Un long bâillement échappe à Louka tandis qu’il repose sur ses genoux le roman qu’il lit depuis maintenant plus de deux heures. Pour une raison qu’il ignore, Mésoé semble en pleine effervescence depuis ce matin. De ses fenêtres, il aperçoit les thaciens aller et venir dans la rue, dans une ambiance encore plus joyeuse qu’à l’accoutumée. S’il a bien tenté de profiter de sa terrasse pour y bouquiner tranquillement, il s’est vite retranché dans son salon pour échapper aux cris des enfants et aux brouhahas incessants de leurs parents. Sûrement doit-il se préparer quelque chose dans le coin … un fête de village, un grand mariage, l’anniversaire d’une personne connue ? Il ne saurait le dire, mais toute cette agitation ne lui plaît guère. Parfois, Louka se rappelle avec nostalgie de sa tendre Isslot, dont la neige étouffait les éclats de voix. ll aurait tant aimé y retourner, mais cela n’aurait pas été prudent. Dans le Nord, un gars dans sa situation n’aurait aucune chance. Du moins … tout serait cent fois plus difficiles. Or, il souffre assez de son handicap pour ne pas amener davantage d’eau à son moulin.

Louka cale son marque-page - du moins, son vieux morceau de journal déchiré faisant office de marque-page - entre deux chapitres de son livre et le referme doucement. Ce n’est pas vraiment le genre de lecture qui le passionne, mais au moins ça l’occupe. L’histoire prend place dans un Kanto ancien, à l’époque des samouraï, et relate une histoire d’amour difficile entre un jeune guerrier renié par son clan et la fille de l’empereur. Une histoire d’amour à l’eau de rose, cousue de fil blanc, mais il a le mérite de lui prendre un peu de temps. Le livre est plutôt volumineux, bien cinq-cent pages sans compter les annexes historiques. Ce n’est bien évidemment pas Louka qui irait acheter ce genre de chose : il l’a trouvé dans le placard de la chambre, probablement oublié par les anciens locataires. Louka est tombé dessus par pur hasard, en passant un coup de torchon sur les étagères. Malgré sa condition, il tient à faire le ménage dès qu’il le peut et s’il n’a pas évidemment pour lui de donner un coup d’aspirateur, faire la poussière reste à sa portée … du moins, pour ce qu’il peut atteindre, bien évidemment. 

Bref, tout ça pour dire que pour occuper son temps, Louka lit. Ce n’est pas l’une de ses activités favorites mais faute de mieux, il se rabat sur ce qu’il trouve. Mais maintenant qu’il a terminé son chapitre, il aimerait bien faire quelque chose d’autre. Alors le garçon s’étire de tout son long, tendant sa colonne vertébrale et ses bras, réveillant ses muscles ankylosés par leur longue inactivité. Il étire ensuite ses jambes, non sans une légère douleur, et gigote un peu sur son fauteuil, pour ne pas garder trop longtemps la même position. La peur de développer une escarre suffit à ce qu’il y fasse attention, même quand il estime être dans une position assez confortable. Pendant ses premières semaines en fauteuil, il a eu l’immense chance de tâter de sa première escarre et depuis, Louka veille à ne surtout pas en avoir une autre. Ca fait un mal de chien, et l’idée de rester à plat ventre le temps qu’elle se soigne ne l’enchante guère. Une fois cela fait, il se dirige vers sa cuisine et plus précisément son réfrigérateur, duquel il sort une citronnade. Il fait tellement chaud en Thacie qu’il doit veiller à toujours bien s’hydrater - et pour lui, rien de mieux qu’une eau aromatisée au citron. L’acidité l’attire beaucoup plus que la fadesse de l’eau. 

C’est alors qu’il entend tambouriner à sa porte. Surpris, Louka jette un coup d’oeil à sa montre. Qui cela peut bien être, à cette heure-ci ? Et puis … qui peut bien lui rendre visite ? Le seul qui se pointe quotidiennement chez lui, c’est Ashley mais c’est encore trop tôt pour ça. Quelque peu circonspect, l’ex-jockey abandonne sa citronnade sur la table et roule jusqu’à la porte d’entrée, qu’il déverrouille d’un mouvement de clé. Grande fut sa surprise en découvrant son infirmier sur le perron.

Mais qu’est-ce que tu fais déjà là ? Tu as oublié tes horaires ? Ou alors, tu es vachement en avance sur tes tournées quotidiennes.

