son pourcentage lui suffit largement pour mener une vie bien tranquille, presque luxueuse même. Ce n’est pas tout le monde qui peut se vanter d’avoir acheter son appartement à Euranie cash, sans avoir besoin de quémander quoi que ce soit à la banque. D’ailleurs, cette dernière se poserait des questions si Jamie ne s’arrangeait pas pour percevoir un versement d’une somme bien définie chaque mois. Simuler un travail et une paie lui permet de ne pas avoir trop de souci au niveau de la justice, et de faire passer ses achats pour quelque chose de parfaitement normal … alors que monsieur vend des produits illicites à travers l’Austrée tout entière. Ah, s’ils savaient … ! Les gens sont définitivement trop crédules. Ses propres parents en premier.
Afin de fêter sa transaction, Jamie tire une cigarette de sa poche et l’allume à l’aide de son vieux briquet à l’armature rouillée. S’il ne fume pas souvent, il apprécie une bonne clope de temps en temps – surtout à Solem, réputée pour son tabac épicé très fort en goût. Une volute de fumée s’envole dans la petite ruelle qu’il n’a pas encore quitté, même après le départ de son client du jour. Maintenant que son travail est terminé, il est libre comme l’air. Deux choix s’offrent à lui : prendre un taxi volant à destination d’Euranie ou bien profiter un peu de la capitale austréenne. Distraitement, il observe sa cigarette qui se consume entre ses doigts. Hmm, le temps de rentrer jusqu’à Thacie, il sera beaucoup trop tard pour s’engager dans quoi que ce soit. Il sera bon pour aller se coucher direct, sans la promesse d’une petite distraction avant. Ce qui serait vraiment trop dommage ! James a le goût de faire de nouvelles rencontres, ce soir. Pourquoi pas traîner dans quelques bars du centre-ville et accoster les personnes à son goût ? Ca ne marche pas toujours, mais il a parfois droit à de bonnes surprises. D’autant que certaines solemiennes ne sont pas vraiment farouches, à une certaine heure de la nuit. L’occasion de passer du bon temps avec une belle fleur du Sud …
Sa décision prise, James jette son mégot au sol et l’écrase sous le talon de sa bottine. Bientôt, le soleil va se coucher sur la capitale austréenne – il lui faut donc trouver sa destination pour la soirée. Tout en quittant la ruelle, il passe en revue les différents endroits prompt à l’occuper pendant une nuit. Il pense d’abord à certains bars qu’il a déjà fréquenté par le passé, mais oublie vite l’idée. Il a envie de quelque chose de nouveau, d’un peu plus amusant. Les mains dans les poches, il laisse son regard dévier de tous les côtés, épiant parfois quelques conversations en espérant que l’une d’entre elles pourrait l’inspirer. C’est ainsi qu’il entend parler de la boîte de nuit The Draining Kiss. Mmh, étrangement, ce nom ne lui ait absolument pas familier. Et pourtant, James peut se vanter de très bien connaître la capitale. Voilà de quoi attiser sa curiosité et son intérêt ! Reste à savoir où se trouve cette fameuse boîte de nuit, et qu’est-ce qui la rend si célèbre. Discrètement, il se rapproche davantage du petit groupe d’adolescents braillards ayant évoqué le nom de la boîte, dans l’espoir qu’ils puissent lâcher encore quelques informations la concernant. Néanmoins, ils préfèrent débattre du prix des consommations plutôt que le gâter de quelques détails ! C’est bien sa veine tiens. Il va donc falloir qu’il découvre tout ça par lui-même.
Trouver The Draining Kiss s’est révélé plus facile que prévu. En réalité, il a suffit à Jamie de suivre un petit groupe de jeunes pour arriver aux abords de la boîte. Son enseigne lumineuse, constituée de néons roses, diffuse sur les pavés un kaléidoscope presque aveuglant. James pousse un petit sifflement en comprenant le pourquoi du comment. Une boîte gay, évidemment. Il aurait du s’en douter au nom, en fait. Mais il a préféré ne pas se fier aux clichés et vérifier le tout de ses propres yeux. Conclusion ? Il n’est pas déçu, au contraire. Cette boîte promet de lui réserver de bonnes surprises, et James n’est jamais contre un peu de nouveauté. Alors confiant, souriant, il s’engage dans la file et attend patiemment le moment où il pourra entrer. En général, un type seul est facilement refoulé mais étant donné sa trombine, il ne risque pas de subir un tel traitement. Avec sa gueule d’ange, James est souvent prit – à tord – pour un bon samaritain n’ayant même pas conscience de ce qu’il fait. Pourtant, c’est avec un objectif bien précis en tête que le Thacien rentre finalement dans la boîte, accueilli par les fortes pulsations des hauts-parleurs. Ils ne lésinent pas sur le volume, ici ! C’est à peine s’il peut s’entendre penser.
Ses pupilles grises balaient rapidement les lieux du regard. La boîte possède différentes pistes de danse, ainsi que différents bars. Dans le fond, quelques fauteuils rouges matelassés sont de véritables appels à la luxure – mais le but n’est sûrement pas d’y faire quelques bêtises. Ils accueillent plutôt quelques danseurs déjà complètement éreintés, une boisson fraîche à la main. Dans l’ensemble, la boîte semble plutôt réglo et sympathique. Il comprend mieux pourquoi ces gamins en parlaient avec autant d’intérêt. Un petit sourire aux lèvres, il déambule entre les danseurs et quelques groupes bien soudés, échangeant quelques œillades avec de beaux minois. Il y a vraiment de belles pousses par ici, peut-être reviendra-t-il à l’occasion. Son regard passe d’un visage à l’autre, s’arrête parfois sur des joues cramoisies ou des sourires flattés, avant de repartir en exploration. Ses pas le mènent ainsi jusqu’à un bar un peu en retrait, où quelqu’un est déjà assit. Jamie ne voit que son dos, droit, camouflé par un crop top et de la résille – ainsi qu’une magnifique chevelure brune, décorée de perles et de plumes. Du premier coup d’oeil, difficile de dire s’il s’agit d’un homme ou d’une femme, mais ça lui est bien égal. Un sourire charmeur aux lèvres, Jamie se hisse sur le tabouret à sa gauche, cherchant à établir un contact visuel avec son voisin ou sa voisine.
Hmm. Disons son voisin.
Bonsoir~ Je me permets, ça ne te gêne pas ? Jamie désigne son assise, et donc sa volonté de demeurer ainsi assit à ses côtés. C’est la première fois que je viens ici. C’est bondé ! Je ne m’y attendais pas vraiment. A vrai dire, je ne m’attendais pas à grand-chose et tant mieux ! Je suis du genre à aimer les bonnes surprises.
Tout sourire, James adresse un signe de main au barman qui repose les verres qu'il essuyait pour le rejoindre, prêt à prendre sa commande. Il n'est d'ailleurs pas très souriant celui-là ... il faudrait le mettre à l'envers pour obtenir un rictus aimable !
Je vais vous prendre une Piña Colada. Son regard coule en direction de son voisin. Je t'offre un verre, joli coeur ?~
I want the whole world to celebrate austrée - solem
ft. James
Le tapotement de ses ongles sur le bar se fondait dans la musique assourdissante de la boîte de nuit. Petit bruit sec, ténu, qui exprimait une grande impatience. Andrea poussa un long soupir en s'appuyant sur le petit dossier que présentait son assise. Sans doute le barman n'avait-il pas compris sa demande… Après tout, avec sa petite voix, il n'était étonnant que sa commande se soit perdue dans la cacophonie environnante. En attendant, il pouvait bien songer tant qu'il voulait au pourquoi du comment, sa boisson n'arrivait pas et n'était certainement pas prête de s'offrir à lui. Doucement, le garçon se laissa aller contre le bar et plongea sa tête dans ses bras. Elle commençait bien, cette soirée ! Pour sûr ! Entre son cher camarade qui n'avait qu'une seule idée en tête : l'amener dans son lit au terme de cette nuit, et ce petit malentendu avec le serveur, décidément, rien ne se passait comme prévu. Enfin, Andrea était habitué. De toute façon, toutes les soirées qu'ils avaient pu faire ne l'avaient jamais vraiment charmé. Il n'y avait qu'avec Faten que les choses se déroulaient toujours comme prévu… Mais elle n'était plus là, malheureusement, et l'étudiant en astrophysique savait parfaitement qu'il devrait désormais se passer de sa présence rassurante. L'angoisse, toujours latente, vint progressivement oppresser sa poitrine. Le woestanais se mit aussitôt à respirer plus profondément pour briser ces chaînes et se libérer de sa terrible emprise. Cela faisait à peine une petite semaine qu'il avait emménagé à Solem et il paniquait déjà… Quelle idiot il faisait ! Et puis, comme ses parents avaient bien su lui dire, c'était une chance pour lui de pouvoir intégrer ce prestigieux cursus. Il devait en être reconnaissant. Se plaindre, se lamenter, n'était pas digne d'un jeune talent de vingt-et-un. À ce rythme, il ne tiendrait pas deux mois. Ce n'était pas le moment de briser son avenir pour une question de solitude ou d'amis… Les amis, comme clamait souvent son père, à son âge, on s'en faisait plein… Pas moi, pensa-t-il. Pas lui, c'était vrai. À croire que les excellents résultats, que cette "tête" comme disaient certains, faisaient fuir les autres. Or, ce n'était pas une légende. C'était bel et bien le cas : Andrea avait toujours été considéré comme ce petit intellectuel inatteignable qui toisait tout le monde du haut de son piédestal. Privilégié, sans doute. Il n'avait que le travail dans sa vie. De fausses suppositions, bien sûr, mais qui avaient l'art de se répandre dans les esprits embrumés et parfois même de convaincre les plus clairvoyants. Plusieurs fois, il avait posé les même questions à Faten, à défaut de pouvoir le faire avec ses parents : tu me trouves orgueilleux…? C'est vrai que je ne suis pas intéressant ? Chaque fois sa meilleure amie avait un petit rictus de dégoût et lui prouvait pas A plus B que ce n'était pas le cas… Mais qui le rassurerait, désormais…? Ce n'était certainement pas Ali et ses hormones à la place du cerveau. Les filles, peut-être, seraient plus à même de devenir de bonnes amies…? Ça, Andrea n'en savait rien. Sans doute lui faudrait-il attendre un peu avant de pouvoir tirer ces conclusions qui pour l'instant étaient trop hâtives.
En attendant, il était au bar du Draining Kiss, seul, et il angoissait déjà. Inconsciemment, son esprit se lançait dans la rétrospective de son parcours et établissait de nombreuses hypothèses quant à son futur proche. En général, Andrea n'était pas très optimiste avec sa personne ; il n'était pas rare de le voir imaginer des scénario complètement catastrophiques et abracadabrants… Evidemment, rien de tout cela n'avait finalement lieu. Au contraire : il s'était toujours tiré de tout ce qu'il avait entrepris dans ses études avec une médaille en or autour du cou. Brillant, indétrônable… Mais hanté par l'anxiété qui ne le laissait jamais tout à fait tranquille.
Si le barman avait pris le temps de lui faire répéter, Andrea aurait sans doute pu noyer ses craintes dans sa commande. Malheureusement ce n'était pas le cas. Alors, les mains vides, il ruminait… N'importe quelle autre personne si honteusement ignorée aurait sans doute rappelé le serveur, mais lui, dans sa timidité maladive, sa constante peur de gêner, préférait se taire et rester prostré sur son tabouret. Au bout de quelques minutes de silence radio dans le vrombissement constant de la boîte de nuit, il se redresse et passa une main leste dans ses longs cheveux bruns. Ces derniers avaient bien poussé ; ils arrivaient désormais au bas de son dos et léchaient sa peau à travers le haut résille qu'il avait revêtu sous son crop-top en jean délavé. L'avant-veille, il s'était adonné à changer les perles et autres fioritures qui coloraient cette chevelure de véritable princesse. Un petit rituel qui lui prenait souvent des heures mais dont il ressortait toujours apaisé et ravi. Prendre du temps pour soi, se faire plaisir, c'était souvent la clé de ses moments de détente… Même s'il ne le faisait pas souvent. Avant de partir pour cette soirée qui prenait l'eau, il n'avait bien évidemment pas oublié de noircir ses yeux d'un grand trait d'eye-liner qui soulignait leur forme d'amante. Un voile brun recouvrait aussi ses paupières… De loin, sans doute, pouvait-on le confondre avec une femme ; mais cela lui importait peu. Il suffisait de s'approcher pour se rendre compte de son erreur ; bien que son visage fut androgyne, il était tout de même aisé, malgré le maquillage, se diviner qu'il était un homme.
Dans son ennui, Andrea s'adonna finalement à l'observation des fêtards qui l'entouraient. À côté de lui, le tabouret était vide. Mais plus loin, c'était un autre homme qui se tenait avachi sur le bar. Il avait l'air plus vieux que lui, le crane rasé, la peau mate. Quelques verres vides s'accumulaient devant lui ; il semblait déjà plongé dans les rêveries fiévreuses de l'alcool. À sa droite se tenait directement une femme qui discutait avec un ami. Tout deux avait un look particulièrement voyant, avec quelques touches fluorescentes qui faisaient certainement leur effet dans cet environnement sombre. Lorsqu'elle se mettait à rire, c'était comme le piaillement d'un étourmi. Terriblement grinçant. Soupirant à nouveau, Andrea massa doucement ses tempes. Quelle attitude devait-il adopter ? Partir à la recherche d'Ali ? Céder à ses avances…? Déjà…? Était-ce vraiment raisonnable…? Tout en lui lui criait de le faire pour mettre fin à cette ennui mortel, mais il y avait toujours cette petite voix qui le rappelait à un semblant de lucidité. Ce n'était pas une bonne idée. Ce type… Ce type le désirait déjà comme un Cerfrousse en ruth, et il n'avait aucune envie d'atterrir dans son lit ce soir. Du moins, pas avec lui… Au fond, l'idée d'une nuit dans les bras de quelqu'un ne le rebutait pas. Mais il lui fallait juste trouver le bon partenaire. Après tout, s'il en crevait d'envie, il aurait déjà pu trouver vingt fois… Les hommes qu'il avait croisés l'avaient à chaque fois dévoré du regard. Il lui aurait suffi de rentrer dans leur jeu, et le tour était joué. Il savait pourtant qu'il était dangereux de procéder aussi simplement. Il préférait prendre le temps de discuter avec son très prochain partenaire. Prendre la température pour limiter la classe : on ne rigolait jamais, avec ça.
Comme si on avait lu dans ses pensées, au moment où il se décida à se lever et faire un petit tour de piste, il sentit quelqu'un se glisser à ses côtés. Dans un premier temps, il n'y fit pas vraiment attention. Seul un flot de cheveux rouges s'était un instant fixé sur sa rétine, vision fugace d'un futur proche. Puis, lorsqu'une voix suave se leva pour venir délicatement flatter ses oreilles, Andrea retint à peine un petit soupir blasé : génial. Encore un mec lourd qui venait l'aborder. Au moins celui-ci avait décidé de lui parler ; cela le différenciait de tous les Grotichons qui s'étaient contenté de le scruter dans le blanc des yeux. Le jeune homme, comme à son habitude, adopta une attitude indifférente, ne lui offrant pas même un regard. Sa question rhétorique était purement et simplement une accroche moyenne, un peu pitoyable, qui n'attendait aucune réponse. Il laissa aller sa tête contre sa main et l'écouta d'une oreille, un rictus ennuyé tordant finalement ses traits : c'était lui ou il lui racontait sa vie…? Comme il s'en moquait ! Une petite voix pernicieuse cria "Next" dans son esprit, et il eut tous le mal du monde à retenir un petit sourire amusé… D'autant qu'il était sans doute allé trop vite en besogne : son prétendant passait enfin aux choses sérieuses. Si le surnom écorcha un tant soit peu ses oreilles, la proposition d'une boisson l'intéressa grandement : il fallait savoir profiter de ce qu'on lui offrait. Même si la raison était assez douteuse. Aussi glissa-t-il un petit regard timide sur son voisin et, veillant bien à se faire entendre, il lui répondit d'une voix blanche :
– C'est gentil, merci. Je vais prendre comme toi.
Réponse banale à amorce banale. Avait-il besoin d'en faire plus ? Son cœur s'était mis à tambouriner désagréablement dans sa poitrine. Il prit une grande inspiration pour se calmer. Au moins, cette fois, il pourrait boire quelque chose. L'homme à ses côtés avait une voix pleine, grave qui saurait se faire entendre du barman. D'ailleurs, celui-ci, lorsqu'il passa commande, acquiesça pour montrer qu'il avait compris et s'éloigna en coup de vent pour s'occuper des autres clients. Nerveux de s'être engagé dans une telle affaire, l'étudiant finit par entortiller une mèche de cheveux bruns autour de son index ; il observa rapidement son bienfaiteur d'un coup d'œil pudique avant de baisser les yeux sur le bar. Un physique assez particulier. Cheveux d'une couleur criarde, longs, très raides. Une peau claire qui détonnait dans cet environnement sombre et surtout au cœur de cette ville austréenne… Son regard était perçant, d'un acier froid, tranchant. Une chose était sûre, il faisait de l'effet. Il attendait sans doute qu'Andrea dise quelque chose, mais ce dernier, peu habitué à ce genre de procédé – généralement, il préférait aborder lui-même les hommes qui lui plaisaient – se sentait complètement perdu. Que pouvait-il bien lui dire maintenant qu'il avait accepté son offre…? Plus le droit d'ignorer. Il avait peut-être fait une erreur.
Déjà, pensa-t-il, tu devrais lui faire face. Ce serait un bon début. Doucement, il pivota sur son tabouret et plongea son regard dans le sien quelques instants, son cœur finissant de s'emballer dans sa poitrine. L'appréhension, le malaise social. Il était terrible, avec ça… Et soutenir ce regard froid n'était pas chose facile. Avant qu'il ne soit trop tard, que trop de secondes se soit écoulées pour pouvoir lancer cette conversation simple qui se limitait en une petite anecdote amusante, Andrea décida de saisir son courage à deux mains pour prendre la parole :
– L-Le barman tout à l'heure ne m'a pas entendu. J'osais pas repasser commande. Merci. Peut-être trop poli…? Ah, sans doute devait-il être ridicule… Il tortilla ses doigts dans tous les sens, évacuant ainsi inconsciemment son angoisse. Désolé, fit-il enfin. Si tu es venu pour prendre la température et parler un peu, je ne suis peut-être pas le mieux placé pour ça… M-Mais bon. Hrm… Tu ne connais pas le coin…? Cette boîte est pourtant assez connue.
L’ambiance dans le Draining Kiss est électrique. Les haut-parleurs de la boîte de nuit vomissent un tout nouveau son en provenance d’Unys, résonnant dans les tympans de Jamie comme si la musique était jouée à l’intérieur même de son crâne. Si le pirate tente de comprendre le sens des paroles, il abandonne bien vite – ce genre de morceau est destiné seulement à faire danser les gens. Pas besoin de trouver des paroles intelligentes ou profondes – même pas besoin de s’embarrasser de rimes ou de beau vocabulaire. Le chanteur se contente de cracher des phrases clichées, des citations ringardes et quelques éloges à l’amour. La recette parfaite du son de l’été, qui passe dans toutes les radios et restent en tête pendant une période donnée. Puis la chanson disparaît des mémoires, bientôt remplacée par une sœur jumelle tout autant bruyante et vide de message. Une boucle infernale, qui fonctionne à merveille. Et dans ce genre d’endroit, il n’y a pas mieux que ces morceaux-là pour encourager les fêtards à se déhancher sur la piste de danse. Ce n’est pas un chant patriotique ou une ballade romantique qui va pousser les gens à descendre de leur tabouret pour se trémousser. Sûrement y aura-t-il un slow, histoire de donner un petit côté romantique à la soirée mais … ce sera surtout une excuse bien trouvée pour se galocher en toute impunité.
Malgré cette cacophonie ambiante, le jeune homme installé sur le fauteuil voisin à celui de James l’entend sans souci. S’il feint l’indifférence dans un premier temps, il en faut plus pour que le rouquin rende les armes. Il apprécie d’ailleurs beaucoup ce comportement : ça lui change de ces frustrés désespérés qui se jettent à son cou avant même qu’il n’ait le temps de dire un mot. Ce garçon semble plus calme, plus posé. Il garde une distance entre eux, et se donne même des petits airs inatteignables. Rien qui ne dérange Jamie … bien au contraire. Il apprécie déjà beaucoup ce petit caractère, et espère que son voisin de tabouret lui fera l’honneur de quelques démonstrations au fil de la conversation. Enfin … si tant est qu’il accepte de lui accorder ne serait-ce qu’un regard. De son côté, James sourit. Il n’a pas encore abattu toutes ses cartes. Loin de là, même. Et quand bien même l’austréen ne répond pas à ses avances … tant pis ! Jamie ne fait pas parti de ces lourds qui vous dévisagent des heures entières, dans l’espoir d’obtenir gain de cause. S’il n’intéresse pas, tant pis ! C’est le jeu. Dans le pire des cas, il ira voir ailleurs. Même si, il faut bien l’avouer, il doute trouver pareille beauté deux fois. Un miracle se répète rarement. Ou lieu de quoi, ça ne tiendrait plus du miracle mais de la normalité.
Mais il est bien trop tôt pour penser à un plan B. De toute évidence, la perspective d’une boisson offerte pique l’intérêt de l’austréen, parce que le voilà qui lui glisse un petit regard pudique, acceptant sa proposition avec une certaine politesse. Il ne prend aucun risque, commandant exactement comme lui, se contentant d’une phrase courte mais efficace. Jamie en déduit que ce n’est pas un grand bavard, ou alors il est un peu timide. Intimidé aussi, peut-être ? C’est sûrement la toute première fois qu’il met les pieds dans un endroit pareil. Au lieu de quoi, il se montrerait plus à l’aise, comme un prédateur sur son terrain de chasse. A l’heure actuelle, il ressemble plutôt à la proie méfiante, consciente qu’elle pourrait se faire dévorer en deux secondes, mais pas moins prête à se dresser férocement face à son adversaire. Jamie étire un long sourire – décidément, il lui plaît de plus en plus ce garçon. Ce dernier entortille doucement une mèche autour de son index, avant d’oser un regard dans sa directement. Peu intimidé, James le laisse faire, riant un peu ne le voyant se dérober si vite. Il n’est pas à l’aise, ça crève les yeux. Et, il faut bien l’avouer … c’est très adorable à constater. Ce garçon a l’air d’être un grand timide. Et souvent, les plus timides sont les plus étonnants au lit.
Finalement, l’austréen fait pivoter son tabouret afin de faire face au thacien. De ce fait, ce dernier a tout le loisir d’admirer son joli visage. Sa peau foncée, typiquement austréenne, est décorée ça et là de quelques touches de maquillage qui met en valeur l’amande ses yeux et la finesse de ses traits. Une beauté toute en délicatesse, que l’on attribuerait généralement plus à une femme, mais qui sied parfaitement à ce jeune homme. Jamie relève même l’originalité de sa tenue, appréciant cette résille dévoilant quelques carrés de peau, et les perles décorant sa longue chevelure ébène. Il s’est préparé pour l’occasion, ça se voit. Alors que de son côté, Jamie n’a pas fait le moindre effort. Il porte un énième pantalon sombre surmonté d’une veste longue et ample. C’est même à se demander comment le videur lui a autorisé le passage : sûrement son sourire ravageur. En tout cas, c’est une beauté toute singulière et diablement attirante qui se dresse devant lui, et le rouquin est charmé. Comment se fait-il que personne ne l’ait rejoint avec lui ? Soit personne ne l’avait encore remarqué, trop occupé à de trémousser sur la piste de danse, soit les solemiens ont vraiment de la fiente dans les yeux. Néanmoins, Jamie ne va pas s’en plaindre. De ce fait, il a pu l’aborder et avoir le loisir de lui décocher quelques mots. En espérant que l’austréen ne se contente pas de siroter son verre.
D’une voix quelque peu hésitante, presque tremblante, il explique à James sa petite mésaventure avec le barman, à laquelle il répond d’un petit rire. Il arrive que certains soient totalement durs de la feuille, la faute à la musique qu’on leur balance dans les oreilles toute la nuit durant. Et il faut bien avouer que leur serveur de la soirée n’a pas l’air vraiment emballé par son propre job. La preuve, il dépose les deux Piña Colada devant eux sans leur adresser un mot, préférant enchaîner sur une nouvelle besogne. Bah, ils ne sont pas payés pour être aimables après tout. Même si ça n’a jamais tué personne de sourire. Bref, Jamie attrape son verre et le remue doucement à l’aide de sa paille verte fluo, tout en écoutant son interlocuteur. Il essaie de faire la conversation, un peu maladroitement, mais il essaie. Et Jamie tient à saluer l’effort, car ce n’est pas évident pour tout le monde de tailler naturellement la bavette. C’est une seconde nature chez le thacien, mais cela s’explique par son cruel manque de tact et de retenue. Et puis, il faut bien le dire, il ne traînait pas vraiment avec des timides, lors de ses années d’étude. Il s’est vite habitué à prendre la parole, à s’imposer, à mener une conversation. Hors de question de laisser qui que ce soit parler à sa place !
Après avoir prit une petite lampée de son cocktail, il étire un sourire à destination de son interlocuteur et croise les jambes, se mettant bien à l’aise. Pour le mettre en confiance, James se doit d’être parfaitement détendu également, et cela passe d’abord par sa posture. Pour autant, il ne s’approche pas trop de lui, lui laissant son espace sans chercher à l’envahir. Jamie n’est pas de ces relous insistants, loin de là. Il sait pertinemment ce qui dérange, et fait en sorte de ne jamais les reproduire.
Je pensais bien connaître Solem mais la capitale me cache encore bien des choses. Je suis originaire de Thacie, comme ça ne se remarque pas du tout. Je viens par ici seulement pour le travail. Mais je pense que je reviendrais plus souvent.
Un petit sourire lourd de sous-entendu plus tard, Jamie prend une nouvelle gorgée de Piña Colada, passant lentement sa langue sur sa lèvre supérieure n’en perdre aucune goutte. Le cocktail est délicieux, dosé bien comme il faut. Il a d’ailleurs un petit goût de « reviens-y » qui pourrait s’avérer bien traître. Au goût, l’alcool est à peine perceptible mais là c’est tout le danger. Il suffit d’enchaîner deux trois verres pour se retrouver bien étourdi. Jamie se demande d’ailleurs si leur agréable barman est du genre à limiter les consommations pour le bien-être des clients ou si, au contraire, il sert et ressert sans se poser la moindre question. Hm, à en juger par le personnage, Jamie pencherait davantage sur la deuxième option. Il suffit de voir à la vitesse où il récolte le billet que le rouquin dépose sur le bar. Plus rapide qu’un Zéblitz lancé au grand galop ! Jamie ne peut retenir un léger ricanement. Ah, la cupidité des hommes. Il sait parfaitement ce que c’est – lui-même fait entrer de la drogue sur le territoire salvien dans le seul et unique but d’amasser quelques liasses. L’argent, il l’a tatoué dans la peau et toute occasion est bonne pour s’en procurer davantage. Pour autant, il n’est pas non plus un crabe qui conserve sa fortune pour lui seul. Jamie est plutôt dépensier, d’ailleurs. Après tout, c’est à ça que sert l’argent, non ?
Oh, mais je ne me suis pas présenté ! Moi, c’est Jamie. Et toi ? Quel prénom dois-je associer à ce joli minois ?~
I want the whole world to celebrate austrée - solem
ft. James
Entamer une conversation hasardeuse avec un inconnu était toujours une terrible épreuve. C'était dans ces moments qu'Andrea soupesait chacun de ses mots avec oreille attentive. Tout était scruté dans le moindre détail ; l'imperfection la plus effacée n'échappait pas à cet œil juge qui ne pardonnait rien. L'oreille était critique, implacable. N'avait-il pas parlé trop prestement ? Il lui semblait tout à coup que ses phrases, à peine prononcées, lui revenaient en un écho tout chiffonné et ombrageux. Comme si chaque mot s'était embrouillé pour donner un discours indigeste et incompréhensible. Alors seulement se rappelait à lui l'amer reproche de son père : "Articule. On ne comprend jamais rien à ce que tu dis." C'était donc vrai. Le jeune homme parut bien gêné et ne put soutenir plus longtemps le regard ardent de son interlocuteur. Quel idiot il faisait… Si seulement il avait parlé plus fort, mais non : toujours, Andrea s'exprimait à voix basse. C'était bien là sa marque de fabrique. La faute à son extrême timidité qui l'empêchait d'employer une tessiture plus forte, une voix claire, limpide, efficace que se serait fait entendre sans aucun problème.
Oh, qu'il la détestait, cette voix.
C'était sans aucun doute ce qu'il trouvait de plus laid chez lui. On aurait dit celle d'un adolescent entamant sa puberté. Trop aigüe pour un homme. Trop basse pour une femme. C'était un entre-deux étrange qui devait sans doute étonner et agir comme un répulsif auprès des gens qu'il rencontrait. Évidemment, son imagination lui jouait des tours, comme à son habitude. Andrea s'attribuait des idées négatives qui n'étaient aucunement le reflet de la réalité. À peine l'effleurait-il : sa voix était bien plus charmante qu'il ne le pensait. Douce, chantonnante, elle était imprégnée des couleurs de cette Austrée traditionnelle qui lui donnait un certain cachet. Les hommes – et même les femmes – se trouvaient souvent attirés par cette tessiture si particulière qui avait des airs de petite berceuse woestanaise. Oui, Andrea, en s'exerçant un peu, aurait sans doute pu conter de belles histoires au coin d'un feu de bois et inciter ainsi son auditoire au voyage et à la rêverie. Malheureusement, sa diction était trop mauvaise pour espérer un tel talent. Persuadé de sa voix terrible, il s'était renfermé avec l'âge et avait tout oublié de sa douce verve d'enfant. Aujourd'hui, les mots étaient plus difficiles, encore plus lorsqu'il était en présence d'une personne avec laquelle il ne se sentait pas tout à fait à l'aise. Les interlocuteurs nombreux, leurs regards braqués sur sa personne, avaient par exemple l'art de lui faire perdre son latin… Et un parfait étranger, auquel il s'adressait pour la toute première fois, c'était sans doute ce qu'il y avait de pire. Un véritable cauchemar pour ce garçon qui luttait contre cette angoisse sociale tétanique. Bien sûr, il parvenait toujours à construire des phrases censées et cohérentes, mais son émoi psychologique était tel qu'il sortait souvent épuisé de ces rencontres fortuites. C'était comme une fièvre qui s'emparait de lui au moment, une adrénaline qui lui permettait de tenir. Et, une fois seul, l'abattement le rattrapait et le laissait inerte, perdu dans ses pensées. Il lui arrivait fréquemment de ressasser toutes ses prises de parole, de position et de se trouver bien bête. Ah, mais pourquoi j'ai dit ça…? Quel gros lourd… Je ne pense pas du tout comme ça…! Pourtant, cette pensée avait été là, fixée dans un coin de son esprit à un moment donné. Peut-être inspirée par ce stress panique, peut-être pas tout à fait sincère, seulement là pour attirer l'attention, attraper cette lumière qui le laissait trop souvent dans l'ombre. Car c'était ça, Andrea. Un garçon réservé qui pensait souvent en dedans mais qui avait bien du mal à s'exprimer en dehors. Le fond de sa pensée se trouvait déformé par un filtre mesquin qui lui murmurait souvent à l'oreille quelques mots doux "oh non, tu ne peux pas dire ça… Personne ne t'aimerait. Tu passerais pour un idiot. Tu aurais l'air d'un intello. Tu veux vraiment casser l'ambiance…? Ah, comme tu n'es pas drôle."
À être dévisagé avec autant d'insistance, le Woestanais se demandait bien si c'était aussi tout ce que pensait cet homme qui s'était assis à ses côtés. Son regard avait cette vivacité perturbante. Il le désarçonnait complètement, et sans doute Andrea devrait-il prendre le temps de s'y habituer. C'était une timidité étonnante car, comme nous l'avions dit plus haut, le jeune homme était habitué à aller de lui-même au devant des hommes qui lui plaisaient. Paradoxe ? Sans doute. Mais il préférait savoir à quoi s'attendre, être à l'origine de ce contact saugrenu, de cet appel à une relation fugace qui se terminerait sans doute par une étrange soirée. Par ailleurs, il n'avait jamais vraiment apprécié ces rencards purement sexuels. Aucun homme n'avait su le séduire par son tact ou sa douceur. Dans ces moments, c'était bien souvent ce qui manquait le plus, et, à bien regarder ce garçon qui se tenait désormais devant lui, Andrea ne savait dire s'il faisait partie de ces rustres ou s'il se révèlerait très différent. En tout cas, il préférait éluder cette petite anecdote qu'il lui avait avoué demi-mot. Et c'était un choix qu'Andrea comprenait parfaitement. Après tout, ce n'était rien de très intéressant. Au moins, le petit rire qu'il venait de lui accorder lui donnait du baume au cœur et le rassurait un peu. Il releva la tête et esquissa un petit sourire timide en sa direction. Petit à petit… Petit à petit il parviendrait à se détendre. Il le fallait. Cet homme pourrait lui plaire, après tout. Il avait l'air un peu plus… À l'écoute que les autres. Perdu dans ses pensées, l'étudiant sursauta lorsque le serveur, pressé, déposa avec fracas leurs verres sur le bar. Un frisson de terreur momentanée descendit le long de son échine et il darda un regard très noir sur le barman qui leur avait déjà tourné le dos, n'oubliant pourtant pas de laisser la note dans une petite coupelle au passage.
Le sourire radieux, suivi du petit compliment sous-jacent de son interlocuteur eurent bien heureusement tôt fait d'effacer sa stupeur et sa colère. Ses pommettes s'enflammèrent en un claquement de doigt. Gêné, son visage brûlant, Andrea passa rapidement une main nerveuse dans ses longs cheveux brun qu'il rejeta en arrière. Il pouvait sentir la tension sexuelle monter, monter toujours plus… Et n'étant pas à l'origine de cette température ascendante, il ne savait absolument pas comment se comporter. Aller dans son sens, se laisser prendre par le jeu…? Ah, il en était bien incapable. Pas tant qu'il était aussi mal à l'aise… Bien sûr, l'atmosphère se détendait petit à petit. Il but une petite gorgée de Piña Colada et se sentit tout de suite beaucoup mieux. Le sucre, le lait de coco donnait une douceur toute particulière à cette boisson. Habituellement, ce n'était pas ce qu'Andrea prenait… Les mojito, les Sex On the Beach étaient plus sa tasse de thé. Instantanément, son esprit associa cette collation à la figure charmeuse de son interlocuteur… Mais ce fut une pensée inconsciente, qui remonterait à la surface un peu plus tard… Avec un peu de chance, la soirée ne serait pas aussi terrible qu'il aurait pu le penser…
En tout cas, lui avait l'air d'être comme un Magicarpe dans l'eau. La conversation lui était facile, naturelle. Jamie. Andrea se répéta ce nom plusieurs fois et eut un léger sourire. C'était joli, Jamie. Mais l'orgueil avec lequel il annonçait ce nom, la fermeté de sa voix, toute l'assurance qui s'en dégageait lui disaient que quelque chose ne tournerait pas tout à fait rond. Jamie. N'était-ce pas une sorte de surnom, au final…? L'étudiant prit une autre gorgée de son piña colada et balbutia un peu avant de répondre à demie-voix :
– Euh… Pardon, même mon nom je suis pas capable de le dire convenablement…! Andrea. Je m'appelle Andrea. Et… Je suis de Woestan, d'ailleurs. Je viens d'aménager à Solem… Il s'interrompit et secoua doucement la tête avant de se reprendre, l'embarras se lisant sur son visage. Ah. Euh… Désolé. Ce n'est pas très intéressant. James… Enfin, pardon ! Jamie. Merci pour le verre encore une fois, c'est gentil. Mais je le paierai, hein ? C'est déjà bien de me l'avoir commandé.
Oui, il ne comptait pas se faire offrir un verre par un étranger. Ce n'était pas vraiment dans ses principes, après tout… Il avait accepté, quelques fois, mais toujours il s'était senti redevable. En quelques sortes… Obligé de coucher avec son bienfaiteur en fin de soirée. Il préférait ne pas s'incommoder de ce bon retour des choses, cette fois-ci. Continuer si lui le désirait, c'était sans doute la meilleure chose qu'il pouvait s'accorder. D'ailleurs… D'ailleurs il devait bien admettre que le hasard avait bien fait les choses. Plus il observait Jamie, plus il le trouvait à son goût. Et sa voix était douce, non pas lubrique comme la plupart des hommes qui trainaient dans ces boîtes de nuit. D'une seule gorgée, il finit son cocktail et reposa le verre vide sur la table avant de faire semblant de contempler la piste derrière eux. Les rayons de lumière colorée pulsaient dans la salle et éclairaient successivement son visage et celui de James. Ses yeux acier, en amande, semblaient à chaque fois se gorger d'une lueur sublime qui leur donnait une expressivité incroyable… Se plongeant au bout de quelques instants dans la contemplation de ce garçon qu'il trouvait particulièrement séduisant, Andrea finit par capter son regard et esquissa un petit sourire qu'il voulut sincère. Il reprit finalement la parole, tentant d'être plus décontracté et naturel dans ses dires :
– Elle… Est très grande cette boîte. J'aime pas trop, je crois. En fait, je suis plus bar tranquille… Mais ça tient au fait qu'à Woestan, de gros pub comme celui-là, ça n'existait pas vraiment… Tu connais ma ville ? Elle est très jolie. Il baissa un instant les yeux, pris d'un élan de nostalgie, et détailla ses doigts fins qui s'entortillaient. Pourquoi se lançait-il dans une conversation aussi intime…? Après tout ce type n'était pas là pour ça. Il eut une petite moue contrariée et continuant sur un ton moins ouvert, presque pressant. Enfin… J'imagine que tu n'es pas venu pour parler chiffon. Tu cherches un partenaire pour ce soir…?
La douce saveur de la crème de coco mêlée au jus d’ananas rappelle à Jamie sa Thacie natale. Ces goûts exotiques, tropicaux, sont un appel aux îles, au soleil, aux longues après-midi allongé sur un transat au bord d’une piscine creusée ou au bord de la mer. La Piña Colada est un cocktail de prédilection sur Thacie, et notamment à Mésoé qui profite de la mer et donc, d’une abondance de touriste tout le long de l’année. Là-bas, dans les bars du port, ils vendent cette boisson a des prix exorbitants, parfaitement conscients que leur emplacement rêvé lave la cervelle des touristes. Un cocktail a plus de dix pokédollars n’étonne personne – d’ailleurs, les gens ne regardent même pas les prix. Ils commandent, s’empiffrent, et ce n’est qu’à l’arrivée de la facture qu’ils déchantent et réalisent le guets-apens. Il n’y a pas plus traître que les apéritifs, que ce soit au restaurant, au bar ou en boîte de nuit. Mais Jamie est habitué et ça ne le dérange nullement d’y mettre le prix. S’il sait parfaitement qu’un verre ne vaut absolument pas son prix lorsque l’on calcule les ingrédients séparément, il ne crache jamais sur un bon cocktail alors … qu’importe. Ce n’est pas comme si l’argent lui manquait, de toute façon. Ce n’est pas un apéritif de temps en temps qui va faire un énorme trou dans son budget.
Plutôt satisfait de sa boisson, notamment par le dosage du rhum, James y trempe régulièrement ses lèvres, se délectant de sa saveur fruitée et sucrée. Son interlocuteur semble bien l’apprécier également, à en juger par les quelques gorgées qu’il prend sans grimacer. En règle générale, avec un cocktail, c’est quitte ou double. On aime ou on n’aime pas. Cela dépend autant des goûts personnels que des capacités du barman. Jamie a eu l’occasion de goûter à quelques affreuses Piña Colada au cours de sa vie. Souvent trop dosées ou coupées à l’eau, les saveurs exquises étaient remplacées par des arrières-goûts désagréables. Pourtant, James n’est pas du genre à faire la fine bouche. En règle générale, il n’est pas un type particulièrement difficile. Il mange de tout, boit de tout – et toutes les cuisines du monde trouvent grâce à ses yeux. Néanmoins, ce n’est pas un estomac sur patte et monsieur est du genre à être complètement rempli avec une simple salade. Autant dire que son réfrigérateur ne déborde pas de nourriture et que, souvent, il lui arrive de se contenter d’une pomme pour son déjeuner. Économique, disent certains. Anormal, dirait sa mère, qui a toujours essayé de le remplumer, bien en vain.
Bref, Jamie n’est pas venue ici pour apprécier son cocktail, mais bel et bien pour faire la connaissance de ce beau garçon. Sa petite timidité lui donne un charme innocent qui plaît sincèrement à Jamie. Malgré les présentations, Andrea reste derrière ses barrières, ne laissant pas le loup entrer si facilement dans la bergerie. Pourtant, il lui glisse quelques informations intéressantes. Le bel austréen est donc originaire de Woestan. Quelle jolie ville, Jamie l’apprécierait beaucoup si ses affaires y tournaient bien mieux. Mais être la caserne de Ranger et ces scientifiques ennuyeux à mourir … la ville du désert n’est certainement pas le théâtre du fun. Du moins, du point de vue de Jamie. Ce n’est pas là-bas que son commerce est le plus florissant, c’est le moins que l’on puisse dire. A titre de comparaison, Derwoud est bien plus intéressante. Tous ces petits jeunes de l’académie des Rangers, angoissés par leurs examens, se laissent facilement tentés par quelques herbes aux propriétés disons … apaisantes. Mais s’il fallait dire les choses honnêtement, ce genre de tabac est surtout reconnu pour retourner le cerveau dans tous les sens au point où, pendant de longues heures, le fumeur croit flotter sur un gros nuage rose, loin de tous les problèmes de la vie …
Un petit rire échappe à Jamie lorsque, le plus naturellement du monde, Andrea l’appelle James. C’est qu’il est malin, ce petit. Il a deviné son véritable prénom sans même s’en rendre compte. Généralement, personne ne devine si facilement que Jamie n’est qu’un surnom que le thacien préfère largement à son prénom. James, ça sonne trop sage à ses oreilles. Trop bourge, aussi. Et ça se saurait s’il était un petit richos pédant et ennuyeux. Bon, riche, il l’est mais le reste, il espère bien que non ! Jamie aime se croire amusant, divertissant. Être le petit rigolo de la bande lui a toujours plu. Si certains fuient les feux des projecteurs, James les désire, les appelle. Plus on le voit, mieux il se sent. Bien évidemment, il ne veut pas non plus devenir une grande célébrité. Seulement, l’idée que l’on puisse parler de lui, lui vanter quelques mérites, le considérer comme un bon coup … ça, il apprécie. Nombreuses sont les personnes qui le connaissent à Thacie, et qui l’abordent avec la très célèbre « j’ai déjà entendu parlé de toi ! » Tant que c’est en des termes positifs, Jamie est ravi. Lorsque ce n’est pas le cas, il apprécie déjà moins. Mais selon ce que l’on raconte sur lui, ça peut également être très amusant. Et Jamie aime rire, même sur des fausses rumeurs le concernant.
Contre toute attente, Andrea tient à payer sa part. Qu’à cela ne tienne, Jamie n’est pas de ceux qui insistent pour payer. Il comprend bien que l’idée d’être redevable ne plaît pas à tout le monde, alors il laisse couler. Quand on le laisse payer, ça lui va. Quand on tient à payer sa part, ça lui va aussi. Il n’est pas vraiment embêtant pour ce genre de chose, bien au contraire. Il y a bien plus intéressant que polémiquer sur le paiement d’une boisson, qu’on se le dise.
Pas de souci, joli coeur. Si tu veux me rembourser, tu peux me commander un autre cocktail.~
Cette fois-ci, le barman ne risque pas l’ignorer. La simple idée de vendre deux autres cocktails devrait suffire à motiver monsieur-sourire à faire son boulot. Mais pour l’heure, James n’est pas encore venu à bout de sa Piña Colada, contrairement à Andrea qui repose un verre bien vide devant lui. De toute évidence, il l’a apprécié ! Sinon, il ne l’aurait pas descendu aussi vite. Sauf s’il a vite voulu s’en débarrasser … ? C’est une méthode, aussi. Pour sa part, Jamie apprécie juste prendre le temps. Profiter allégrement de sa boisson, comme si c’était la dernière. Andrea, lui, se plonge un instant dans la contemplation des danseurs – James l’imite, riant en repérant un type se dandiner comme un Couaneton boiteux au milieu de la piste. Celui-là, il n’a vraiment pas le rythme dans la peau. Mais, quelque part, ça le rend mignon. Et d’ailleurs, il est rapidement rejoint par un homme qui se met à se trémousser devant lui. Ouh, quelle approche de mâle alpha. Jamie en recracherait presque sa gorgée pour rire à gorge déployée. Non mais vraiment. Heureusement que le ridicule ne tue pas, sinon ces deux-là seraient déjà six pieds sous terre.
Lorsque Jamie s’arrache finalement à cette contemplation amusante, son regard se plante dans celui d’Andrea, qui lui accorde un petit sourire. Il l’observait ? Voilà qui est flatteur. Si l’attirance pouvait être réciproque, ça promet de belles perspectives pour le reste de la soirée. James ne s’imagine pas forcément coucher avec lui, mais au moins partager un petit moment à deux, dans un endroit plus tranquille. Andrea tente alors de faire la conversation, et le thacien est charmé par sa maladresse innocente. Néanmoins, il est bien d’accord avec lui : ce n’est pas à Woestan que l’on trouve des endroits pareils. Si Jamie a eu l’occasion de se pointer dans quelques bars locaux, il n’en garde pas des souvenirs précis. Rien ne l’a franchement marqué, là-bas. A part les pyramides, forcément, parce qu’elles sont de véritables curiosités locales. Mais au-delà de ça … hmm, non, ce n’est absolument pas son coin favori en Austrée. Cela dit, elle reste moins ennuyante que Rykaarde. Il n’y a pas plus ringard que cette bourgade de fermier. Là-bas, c’est la mort du fun assuré. Moins Jamie a à y mettre les pieds, mieux il se porte ! Parce que vraiment, les champs et les Ecreumeuh, ce n’est pas forcément sa tasse de thé …
Semblant réaliser sa maladresse, Andrea décide finalement de mettre directement les deux pieds dans le plat. Jamie en lâche même un petit rire surpris, spontané. Eh bien, il ne tourne pas autour du pot, celui-là ! Vraiment, il ne s’attendait pas à ça. Mais au moins, ça a le mérite d’être clair, et Jamie compte bien lui répondre avec honnêteté. Il rejette donc sa chevelure rousse en arrière, dans un geste sûrement trop théâtrale pour être tout à fait naturel, et esquisse un petit sourire coupable. Bon. Ça passe ou ça casse.
En effet, je suis à la recherche d’une agréable compagnie pour terminer la soirée. Mais pas forcément à mettre dans mon lit. J’aime tout autant papoter toute la nuit durant dans un endroit calme, tranquille. Et toi … tu m’as l’air d’avoir de la conversation. Du répondant aussi. Ça change de ces gars faciles qui se fichent même de connaître ton prénom !
Jamie fait un petit mouvement de la main, comme s’il était dégoûté. Ce genre de type, c’est son quotidien. Combien de fois s’était-il réveillé aux côtés d’un type dont il ignorait le patronyme ? Parfois même, à les regarder de plus près, il les trouvait bien laids. James n’est pas vraiment du genre à se fier à ce genre de chose, mais tout de même … il y en a certains que les lumières tamisées des bars profitent vraiment. Enfin bref, il espère que Andrea ne s’enfuira pas en courant en connaissant ses attentions. En soi, elles ne sont pas mauvaises. Et James est honnête avec lui. Oui, ça peut terminé au lit. Mais ça peut tout aussi découlé sur une soirée papotage dans un bar tranquille du coin. Le sexe n’est pas la seule finalité, même si c’est ce que recherche beaucoup de personne dans ce genre de soirée. Néanmoins, en toute honnêteté, si Jamie était venu chercher un partenaire sexuel … il aurait fait du gringe au premier petit minot venu tortiller des fesses sous ses yeux. Et des gars comme ça, il en a déjà vu une vingtaine en arrivant. Il y a l’embarra du choix. Mais … hmm, non. Ce n’est pas de ça, qu’il veut. Pas ce soir, du moins.
Finalement, James vient à bout de son cocktail et il dépose son verre à côté de celui d’Andrea, afin de faciliter la tâche à monsieur-sourire qui accourt d’ailleurs déjà. Il se saisit de la vaisselle et se hâte de la porter jusqu’à sa plonge pour les laver sans tarder. Eh ben, il n’est vraiment, mais alors vraiment pas là pour rigoler lui. En fait, ça en est juste pathétique. Jamie apprécie les types qui prennent le temps de discuter un peu avec leurs clients. Ca rend la soirée un peu plus sympa, un peu plus convivial. Et surtout, ça invite à consommer davantage. Mais lui … il ne brille pas par son amabilité et le rouquin ne tient pas vraiment à augmenter son chiffre d’affaire. Il ne le mérite absolument pas.
Et toi ? Puisque ce genre d’endroit ne te botte pas, j’imagine que tu as suivi des amis ? Et quand pendant que eux s’amusent, toi tu attends que la soirée se passe ? A moins que tu n’aies, toi aussi, une idée précise derrière la tête ?
I want the whole world to celebrate austrée - solem
ft. James
À peine eut-il posé cette question que les joues d'Andrea s'embrasèrent. Bien heureusement, la pénombre et les lumières colorées que braquaient les projecteurs sur le bar masquèrent cette petite marque de son émoi. Il ne put néanmoins soutenir plus longtemps le regard de Jamie et baissa à nouveau ses yeux sombres sur ses doigts qui ne cessaient de s'emmêler. Griffe contre griffe, il s'abîmait en silence, exprimant ainsi toute l'angoisse qui le submergeait. Du bout des ongles, il retroussait désormais ses petits cuticules, et s'aventurant trop loin, il finit par s'arracher une vilaine peau morte. L'étudiant se mordit la lèvre inférieure pour retenir un petit gémissement de douleur, et compressa son doigt blessé. Ces choses-là, en général, ça n'oubliait pas de pisser le sang ! Un picotement très désagréable se fit sentir au contact de la pulpe de son pouce sur la plaie. Parcouru d'un long frisson, Andrea se crispa sur son tabouret : il détestait la vue du sang. C'était peut-être même ce qui le dégoûtait le plus… Mais hors de question de passer pour faible aux yeux de ce bel inconnu qui se tenait en face de lui, le dos droit, l'air fier, la mine superbe. Non. Il n'allait rien laisser paraître. Pas même sa honte d'avoir eu l'audace de poser une telle question. Mais quelle mouche l'avait-elle piqué, à la fin ? Depuis quand osait-il demander de telles choses aussi directement…? Dans son esprit, les pensées se mélangeaient et différents partis se faisaient entendre. Une part de lui-même lui assurait qu'il avait bien fait. Après tout, si ce gars-là était venu lui parler jusqu'à même lui payer un verre, ce n'était certainement pas pour continuer à se bouffer dans le blanc des yeux. Non ; il y avait bien souvent une autre intention derrière ces avances… Beaucoup moins louable d'ailleurs. Mais soit ; c'était aussi le jeu de ces bars, de ces boîtes de nuit. On était là pour draguer, pas pour danser la valse. Cette dure loi de la séduction, Andrea l'avait vite apprise à ses dépends. Premières soirées, premières boîtes… Il était venu dans sa grand ingénuité pour s'amuser et était reparti complètement soûl au bras d'un homme avec lequel il avait passé une nuit particulièrement traumatisante. Soit. De cet épisode, il en tirait une leçon évidente, basée sur une mémoire poreuse. Son esprit avait fait le ménage et n'avait conservé que quelques réminiscences… Des souvenirs un peu diffus, très vagues, mais qui lui faisaient encore froid dans le dos. Heureusement, ce n'était pas sa première fois. Certes, à l'époque, il était encore bien jeune… Mais il avait déjà fait l'amour avec son premier petit ami ; celui qui, plus tard, avait trouvé bon de le quitter pour sa grande copine du lycée. Hmm. Génial. Andrea jeta un regard sombre à son verre vide, que le serveur n'était toujours pas venu débarrasser. L'envie de boire pour oublier était forte, terrible. Mais il se retiendrait. Même si Jamie l'encourageait à payer une deuxième tournée, il s'en abstiendrait. Pourquoi ? C'était tout simplement là la leçon qu'il avait pu tirer de cette mésaventure. Ne jamais boire en présence d'inconnus. Toujours rester lucide… L'alcool était traître ; il descendait tout seul mais faisait des ravages. Jamais Andrea ne voudrait revivre une telle expérience. Même pour un bon paquet d'argent… Et dieu savait ô combien il en avait besoin de cet argent, pourtant. Un léger soupir franchit la barrière de ses lèvres : était-il vraiment en train de débiter ses petites économies dans des soirées futiles qui ne lui apportaient pas même la moindre joie…? Pauvre garçon. À la reprise des cours, il lui faudrait vraiment se recentrer. C'était non négociable.
Doucement, il retira son doigt-pansement de la petite plaie peu profonde qui s'était enfin arrêtée de saigner. Une grimace passa sur son visage, durcissant légèrement ses traits poupons, mais elle s'effaça bientôt pour laisser place à une petite moue dubitative. Après un rire vaguement surpris, son bienfaiteur avait décidé de lui répondre du tac-au-tac, ne manquant tout de même pas de faire son numéro de charme auparavant. Andrea observa ce flot de cheveux roux se déverser sur ses belles épaules fines et carrées. Un instant, il eut presque envie de les toucher, mais, rattrapé par la voix de son interlocuteur, il en oublia vite l'idée. Alors comme ça… Papoter lui suffirait…? Foutaises. Le doute s'écrivit sur son visage comme dans un livre ouvert. L'étudiant ne croyait pas à un seul mot de ces belles paroles. Jamie, comme les autres, parlait pour se faire valoir et rassurer sa victime, avant de resserrer ses crocs sur cette proie facile qui s'était laissée endormir et finalement piéger par ces belles phrases toutes construites. Ce garçon-là avait effectivement l'air d'être un sacré beau parleur ! À l'aise, dans son élément… Il était habitué à parler aux autres, à charmer par quelques mots ou remarques bien placés. Sans doute ne devait-il pas être à ses premières tentatives. C'était même une certitude.
Pour autant, le jeune homme, sans compter cette petite grimace dubitative, ne trouva pas nécessaire de faire la moindre remarque. Il écouta, acquiesça doucement et joua avec son verre vide du bout des doigts. Certains mots, dans le brouhaha ambiant, avaient dû lui échapper, mais il compris l'essentiel : cet homme était prêt à quitter la boîte de nuit pour dialoguer avec lui une bonne partie de la nuit. Intéressant, pensa Andrea. Lui qui s'ennuyait comme un Rattata mort, accoudé à ce bar qu'il commençait à avoir en horreur se trouvait bien intéressé par cette offre ô combien originale. Bien sûr, il n'en croyait pas un mot ; il savait pertinemment comment la soirée allait terminer, mais… Son regard se glissa une fois de plus sur le corps du garçon, la délicatesse de son visage, cette beauté sauvage qui se pavanait ainsi en face de lui… Il appuya sa tête contre son bras accoudé au bar et afficha un léger sourire qui, malgré son apparente pudeur, en disait long. Soit. After ou pas, la proposition ne le désintéressait pas autant qu'il aimait lui laisser croire… Après tout, lui aussi s'ennuyait, et il n'avait certainement pas envie de retomber sur ce cher Ali. Il était bien plus agréable de se faire aborder et draguer par le beau Jamie dont il ne connaissait rien encore… Hmm… Sans doute un petit air d'aventure qu'Andrea appréciait dans ses moments de détente et de folie.
Et puis il fallait bien avouer quelque chose… Jamie était séduisant. Malgré ses airs de serial lover, il savait y faire. Distinguer Andrea des autres hommes qu'il avait pu rencontrer, le hisser sur un joli piédestal alors qu'il n'en était rien était une technique classique mais rondement bien menée. Un point en moins pour cette soit-disante répartie qu'il semblait par il ne savait quel miracle posséder. Un détail bien idiot qui était monté de toute pièce ; l'étudiant le savait parfaitement : insulté, il aurait été bien incapable d'adresser une réponse convenable à son agresseur. C'était lui, ça. Andrea ; le gentil petit intello qui se laissait toujours écraser par les autre.
Il prit une grande inspiration, gonfla ses poumons au point de les faire éclater, et expira très lentement pour évacuer toute la pression inutile qui pesait sur ses épaules. Elle affluait, s'en allait toute seule, sans trop d'explication. Avoir un regard inconnu sur sa personne, parler avec un étranger… Ces deux éléments semblaient suffire à affoler son métabolisme tout entier, même si lui, en soit, ne souffrait que très peu de la situation. Après quelques minutes de prise de contact, Andrea était désormais lancé. Certes, loin d'être aussi à l'aise que son interlocuteur, mais tout de même capable de l'écouter et de lui répondre simplement. C'était déjà un bon début. Aussi essaya-t-il de se débarrasser de cette anxiété collante comme de la glue… Il ne servait à rien de se faire autant de sang d'encre. Tout se passerait bien… De toute façon, ce James n'avait pas l'air d'être un mauvais bougre. La question à se poser était : avait-il la tête à ça ? Passer une nuit avec lui, coucher, prendre son pied… Était-il disposé à de telles perspectives ? Andrea mordilla un moment sa lèvre inférieure, le temps que le barman revienne pour récupérer leurs verres vides, et eut une approbation silencieuse, qui se traduisit par un simple hochement de tête, à peine perceptible. C'était décidé : il allait tenter le coup. Pour la dernière fois. Car, évidemment, Andrea n'était pas son premier coup d'un soir. Il y en avait eu d'autres… D'autres que lui-même avait choisi au milieu de la foule. Mais chacun s'était révélé être un véritable échec. Aussi laisserait-il donc sa chance au hasard, une bonne fois pour toute… Et peut-être ce choix serait-il concluant ? Il fallait savoir être joueur… Et l'étudiant en astrophysique manquait sans doute d'audace. En son fort intérieur, ce soir-là, une petite voix lui disait : "Il est bien temps que ça change ! Éclate-toi, idiot. Cesse de te poser des questions. Il te plaît ? Il a une belle gueule, une belle voix ? Il parle bien ? Fonce. Tu ne peux rien y perdre. Tu as tout à y gagner."
En s'imaginant cette petite exhortation fictive, prononcée par un personnage tout aussi imaginaire dans sa propre tête, Andrea eut un petit rire qui passa pour une toux passagère. Il retrouva finalement les yeux et la voix de James, cessant de se triturer les mains pour en perdre une dans ses longs cheveux qu'il caressa pensivement. Lui ? Ce qu'il faisait ici ? Le jeune homme jeta quelques coups d'œil autour de lui de son regard froid et esquissa une petite grimace embarrassée. Ce petit malin-là visait juste. Soirée entre amis qui n'avait rien de bien passionnant. Et s'il cherchait quelqu'un…? Autant dire qu'il n'était pas contre. Assis à ce bar, c'était presque une évidence. Il éclaircit doucement sa gorge et essaya de parler plus posément que précédemment. Peu à peu, il gagnait en assurance. Sa décision prise, la parole se déliait ; il savait ce qui lui restait à faire :
– Amis… Amis, je ne sais pas trop. Je viens d'arriver, donc… On va dire que j'essaie de m'en faire. Mais pour l'instant, ce n'est pas une réussite, si tu vois ce que je veux dire. Il eut un petit rire gêné mais terriblement sincère, baissant un instant les yeux avant de les plonger de nouveau dans les iris argentés de son interlocuteur. Ébène contre métal. Le match était serré ; l'échange intense. Euh… Du coup je m'ennuie un peu. Je suis venu boire et décider du rester de ma soirée en m'asseyant à ce bar.
C'était une explication tout à fait honnête. Désabusé, peu attiré par cette piste de danse qu'il fuyait toujours comme la peste, échappant aux griffes d'Ali, il s'était retrouvé sur cette chaise. Et ensuite, il avait attendu qu'on le serve, en vain… Décidément, plus il y repensait, plus il lui semblait que cette soirée avait tout d'un échec. Tout, à un petit détail près. Il sourit enfin de bon cœur, et ajouta :
– Mais peut-être bien que j'ai trouvé…? Ta proposition me plaît bien. Parler. Ailleurs… Hum. Solem est grande, belle. On pourrait aller se balader, t'en dis quoi…? Lorsqu'il interrompit le flot de ses paroles, le souffle lui manquait et son visage s'était teinté d'un rouge particulièrement vif. Ses pommettes le brûlaient fort et les battements de son cœur vrillaient sa poitrine. Être honnête et dire ce qu'il voulait était bel et bien toujours aussi difficile. Il soupira et baissa un peu la voix, soutenant de nouveau très difficilement son regard de braise. E-Euh… Discuter et… Plus ? Si jamais… On verra au moment. J'habite en ville ; on est assez libre sur ce point.
C'était dit. Il avait réussi. Andrea s'autorisa de nouveau à respirer normalement et n'attendit pas la réponse de son interlocuteur – se doutant bien qu'elle serait plus que positive – pour sortir quelques billets de la poche de son jean et les poser négligemment sur le bar. Il y avait le compte des deux boissons. Même un peu plus… Bref. Cela suffirait : il n'avait aucune envie de rester plus longtemps dans cette boîte de nuit. La perspective d'une ballade à la belle étoile en agréable compagnie était beaucoup plus attirante. Aussi récupéra-t-il son sac à bandoulière, le jeta-t-il sur son épaule dénudée et sauta-t-il de sa chaise avant de recoiffer sa longue chevelure, lançant finalement un petit regard complice bien qu'encore un peu timide à son accompagnateur :
I want the whole world to celebrateft. AndreaWhy d'ya have to be so cute? It's impossible to ignore you, must you make me laugh so much, it's bad enough we get along so well, say goodnight and goA peine son verre terminé, Jamie réalise qu’il a encore soif. Il ne serait pas contre une boisson supplémentaire, quelque chose de bien sucré, qui viendrait mettre ses papilles en extase. Sa Piña Colada lui semble déjà bien lointaine, comme le prouve sa gorge étonnamment sèche. Il essaie bien de se défaire de cette sensation désagréable en déglutissant, mais l’efficacité n’est que moindre. Jamie louche bien un moment sur la carte des cocktails, tenté d’en réclamer un autre, mais la simple idée d’avoir à nouveau à faire à ce barman désagréable le force à ne rien en faire. Il préférerait encore dépenser son argent dans un petit bar du coin, le genre qui ne paie pas vraiment de mine mais qui se révèle bien plus convivial, plutôt qu’à ce grand type au sourire à l’envers. De toute façon, ce genre de boîte de nuit fonctionne au chiffre plus qu’au relationnel. Tant que les boissons sont consommées, qu’importe ce que les clients peuvent bien penser des barmen. Et sûrement même Jamie est-il le seul à se fier à ce genre de petit « détail ». Pour la simple et bonne raison que, pour lui justement, ce n’est pas qu’un détail. Un bon relationnel est important pour l’inciter à revenir : et malgré son nom, le Draining Kiss n’est pas parvenu à voler son coeur.
Heureusement que Jamie qui a fait une rencontre intéressante, d’ailleurs. Sinon, il en se serait très sûrement pas attardé dans un endroit pareil. Il comprend bien que ça peut plaire aux fêtards mais, le concernant, ce n’est pas vraiment sa tasse de thé. Il aura essayé au moins, il ne mourra pas totalement inculte. Mais ça le conforte dans son avis concernant les boîtes de nuit. Rien ne remplacera jamais les soirées plus intimes dans un petit établissement au coin d’une rue. C’est là-bas qu’on lieu les meilleures rencontres – et que sont servies les meilleures boissons, également. L’intérêt des serveurs est de fidéliser la clientèle, dans l’espoir que les gens reviennent une autre fois accompagné d’amis. Le bouche-à-oreille est leur seule publicité, et seuls les plus méritants parviennent à durer dans le temps. De toute façon, pour Jamie, rien ne vaut son bar favori d’Euranie. Situé à quelques pâtés de maison de son appartement, le barman est un ami de longue date avec lequel il est toujours agréable de converser. Et la clientèle, fidèle depuis des années, forme une grande bande d’amis fidèles. A l’image d’une belle famille réunie autour de bons verres.
De toute façon, Andrea ne semble pas non plus décidé à commander autre chose. De toute évidence, l’accueil que lui a réservé le barman – c’est-à-dire aucun – ne lui a pas vraiment plu. Peut-être évite-t-il aussi de trop consommer. A-t-il peur que Jamie profite de son état d’ébriété pour le dévorer tout cru ? Sûrement en serait-t-il capable, pour être honnête. Il a déjà profité de certaines situations pour parvenir à ses fins, même s’il n’a jamais agit dans la violence ou le forcing. Souvent, il se contente plutôt d’accepter les propositions vaporeuses de quelques gars trop imbibés. La plupart du temps, ça ne finit par forcément sur une performance de dingue mais … ça a le mérite de lui occuper une nuit, il faut bien l’avouer. Mais loin de lui l’idée de soûler un gars pour parvenir à ses fins. Jamie est plutôt du genre à aimer se faire désirer, plutôt que désirer lui-même. Une facette de son égo qui aime se sentir flatté. Andrea n’a donc rien à craindre de lui. D’autant que si Jamie avait vraiment voulu le mettre à l’envers, il aurait choisi un cocktail beaucoup plus fort, le genre à endormir un Bourrinos. Pas une petite Piña Colada sans prétention, préparée par un barman prétentieux.
A en juger par les regards quelques peu embarrassés que Andrea jette autour de lui, Jamie a visé juste quant au déroulé de sa soirée. C’est assez triste à dire mais … le profil est typique. Nombreuses sont les personnes qui suivent les autres en espérant ainsi passer la soirée à leur côté et s’en faire de bons amis. Mais dans une boîte de nuit … la plupart du temps, c’est du chacun pour soi. Chacun arrive avec un objectif précis en tête et s’attelle à l’atteindre avant la fermeture de la boîte. Pour certains, c’est simplement danser comme des fous jusqu’à la fin de la nuit. Pour d’autres, c’est se noyer la cervelle sous des litres d’alcool. Sinon, c’est dans le but d’y faire une agréable rencontre et terminer la nuit avec. Tout le monde ne se réveille pas forcément dans le lit d’un inconnu, mais c’est le moment pour échanger numéro et baiser, sans forcément espérer de lendemain. Certains couples naissent dans les boîtes de nuit, il est vrai. Mais la plupart du temps … ce sont juste des coups d’un soir, l’occasion de s’amuser un peu avec quelqu’un. Le fantasme de l’inconnu est plutôt répandu dans la jeunesse solemienne, Jamie en sait quelque chose. Et nombreux sont ceux qui le réalise au cours de soirée comme celle-ci, quittant la boîte au bras d’un inconnu qui, le temps d’une nuit, occupera leurs pensées et satisfera le plus obscur de leurs désirs.
James ne peut retenir un sourire ravi lorsque Andrea accepte sa proposition. Bien sûr, il se fera une joie de le sauver de son ennui et de cette boîte de malheur. Se promener dans Solem est une option qui lui plaît beaucoup, d’autant qu’il connaît la capitale comme le fond de sa poche. Et puis, quel plaisir de pouvoir profiter davantage des petites pommettes écarlates de ce charmant garçon. Jamie a encore un peu de mal à le saisir. Derrière cette timidité apparente se cache une volonté de suivre ses désirs, comme le prouve la petite proposition dissimulée derrière ses mots. Et plus, hmm ? Un logement en ville, qui plus est ? Voilà qui promet un programme fort intéressante. James ne peut retenir un petit sourire entendu, déjà prêt à le suivre jusqu’au bout du monde. Ainsi, il observe Andrea qui dépose un billet sur le bar et descend de son tabouret, prêt à mettre les voiles. Jamie n’a pas le temps de lui signifier qu’il a donné l’équivalent de deux consommations que le woestanais le somme déjà de le suivre, sûrement impatient de déguerpir d’ici en vitesse. Finalement, le thacien se contente d’esquisser un sourire ravi avant de bondir à son tour de son assise, l’air drôlement pressé de mettre les voiles.
Je te suis, joli coeur.~
Pourtant, c’est lui qui prend la tête de leur duo et qui commence à fendre la foule pour rallier la sortie. Il fait en sorte de demeurer tout prêt d’Andrea, afin de ne pas le perdre de vue. S’il est même tenté de lui prendre la main, Jamie estime que ce serait plutôt malvenu de sa part, alors il n’en fait rien. Il se contente de se retourner régulièrement et de lui servir quelques sourires, le rattrapant dans la foule lorsque cette dernière se referme sur lui. Décidément, James ne supporte plus cet amas d’êtres humains et cette musique qui lui vrille les tympans. Il a plus que hâte d’atteindre la sortie et de s’éloigner de ce brouhaha entêtant. Un marteau-piqueur démolirait son crâne qu’il ressentirait pareille sensations ! Finalement, la sortie apparaît finalement à l’horizon, représentée par une grosse flèche lumineuse. Jamie s’en sert aussitôt de point d’ancrage et, rapidement, il parvient à se détacher de la foule pour atteindre la porte. Cette dernière est déjà ouvertes, et un courant d’air en provenance de l’extérieur renvoie l’odeur âcre des cigarettes. Quelques fumeurs sont en effet amassés sur le trottoir, à piailler comme une petite troupe d’Etourmi sauvages.
Enfin à l’extérieur, Jamie ne s’arrête pas pour autant. Il adresse un petit regard à Andrea, lui intimant silencieusement de le suivre, et disparaît dans une petite ruelle sombre et étroite. Difficile d’y voir grand-chose mais aucun obstacle ne perturbe leur progression et, bientôt, ils aboutissent sur une petite place allumée à la faible lueur des lampadaires D’ici, ils entendent à peine le brouhaha de la boîte. Mais surtout, il n’y a personne à l’horizon. Des bancs en fer s’offrent à eux, tous vides – ils ont l’embarras du choix. C’est sur le plus proche d’entre eux que Jamie se laisse tomber, laissant évidemment une place à Andrea. Ses doigts se perdent un instant dans sa chevelure rouge, qu’il démêle distraitement, avant qu’il se dépose son regard d’acier sur le woestanais à ses côtés. Voilà qui est bien mieux pour papoter ! Personne ne pourra les déranger, ici.
Ça fait du bien ce calme, pas vrai ? La musique de nos jours, c’est vraiment du charabia.
Jamie profite quelques instants de la sérénité des lieux, plongeant son regard dans le ciel s’ouvrant au dessus de sa tête. Si la lune n’est qu’un croissant ce soir, elle est accompagnée d’une myriade de petites étoiles scintillantes. Quelle vue magnifique – James ne s’en lasse pas. S’il n’y connaît pas grand-chose à tout ce qui touche l’espace de près ou de loin, il a toujours prit un plaisir certain à admirer le ciel nocturne.
Alors, Andy – je peux t’appeler Andy ? Que fais-tu dans la vie ? Tu as emménagé à Solem pour le travail ? :copyright: 2981 12289 0
I want the whole world to celebrate austrée - solem
ft. James
Les rayons de lumière, épileptiques, l'odeur musquée de la boîte de nuit, la sueur, les éclats de rire, les danses endiablées… C'est tout cela que fuyait Andrea, au pas de course. Les fêtards se retournaient sur leur passage ; lui essayait de les ignorer. Son regard sombre parcourait la salle plongée dans la pénombre ; il léchait les visages déformés par les éclats lumineux, l'alcool qui coulait déjà à gros goulot dans le sang, l'effort qui suintait sur la peau… Rien, personne. Il ne connaissait personne, par ici. Et pourtant, il était resté une bonne demie-heure… Jusqu'où pouvait-il donc aller pour se faire accepter…? Et dire que c'était un échec… Personne n'avait essayé de le retrouver : pourtant, ce n'était pas faute de ne pas avoir eu le temps… Une pierre roula au fond de estomac ; l'anxiété qui commençait à le gagner redoubla en intensité. Il prit une grande goulée d'air fétide, expira lentement, profondément, et réitéra cette machine plusieurs fois pour faire baisser la pression. On inspire, on expire… Allez, il pouvait y arriver. Il pouvait sortir de cette boîte de nuit, oublier cette soirée, ou peut-être la continuer autrement… Cette dernière idée se répercuta en écho dans son esprit. Le suivait-il toujours…? Ou avait-il trouvé un autre homme plus à son goût dans la foule. Il voulut un instant s'arrêter, se retourner, lui sourire ou… Ou simplement s'assurer qu'il était encore là, mais sortir de ce capharnaüm devenait urgent. Il préférait établir un bilan une fois à l'extérieur.
Le symbole de la sortie se dessina dans l'obscurité. Il brillait de cette lueur verte, aussi verte qu'une jeune pousse qui venait de percer sa petite graine pour voir le jour… Un instant, perdu dans ses pensées brouillées, Andrea se souvint des cours de science et vie de la terre qu'il avait eus au lycée. De ces plants de baies oran qu'ils avaient fait pousser… De l'odeur forte qui avait envahi la classe les jours d'après… C'était une senteur entêtante, quelque chose d'enivrant… Il se la remémora un moment, pour masquer la terrible odeur humaine qui régnait dans ce placard tout vibrant de musiques trop fortes… Vite, la sortie…
Le videur le regarda passer avec étonnement. Il se souvenait bien de cette petite pousse qu'il avait, avant de l'examiner de plus près, prise pour une jeune femme très séduisante. Il travaillait pour cette boîte de nuit aux mœurs dépravées, mais n'en partageait pas les opinions. Le dégoût que lui provoqua la découverte du genre d'Andrea le marqua tant qu'il fut frappé de le voir sortir de sitôt. Il ne fit pourtant aucun commentaire, et continua d'accueillir les fêtards comme il se devait. Il ne remarqua pas non plus ce jeune homme qui suivait l'objet de ses tourments, et qui le prit à part, un peu plus loin, alors que l'étudiant en astrophysique semblait retrouver quelques couleurs. Il s'était assis sur un banc et respirait lentement, profondément l'air frais de la nuit. Solem était brûlante en journée, mais les températures connaissaient une chute drastique dès que le soleil laissait place à sa sœur jumelle, la lune. Cette dernière, petit croissant discret ce soir-là, à bien des nuits de la pleine lune, projetait ses rayons de lumière froide et douce sur le pavé ocre de la ville. Andrea profitait de faible courant d'air qui caressait son visage, et essuyait du bout des doigts la sueur qui était venue gâter son front pourtant poudré. Il frottait alors les pulpes salies les unes contre les autres, pour effacer toute trace de ce fond de teint qui, avec la chaleur moite de la boîte de nuit, n'avait pas pu tenir. Il releva finalement la tête vers Jamie qui l'avait finalement suivi et lui adressa un petit sourire qui avait tout d'une grimace embarrassée. Doucement, il se réveillait de la torpeur qui avait pris possession de son corps et se rendait compte de ce qu'il faisait. Cet homme, aussi aimable et élégant paraissait-il, n'avait rien d'un enfant de cœur. S'il l'avait suivi, c'était bien pour arriver à ses fins, et ce constat alarma l'étudiant que se sentit soudain bien bête. Maintenant qu'ils étaient seuls, l'un en face de l'autre, qui savait ce qui pourrait lui arriver…? Peut-être que ce charmant jeune homme cachait un visage bien plus sombre…? Et lui, il n'avait pas ses pokéball. Il avait laissé tout ce beau monde chez lui. Un soupir vide discrètement ses poumons et il se releva, réajustant son sac sur son épaule : un peu de nerf ; il n'allait rien lui arriver. Non, ils allaient juste discuter un peu, tout les deux, s'aventurer sur le chemin d'une relation saine, apprendre à se connaître… Et la suite, ce n'était pas une finalité en soit.
Comme prévu, James lui intima de le suivre. Andrea acquiesça doucement, son angoisse le reprenant à la gorge pour des raisons différentes, et lui emboîta le pas en silence. Il s'enfoncèrent dans une rue peu fréquentée puis prirent l'embranchement d'un boyau étroit, comme il en existait des milliers à Solem. C'était bien souvent des ruelles désertes, qui bénéficiait d'une ombre salvatrice en pleine journée. Le soir, par contre, elles tronquaient leur atout réconfortant contre une crainte qu'elles inspiraient chez leurs visiteurs. L'étudiant woestanais hésita avant de s'engager, interrogeant son partenaire du regard… Mais ce dernier lui adresse un petit coup d'œil qui se voulait rassurant et dans lequel Andrea ne lut pas la moindre menace. Aussi, après avoir pris une nouvelle goulée d'air vicié par des odeurs peu agréables, il s'avança dans les ténèbres qui maculaient les pavés brisés de cette rue trop silencieuse. Il fut bien étonné d'y découvrir un banc en ferraille rouillée, sur lequel il ne tarda pas à s'asseoir, un peu crispé, les jambes croises, le visage blême. Finalement, il se demandait s'il ne préférait pas le monde étouffant de la boîte de nuit… Désormais, la musique, les éclats de voix n'étaient qu'un murmure lointain. Ils étaient seuls, là, perdus dans la nuit. Personne ne les entendrait. Personne.
Il y eut une petite tension, légère… Chacun attendait que l'autre prenne la parole… Puis ce fut Jamie qui se lança en premier. Des mots banals, mais qui avaient au moins la qualité de détendre l'atmosphère et de relancer la conversation. Andrea acquiesça doucement en guise de réponse, préférant détailler le mur lézardé d'humidité qui se tenait devant eux, plutôt que de faire face à son interlocuteur. Il leva finalement la tête et détailla les étoiles d'un œil forcément intéressé. Ses yeux sombres couraient d'un point lumineux à l'autre, tissés dans cette tenture noire, et il les nommait en silence, dans un coin de son esprit. Il les connaissait presque toutes par cœur, les étoiles… Du moins les plus classiques. Il interrompit ce bal de noms lorsque Jamie parut s'intéresser à lui, dans une tentative discrète de renouer un lien amical. Doucement, Andrea posa ses yeux sur son visage sans défaut, soutint un instant ses prunelles gris perle, et eut un petit sourire pudique avant de concentrer son regard vacillant sur ses mains nouées. Ce qu'il faisait ? Pourquoi il était venu à Solem ? Longue histoire. Longue histoire qu'il n'était pas sûr de vouloir lui raconter. Quelle serait la réaction de cet homme s'il lui avouait être étudiant à la plus prestigieuse école de sciences de Solem ? Se moquerait-il ? L'envisagerait-il autrement…? Andrea avait été de nombreuses fois confronté à ces changements de comportement après avoir avoué son cursus scolaire. Alors, maintenant, il se méfiait. Il préférait être envisagé tel qu'il était vraiment : un jeune homme certes un peu timide mais qui n'avait rien à voir avec un fils à papa coincé et privilégié. La preuve : il venait lui-même d'une famille relativement pauvre. Ses parents l'avaient soutenu dans son parcours, sans pour autant pouvoir lui apporter tout l'argent qu'il aurait nécessité. Heureusement, les bourses accordées par l'état l'aidaient à tenir la route… Mais il avait tant de pressions sur les épaules. Tant de choses à accomplir… Cette pensée tordit ses entrailles. Il passa une main nerveuse dans ses cheveux, les rejetant en arrière. Il sentait le regard de James peser sur ses épaules, l'attente d'une réponse… Que devait-il lui dire…? Être honnête…? Ne dire qu'une partie de la vérité ? Ou tout cacher…? Il soupira et eut un petit rire nerveux avant de hausser tristement les épaules : pourquoi se museler…? Dans le pire des cas, Jamie se moquerait un peu, et Andrea saurait qu'une nuit avec lui n'était pas la bienvenue. Il éclaircit sa gorge et répondit d'une voix qu'il voulait assurée mais qui n'en fut que plus tremblante :
▬ Euh… Je suis étudiant en sciences physiques. Option Astrophysique. J'ai été pris dans l'Université des Sciences de Solem après avoir tenté sans trop d'espoir… Donc, me voilà, j'imagine…?
Il leva un regard plein d'appréhension sur le visage de son interlocuteur, observant sa réaction. Un sourire tremblant fleurit sur ses lèvres ; il se laissa aller contre le dossier du banc et secoua la tête, autant pour se donner du courage que pour démentir toute pensée négative qui aurait pu traverser l'esprit de Jamie :
▬ Mais tu sais, ça ne fait pas de moi quelqu'un de coincé ou d'inintéressant, hein. Je… Je sais vivre, aussi. Alors c'est vrai que je bois pas beaucoup… Mais j'ai des passions, des envies… Enfin bref ! Ne pense pas ça, s'il-te-plaît.
Il avait débité ces paroles à une vitesse surprenante, comme pour se débarrasser d'un sujet qui l'embarrassait passablement. Il ne laissa d'ailleurs pas le temps à Jamie de réagir à tout ce qu'il venait de lui confier, et enchaîna en prenant un ton plus enjoué mais qui se trahissait par son manque de naturel :
▬ Et toi du coup ? Tu as quel âge…? Si tu es de Thacie, tu es venu ici pour quoi…? La famille, le travail…? Dis-moi… Jamie, c'est un surnom ou c'est ton vrai prénom ?
I want the whole world to celebrateft. AndreaWhy d'ya have to be so cute? It's impossible to ignore you, must you make me laugh so much, it's bad enough we get along so well, say goodnight and goLe silence est de la nuit est un réconfort apaisant après l’agression auditive subie dans la boîte de nuit. Jamie savoure le calme en fermant doucement les yeux, se laissant un instant flotter dans la sérénité nocturne. Le brouhaha du Draining Kiss n’est plus qu’un bruit de fond au loin, à peine perceptible, comme les battements des ailes d’une mouche. Il est difficile de croire qu’une grande fête bat de son plein à quelques rues à peine. Les hauts bâtiments de Solem ont un pouvoir d'absorption du son assez impressionnant, mais ce n’est absolument pas James qui compte s’en plaindre. Il est bien content de ne plus avoir à subir ces musiques de barbares qui vrillent les tympans à chaque intonation. Le thacien a beau aimer la musique et ce genre de soirée, là … c’est vraiment trop. Où alors n’était-il tout simplement dans d’humeur, c’est fort possible aussi. Jamie est un véritable électron libre : il dérive au gré de ses envies, et ces dernières vont plutôt volages. Un jour, il souhaitera du calme et de la sérénité, le lendemain, il aura de folles envies d’aventure. Ainsi est-il fait : de vent impétueux et imprévisibles.
Lentement, son regard dérive sur Andrea. Sous la lumière de la lune, son visage plus paraît plus froid encore. Sa peau foncée devient presque noire là où la lune ne l’atteint pas, le plongeant dans une obscurité charmante et mystérieuse. Voilà d’ailleurs le mot qui lui correspond le mieux : mystérieux. Andrea a des allures hautaines au premier regard et pourtant, lorsque l’on s’attarde davantage sur son joli minois, James y décèle une certaine pudeur, mêlée à une timidité attendrissante. Ses yeux en amandes, fardés d’un maquillage marron glacé, semblent toujours alertes, prêt à lui ordonner l’ordre de fuir à tout instant. Dans sa bouche, timidité et franc parler forment un duo étonnant, percutant - charmant, aussi. Andrea semble peser chacun de ses mots avec une infinie précaution, assurant ainsi ses arrières. C’est du moins ainsi que Jamie l’analyse, pour le moment. Sûrement son avis changera-t-il au gré de leur discussion, au gré de leur soirée. Andrea est encore plein de mystères, ce qui le rend si intéressant. On ne lit pas en lui comme dans un livre ouvert … et James se sent sincèrement attiré par cette personnalité mystérieuse.
Finalement, Jamie estime que ce silence réparateur a assez duré, et décide d’y mettre fin en posant quelques questions basiques à sa charmante compagnie. Désireux de faire davantage sa connaissance, il se renseigne quant à la raison de sa présence à Solem. Une discussion comme une autre pour leur permettre de s’apprivoiser petit à petit. James ignore encore quelle tournure cette soirée compte prendre, mais ce n’est absolument pas ce qui l’intéresse, pour le moment. Le thacien n’a jamais été vraiment du genre à vivre dans le futur, de toute façon. Il se contente d’évoluer dans le présent, s’arrangeant néanmoins pour que les choses tournent toujours en sa faveur. Ce soir néanmoins, il lâche toutes les rênes et se laisse guider par la providence. Il verra bien où tout cela les mènera ! Ils pourront tout aussi bien échouer dans un bar à discuter autour d’un verre, se perdre dans une étreinte charnelle, ou demeurer assis sur ce banc, à refaire le monde sous la lumière des étoiles.
Andrea accueille sa réponse avec un silence gêné. Jamie le voit s’agiter un peu sur son côté du banc. Il passe d’abord une main gênée dans sa longue chevelure ébène, puis soupire avant qu’un rire rire nerveux n’agite ses épaules. Il paraît gêné, comme s’il s’apprêtait à avouer quelque chose de très embarrassant. Ce qui ne fait qu'accroître la curiosité de Jamie, bien entendu - officie-t-il dans un travail spécial ? James se souvient de sa rencontre avec un acteur de la pornographie. Il avait beau se filmer en plein ébat plusieurs fois par semaine, il ressentait une certaine gêne à l’avouer. Jamie l’avait trouvé sincèrement adorable. De toute façon, ce n’est pas comme s’il y avait de honte à avoir. Un travail c’est un travail, et comme disait le père de Jamie, il n’y a pas de sous métier. Tout le monde est méritant, quelque soit sa carrière. Bon, sûrement tiendra-t-il un tout autre discours à son propre fils s’il connaissait sa véritable activité mais … ça, c’est encore un tout autre débat, auquel le rouquin ne préfère même pas songer. Tant que monsieur et madame Arrow ignorent ses activités, James pourra dormir tranquillement sur ses deux oreilles.
Néanmoins, la révélation est loin de tout ce que Jamie imaginait. Etudiant en sciences physique, option astrophysique ? Rien que ça ! Le thacien n’est même pas sûr d’avoir la définition exacte de l’astrophysique, mais il se doute que ce n’est pas n’importe quoi. Andrea serait donc un petit intello ? Décidément, il a plus d’un tour dans son sac, ce petit. C’est quoi son prochain tour, un Laporeille sous son chapeau ? Visiblement gêné, Andrea se hâte de nuancer ses propos, et James pousse un petit rire à son adorable tentative. Bah, il n’est absolument pas du genre à juger les gens de cette façon. Il sait très bien que tous les étudiants des grandes écoles ne sont pas qu’une bande de rats de bibliothèque, perdus dans leur monde, ayant perdu tout sens de l’amusement et de la vie en générale. Mais James n’a même pas le temps de prononcer le moindre mot qu’Andrea enchaîne, débitant une longue série de questions. La dernière arrache un petit sourire énigmatique à James, qui rejette quelques mèches rousses en arrière. Ce petit en a vraiment dans la caboche, c’est indéniable.
Ainsi, Jamie croise tranquillement les jambes pour prendre une position plus détendue, plus familière aussi, avant de répondre tranquillement à ses quelques interrogations :
Quel débit ! Alors, pour te répondre dans l’ordre … j’ai vingt-cinq ans, je suis ici à Solem pour le travail et en effet, Jamie est un surnom. Tu es très perspicace toi, hein ?~
Un petit rire secoue ses épaules. Il se doute bien que Andrea attend plus que des réponses aussi simples, mais Jamie ne passe jamais à côté d’une occasion de taquiner ses interlocuteurs. D’autant qu’il a très bien compris la volonté du woestanais de passer à autre chose, afin de dévier la conversation qui s’axait beaucoup trop sur lui. Qu’à cela ne tienne, Jamie compte bien y revenir de toute façon. Il est bien curieux de savoir un peu mieux ce qu’est l’astrophysique. Mais avant cela, il compte développer un petit peu ses réponses, afin qu’Andrea le connaisse un petit peu mieux. C’est là le but de leur présence sur cette place, non ? Si ce n’était qu’une simple histoire de fesse, ils seraient déjà en train de se bécoter quelque part. Néanmoins, et même si l’embrasser est relativement tentant, Jamie garde ses distances, afin de ne pas envahir son espace personnel et ainsi, bien lui faire comprendre que son but n’est absolument pas de le mettre dans un lit illico presto. Voire même pas du tout, d’ailleurs.
Plus sérieusement … je bosse dans la revente de produits étrangers. Je viens souvent en Austrée et notamment à Solem pour négocier avec quelques acheteurs locaux.
Inutile, pour le moment, de lui préciser que ces produits étrangers sont en réalité des drogues venant tout droit d’Unys et que ces fameux acheteurs locaux sont de grands noms de la bourgeoisie solemiennes. Après tout, les détails de ce genre, ça rentre dans le sphère du secret professionnel, n’est-ce pas …? Et de toute façon, Jamie est bien trop prudent pour avouer sa réelle activité au premier venu. Sait-on jamais, s’il leur venait à l’idée de le dénoncer à la police … James ne rêve pas vraiment d’une vie derrière les barreaux, c’est le moins que l’on puisse dire. Les seules fois où il a manqué de se faire coffrer, le manque de preuve lui ont sauvé la mise … sans compter le fait que son propre père est assez haut gradé au sein de la police thacienne. Une aide de poids, il faut bien le reconnaître ! Sans lui, Jamie aurait déjà connu quelques mois de prison. Et la seule idée de s’ennuyer ferme dans une petite chambre de cinq mètres carré le pousse à demeurer discret, malgré sa manie à tout avouer sans la moindre honte. Certaines choses doivent demeurer secrètes … pour son propre bien, évidemment !
I want the whole world to celebrate austrée - solem
ft. James
Sur le banc, Andrea se tendit un peu. Quel idiot de débiter tout un tas de questions comme il venait de le faire…! Il retint tout juste un petit soupir qui lui était destiné. Jamie devait vraiment le trouver bizarre. Peut-être même un peu dérangé… Le genre à fuir. Le genre capable de faire planer l'embarras sur un groupe entier. Doucement, il ramena ses genoux contre son torse, accrochant le talon marqué de ses boots sur le rebord de leur assise. Il fixa d'un œil déconfit les pavés qui laissaient progressivement place à un sol de béton gris sale. Avec les lumières de la nuit, des tâches luisantes ressortaient et donnaient l'impression d'une grande voûte céleste industrielle. L'étudiant, tout honteux de son comportement décousu, typique de ses échanges avec les inconnus qu'il rencontrait, n'osa glisser qu'un petit regard curieux sur le visage parfaitement détendu de son interlocuteur. Le geste qu'il eut pour rejeter ses cheveux en arrière était emprunt d'une nonchalance tout à fait gracieuse. Andrea observa son profil qui se découpait sur les rayons de la lune, se délecta de cette peau laiteuse, de ce nez droit, presque parfait, de ces légères pommettes ciselées, de ces lèvres charnues, ironiques, et enfin de ces longs cils fournis qui donnaient tant d'intensité à ce regard d'acier. Ses joues se parèrent d'un voile carmin. Jamie était tout à fait son style… Il comprenait mieux pourquoi il l'avait laissé le suivre. Avec du recul, il prenait pleinement conscience de ce désir qu'il y avait entre eux. Cette conversation, aussi agréable était-elle, ne durerait sans doute pas éternellement. Le jeune homme fixa la bouche délicate du thacien. Il prit une grande inspiration et détacha son regard vairon du doux minois de son partenaire. Oui. Il avait bien envie de les faire siennes, ces lèvres-là. Et il n'hésiterait pas. S'il était maladroit avec les mots, Andrea l'était moins avec le corps… Embrasser un homme qui lui plaisait n'était pas un acte insurmontable pour lui, bien au contraire.
Il se retint pourtant, écoutant d'une oreille distraite par ses pensées lubriques les réponses de son interlocuteur. Vingt-cinq ans… Automatiquement, l'étudiant calcula leur différence d'âge et sentit un poids s'envoler de son cœur : quatre ans d'écart, ce n'était pas grand chose. Rien comparé à une vie. Quatre ans d'écart, c'était raisonnable. C'était bien. De toute façon, Andrea préférait les hommes plus âgés que lui. Ils étaient généralement plus matures, plus réfléchis… Et d'ailleurs, ses dernières conquêtes le prouvaient bien. Ses petits amis de vingt ans tout au plus n'avait jamais été une réelle réussite… Alors, même pour un coup d'un soir, ce genre de détail avait son importance… Du reste, Andrea fut bien fier de constater que Jamie n'était qu'un surnom. L'intéressé prononçait ce nom avec bien trop de panache pour que ce soit son vrai patronyme. Il opta mentalement pour James. Après tout, c'était le premier prénom qui lui venait à l'esprit… Il attendit une confirmation et éprouva une légère frustration en comprenant que son interlocuteur ne lui ferait certainement pas ce plaisir. De nouveau, il se tourna vers le thacien et fit une petite moue pensive : c'était voulu, bien sûr. James avait l'air calculateur et taquin. Au fond, ce n'était pas pour déplaire à l'austréen qui, malgré les apparences, appréciait les forts caractères. Il les admirait, les enviait. Lui aussi aurait aimé avoir une telle personnalité. En imposer au premier coup d'œil, à la première phrase… Malheureusement, ce n'était pas le cas… Il s'écrasait même devant ces personnages extravagants… Mais, étonnamment, aux côtés de ce garçon, il se sentait relativement à sa place. À l'aise, ou plutôt beaucoup moins embarrassé qu'à son habitude.
Un sourire flatté étira joliment les lèvres bien dessinées du jeune homme. Perspicace ? C'était gentil. Si seulement… Le rire franc de l'étranger dispersa une vague de chaleur dans son ventre. Il attendit la suite avec impatience et pouffa un peu en apprenant le métier de James. La revente de produits étrangers ? Un rictus malicieux assombrit un instant son visage : fournisseur de drogues dures plutôt, non ? Ce ne serait pas bien étonnant… Après tout, Jamie avait ce petit air coquin qui collait bien à ce genre d'activités illicites… Mais il ne fallait pas vendre la peau de l'Ursaring avant de l'avoir tué.
Petit à petit, Andrea regagnait son calme et une assurance à laquelle il ne goûtait que très rarement. Son interlocuteur savait le mettre à l'aise. Il se laissa doucement aller contre le dossier du banc, se tourna tout à fait vers lui et appuya son visage contre sa main pour se mettre tout à fait à l'aise et mieux l'observer : beau parleur, drôle, gentil, dragueur… Une personnalité colorée et acidulée qui le charmait sans trop d'effort. Il soupira doucement en comprenant que Jamie était bien décidé à parler de lui, malgré cette tentative désespérée de ce faire oublier un peu plus tôt. L'étudiant haussa doucement les épaules, souriant gentiment, et plongea ses prunelles indéfinissables dans les iris acier du thacien :
▬ L'astrophysique…? Eh bien, c'est une branche de l'astronomie. En clair, j'étudie la physique et les différentes propriétés des corps de l'univers. Les étoiles, les comètes, les planètes… Et plein d'autres choses. C'est passionnant.
Le regard circonspect que lui adressa Jamie lui décrocha un petit rire, et il s'approcha doucement de lui, libérant la main sur laquelle il s'appuyait pour caresser le tissus relativement fin de son haut. Il chercha dans ses yeux une protestation à ce premier contact physique, et, n'y trouvant rien d'alarmant, remonta ses doigts jusqu'à la naissance de son cou, effleurant sa peau laiteuse avec délice. Une sensation agréable se fit une place dans son ventre et sa poitrine. Il attarda ses prunelles vives sur ce visage de mannequin, sur ces mèches carmins puis sur ces lèvres délicieusement attirantes, et reprit la parole sur un ton plus doucereux qui appelait à une suite désormais inexorable :
▬ Quoi ? ~ Tu ne me crois pas ? Il esquissa un petit sourire étrangement charmant qui illumina ses traits et approcha doucement son visage du sien, se noyant tout à fait dans ses iris argentés, qui reflétaient si bien la douce lumière de la lune. Si je te dis que tes beaux yeux me font penser à une jolie nébuleuse, ça te plaît pas ? ~
Délicatement, répondant à un désir qui se faisait désormais impérieux, Andrea effleura les lèvres de Jamie, sans pour autant s'attarder, le dévorant du regard. Son cœur battait à une allure effrénée dans sa poitrine. Il rougit un peu, s'écarta légèrement, et prit une grande inspiration avant de continuer sur un ton un peu plus sérieux :
▬ Tu veux bien qu'on évite de parler de mes études…? Ce n'est pas pour ça que j'ai signé ce soir, vraiment.
I want the whole world to celebrateft. AndreaWhy d'ya have to be so cute? It's impossible to ignore you, must you make me laugh so much, it's bad enough we get along so well, say goodnight and goLa brise fraîche du soir picote délicieusement les joues de Jamie. Solem a beau se dresser au milieu d’un désert, les nombreux cours d’eau sillonnant la ville et la proximité de l’oasis la baigne dans une humidité agréable. Sans ça, les journées seraient étouffantes, sûrement plus encore qu’à Woestan. Néanmoins, la nuit venue, les températures chutent et il y fait délicieusement frais. Une particularité du désert que James a toujours trouvé sincèrement fascinante. Comment les températures peuvent-elles autant changer entre le jour et la nuit ? Lorsqu’il est arrivé à la capitale austréenne en début de journée, il y faisait une telle chaleur qu’il en a sué dans ses vêtements. Et maintenant, il frissonne presque, appréciant la longueur de ses manches. Il se demande même comment Andrea fait pour ne pas avoir froid, habillé comme il est. Une histoire d’habitude, sans doute - sûrement les températures nocturnes de Woestan ressemblent à celles de Solem. James ne reste jamais suffisamment longtemps en Austrée pour se familiariser avec le climat - de toute façon, il préfère largement sa belle Thacie et ses chaleurs tropicales. Depuis tout petit, James se drogue à l’air iodé du port de Mésoé. Et même s’il a décidé d’habiter à Euranie, il sait la mer proche et c’est bien tout ce qui lui importe.
Néanmoins … il faut bien reconnaître que Solem possède quelques qualités. Notamment sa jeunesse à l’esprit de plus en plus ouvert, avec laquelle il se familiarise sans trop de mal. Il y a quelques années encore, il était bien difficile de croire qu’une boîte gay ouvrirait ses portes au centre même de la capitale. Quel magnifique bond en avant - une évolution inespérée pour la communauté LGBTQ+ luttant activement pour ses droits. Même s’il reste encore beaucoup de chemin à faire sur la route de l’acceptation, les choses avancent malgré tout et Jamie est très satisfait de le constater. Sûrement Uth n’y est-elle pas pour rien … mais le contrebandier ne connaît pas suffisamment l’implication de ce parti politique dans toute cette avancée pour leur attribuer les honneurs. James préfère penser que tout cela résulte d’une prise de conscience collective. Il y aura toujours quelques perturbateurs, des personnes bien trop engoncées dans leurs valeurs pour voir plus loin que le bout de leur nez, mais à terme, ils ne seront plus qu’une minorité. Et bientôt, ils se feront submerger par la masse : c’est inévitable. C’est ainsi que Jamie prédit les choses du moins - en espérant que ça se passe dans les meilleures conditions possibles, évidemment.
En tout cas, il en doit une au Draining Kiss car même si elle n’est qu’une horrible boîte de nuit aux musiques barbares, elle a au moins eu le mérite de lui faire faire une belle rencontre. Andrea est vraiment un garçon à son goût. La profondeur de son regard l’attire comme un aimant, et James goûterait bien à ses jolies lèvres fines. Petit à petit, il semble se détendre et gagner en assurance. Le thacien parvient-il à le mettre à l’aise ? Voilà qui lui plaît beaucoup. Désormais, le woestanais lui fait face sans chercher à fuir son regard. Il adopte même une attitude plutôt détendu, bien calé contre le banc, sa main soutenant sa joue. Petit à petit, les deux hommes s’apprivoisent et les barrières tombent. Un petit sourire ravi étire les lèvres de James alors qu’il admire ce magnifique visage, le détaillant une nouvelle fois entièrement, uniquement pour le plaisir. Jamais encore le charme l’austréen ne lui avait autant plu - sûrement parce qu’il se dégage bien plus que cela d’Andrea. Son regard acier retrace ses paupières fardées, ses iris particuliers, sa bouche délicate et son menton légèrement pointu - comme il aimerait les redessiner du bout de ses lèvres … la tentation est forte. Jamie sait pertinemment qu’il finira par y céder.
Pour autant, il reste tranquillement de son côté du banc, l’air totalement détendu, les muscles parfaitement relâchés. Il se sent à son aise, aussi bien qu’un Poissoroy dans un étang. De l’autre côté du banc, Andrea pousse un léger soupir : sa pirouette pour échapper à l’attention s’est vouée par un échec. Néanmoins, il cède au questionnement de Jamie, lui répondant avec un joli sourire. L’étude des corps célestes, hmmm ? Pour James, ça veut tout et rien dire à la fois. Néanmoins, il comprend toute la difficulté et l’intérêt d’une telle branche. L’espace est une curiosité pour énormément de monde et pour cause, il est parfois difficile d’imaginer que la Terre n’est qu’un petit grain de poussière sans une immensité. Néanmoins, l’étudier est un niveau au dessus. Andrea doit sincèrement être passionné, et James l’admire énormément pour ça. Ce n’est pas n’importe qui qui se lancerait dans de telles études, passion ou non. Elles doivent demander beaucoup de travail et de rigueur, ainsi qu’un intérêt vraiment prononcé pour le sujet. Le regard de James se lève un instant vers le ciel étoilé : lui ne voit qu’un plafond d’encre piqué de magnifiques points lumineux, mais Andrea doit y voir une multitude de corps célestes aux noms farfelus. Sûrement qu’une discussion avec lui sur ce sujet doit être passionnante à souhait.
Néanmoins, Jamie ne peut retenir un petit air circonspect, ce qui arrache un petit rire à Andrea. Doucement, le woestanais se détache du dossier du banc pour se rapprocher de lui. Ses doigts se perdent sur le haut de James, qui le regarde faire avec intérêt et fascination. Ce rapprochement n’est absolument pas pour lui déplaire, c’est bien le moins que l’on puisse dire. Andrea remonte sa main jusqu’à la naissance de son cou, et sentir la pulpe de ses doigts contre sa peau lui arrache un petit sourire impatient. La suite de la soirée lui semble déjà toute tracée, mais Jamie ne cherche absolument pas à précipiter les choses. Il perd plutôt son regard dans celui d’Andrea, appréciant leur nouvelle proximité. Son visage n’est plus qu’à un souffle du sien, son parfum envahit son nez et répand une chaleur agréable dans son ventre. Les mots d’Andrea sonnent joliment à ses oreilles. Ses yeux, semblables à les nébuleuses ? Hmm, quoi que puisse être une nébuleuse, Jamie apprécie sincèrement le compliment. D’autant que le woestanais ponctue son compliment en effleurant doucement ses lèvres, réveillant une légère frustration en Jamie. Il veut plus que ça - beaucoup plus que ça. Et pourtant, déjà, Andrea s’écarte, refusant de parler davantage de ses études. James sourit de toutes ses dents : lui non plus, au final, ne veut pas en savoir davantage sur l’instant.
Doucement, il tend sa main en direction du beau garçon pour caresser sa joue. Sa peau est douce, délicate - un peu fraîche, aussi. Du bout de son pouce, il effleure un peu sa lèvre inférieure, désireux. Andrea a dit lui-même : il a signé pour tout autre chose ce soir. Et si Jamie n’avait pas forcément tout à fait prévu que ça se finirait comme cela … ce serait mentir que de dire que le programme ne lui plaît pas. Alors à son tour, il comble la distance qui les sépare et approche son visage du sien. Leurs nez s’effleurent, leurs souffles se mêlent. Pour autant, le thacien ne vient pas encore embrasser cette bouche qu’il désire pourtant ardemment. Avant cela, il doit bien quelques petits mots à Andrea :
Tu caches bien ton jeu, hein ? Un moment tu es timide, l’instant d’après tu me provoques … ça me plaît beaucoup.
Enfin, il réduit la distance qui les sépare alors qu’il capture doucement ses lèvres, goûtant enfin à cette bouche sexy et tentatrice. Le baiser est encore chaste, voire même un peu pudique. James prend la température, s’assure qu’Andrea en a envie aussi. Ce n’est absolument pas son genre d’ajouter la langue au premier baiser et d’ailleurs, ce n’est absolument pas ce qu’il préfère. Au contraire, il aime mêler simplement sa bouche à une autre, prendre possession des lèvres et les laisser toutes roses sur son passage. D’ailleurs, les baisers plus poussés, il les réserve plutôt aux préliminaires : il aime faire grimper le désir de son partenaire en le couvrant de douces attentions, en cherchant ses points sensibles, en titillant sa libido. Pour le moment, Andrea et lui en sont encore loin. Si ça se trouve, ils n’iront pas plus loin que quelques baisers. Bien évidemment, Jamie a envie de plus mais ce n’est absolument pas dans ses habitudes de forcer ses partenaires à quoi que ce soit. Lorsqu’il prend la tête des opérations, il est plutôt doux, curieux, avenant. Et selon comment son partenaire réagit, les choses évoluent. Ce n’est néanmoins pas forcément le cas lorsqu’il se laisse faire par d’autres mais ça … c’est un autre sujet, auquel il ne veut pas penser sur le moment.
Finalement, Jamie le relâche et se recule doucement. Sa main reste néanmoins ancrée sur sa joue, alors de conserver cette proximité entre eux. Ses doigts caressent tendrement sa peau, appréciant la souplesse de son épiderme. Son regard ne se détache pas du sien, appréciant leur couleur particulière et leur intensité. Jamais de sa vie James n’a vu d’aussi beaux yeux - ils le captivent tant qu’il a bien du mal à s’en défaire. Et d’ailleurs, il n’essaie même pas.
Pour quoi as-tu donc signé pour ce soir, joli coeur ? Je suis curieux de le savoir.
I want the whole world to celebrate austrée - solem
ft. James
Il y avait vraiment des soirs où l'austréen ne se reconnaissait pas dans ce comportement aguicheur. Lui, adolescent, qui rêvait du grand amour et qui ne jurait que par les relations sérieuses, tombait bien bas. C'était un besoin. Le besoin de se sentir aimé une soirée, ou du moins, de se sentir désiré. En produisant cet émoi chez les hommes, Andrea avait l'impression de plaire. Peut-être qu'un jour, il rencontrerait la bonne personne. En attendant, il prenait le temps de tromper sa solitude. Réchauffer ses draps avec la présence d'un inconnu avait quelque chose de réconfortant. Mais, la nuit même ou le lendemain matin, quand ce partenaire d'un soir s'éclipsait, il retombait dans une mélancolie douloureuse.
Le contact furtif des lèvres du thacien contre les siennes avait réveillé un désir mécanique dans son bas-ventre. Un désir qui, un instant, le dégoûta profondément. Il retint un léger soupir, posa une question qu'il regretta tout de suite après… Une sorte de diversion à son propre malaise. Ses études… Qu'est-ce qu'il en avait à faire, qu'ils parlent de ses études ? Était-il si désespéré que ça…? Comme s'il s'inquiétait que James ne veuille pas coucher avec lui ce soir… Aucune crainte à avoir là-dessus. Aucun homme accosté dans une boîte de nuit ne cracherait sur une telle occasion. Un léger frisson parcourut ses épaules. Il jeta un petit regard timide vers son interlocuteur dont les lèvres fines s'étaient parées d'un sourire à la fois flatté et carnassier. Lui n'avait pas l'air d'être très perturbé par la situation. Même plutôt intéressé. Une vague de chaleur se répandit dans le ventre de l'austréen qui se surprit à retenir un court instant sa respiration lorsque James réduisit à nouveau l'écarte entre leurs deux visages, laissant une main s'échouer sur sa joue et doucement caresser sa peau. Sa douceur, sa langueur encouragèrent Andrea à se laisser faire. Il plongea son regard dans le sien, se délecta de la chaleur et du désir qui brillaient au fond de ses pupilles, frissonna lorsque leurs nez se frôlèrent… Un tremblement causé par son émoi dégringola le long de sa colonne vertébrale.
Ses mots lui décrochèrent un petit rire et embrasèrent ses joues. La gentillesse de ce garçon effaçait le reste. Les sentiments négatifs qu'Andrea pouvait ressentir, les doutes, le dégoût de lui-même… Avec ce garçon-là, il n'y avait rien à craindre. La soirée ne pourrait être que réussie. Aussi répondit-il par un petit sourire pudique et quelques mots à peine prononcés :
▬ T-Tu me plais, c'est tout…
Incapable de retenir son impatience, Andrea réduisit en même temps que James les quelques centimètres qui séparaient encore leurs lèvres. Le baiser que le thacien lui offrit accéléra les battements de son cœur. Il ne le relança pourtant pas, préférant garder la suite pour plus tard, et logea une main légère sur sa taille, descendant légèrement pour caresser ses hanches. Pour une fois, soutenir le regard d'un quasi-inconnu ne lui posait pas tant de problème. Ses caresses, douces, fluides, lui donnaient envie de plus, de beaucoup plus. L'idée de la nuit qui les attendait était particulièrement alléchante… Il se produisait étrangement une sorte d'osmose entre eux. Un accord silencieux, tacite les liait. Un sourire tout aussi sournois que celui de James anima son visage et il vint furtivement poser un baiser sur sa joue :
▬ Pourquoi tu me demandes d'expliciter une telle chose…? ~ C'est pas plus agréable si tout est implicite…? Moi je trouve ça plus sexy… Mais si tu veux, on peut aller en discuter chez moi…? ~
Accueil
Calendrier
Dernières images
FAQ
Rechercher
Membres
Groupes
S'enregistrer
Connexion