Jamais auparavant Louka n’a eu à faire à une telle apparition. Alors qu’il s’attendait à découvrir son infirmier de sa tenue habituelle – dans ce rose qui ne sied absolument pas à un homme – le voilà qui fait face … à un déguisement grotesque ? Il ne saurait vraiment le décrire, en vérité. Et Louka ne sait pas ce qui le dérange le plus entre ce kimono court ou cette coiffure ridicule – mais dans les deux cas, impossible de retenir une grimace. Pourtant, en soi, la tenue est jolie. Le tissu jaune piqué d’étoiles blanches se marie à merveille avec la ceinture grenat et Louka y reconnaît aussitôt un certain hommage à Jirachi, le petit dieu adoré des Thaciens. Du coup, les rubans dans les cheveux d’Ashley font bien plus sens maintenant qu’il a compris l’esprit, mais quand même … ! Cette tenue, elle est faite pour une femme, pas pour un homme. Quoi, c’est un carnaval qui se prépare en Thacie et qui cause toute cette agitation depuis ce matin ? Il ignorait qu’un événement de ce genre se préparait. Généralement, en cette période, c’est plutôt l’Austrée et le Septrion qui sont en fête, dans le cadre du Solstice d’Été. D’ailleurs, ce soir-même, à Venyys, seront lâchés de nombreux lampions au dessus du lac, pour fêter son dégel et le retour des temps plus doux. La neige a-t-elle commencé à fondre à Isslot … ? Sûrement. Et les enfants doivent en profiter pour déclarer leur dernière bataille de boules de neige. Même si, dans le Septrion, la poudreuse revient aussi vite qu’elle disparaît, en général.

Bref. Jamais Louka n’a autant eu envie de lui claquer la porte au nez. Et pourtant, Arceus sait à quel point il en a ressenti l’envie dernièrement. Un matin où il se lève du pied gauche et … la simple visite matinale de l’infirmier suffit à sincèrement l’agacer. Le voir tout pétillant dès le matin, ça le fatigue autant que ça l’énerve. D’autant que Louka apprécie rarement les programmes savamment concoctés par Ashley. Reprendre la kinésithérapie après tant de semaines sans, c’est douloureux. A chaque fois, il a l’horrible l’impression que le moindre effort demandé à ses jambes mèneront à leur rupture complète – une peur stupide, puisque cela n’arrivera jamais. Mais Louka fait une fixation sur ses jambes depuis son accident, la peur de les perdre définitivement lui faisant développer des craintes diverses et variées. L’idée de ne plus pouvoir les bouger comme au tout début le terrifie, le hante et le tétanise. Et pourtant, ironie du sort, ce sont justement ces exercices qui lui permettront de retrouver petit à petit l’usage de ses jambes. Une guérison complète n’est pas envisageable malheureusement, mais ça ira de mieux en mieux, suffisamment pour qu’il puisse marcher. Quitter ce fauteuil est devenu un rêve irréalisable pour lui et, pourtant, en continuant ses efforts, il deviendra très sûrement réalité…

Mais ce n’est pas le sujet du soir parce que, de toute évidence, ce n’est absolument pas dans le cadre du travail qu’Ashley se trouve-là ce soir. Après quelques imitations grotesques de sa personne pour relever son manque de politesse, le voilà qui s’apprête à l’embarquer pour la célébration de ce soir. Mais Louka ne l’entend absolument pas de cette oreille. Non, il ne compte pas enfiler une tenue festive pour aller s’amuser en ville avec lui. Hors de question de ce joindre à une quelconque célébration, il préfère rester tranquillement chez lui. Il ignore bien ce qu’il se trame en ville mais étant donné l’allure de Ashley, ça ne lui dit absolument rien qui vaille. Qu’est-ce qui lui prouve qu’il ne l’embarque pas dans une sorte de soirée pour gay, hmm ? Hors de question de mettre les pieds – ou plutôt les roues ? - dans un endroit pareil. Alors le Septrionnien secoue vivement la tête, déclinant cette invitation comme un enfant refuse de prendre son médicament pour la toux.

Très peu pour moi. Vas-y tout seul. Les soirées déguisées ce n’est pas mon truc de toute façon.

Un haussement d’épaule, un bref mouvement de la main, et le voilà déjà qui fait tourner les roues de son fauteuil pour s’éloigner de l’entrée. Pas besoin de refermer la porte lui-même, Ashley saura le faire. En espérant, bien évidemment … qu’il accepte de repartir. Parce que le connaissant, il va insister, insister, insister … jusqu’à ce que Louka accepte, plus par dépit que par réelle envie. Il sait le travailler au corps, cet énergumène. Et franchement, cela agace l’ex-jockey. Il n’aime pas se sentir sous le joug de quelqu’un, et surtout un type de ce genre. Finalement, il a vraiment fait une grosse erreur en l’embauchant … parce que maintenant, il s’accroche à sa bourre comme un Statitik. Parviendra-t-il seulement à s’en débarrasser ce soir ? Louka en doute sincèrement ...

Pendant un instant, un très court instant, Louka y a cru. Il a cru à un sursaut de bon sens de la part d’Ashley, il a cru à son départ et au retour de sa tranquillité. Mais ce serait très mal le connaître – voire ne pas le connaître du tout. Car Louka ne peut clairement pas considérer connaître Ashley comme s’ils avaient élevés les Gruikui ensembles, mais suffisamment pour connaître son entêtement et sa tendance à faire ce qu’il veut, qu’importe l’avis des autres. Si l’infirmier a décidé de le traîner à cette petite fête, l’ex-jockey ne pourra y échapper. Et ce n’est pas comme s’il posait lui opposer une véritable résistance : coincé dans son fauteuil roulant, il n’a pas apte à lui échapper. De ce fait, lorsqu’il sent les mains de Ashley se refermer sur les poignées de son fauteuil, Louka sait qu’il est fait comme un Rattata. Adieu, sa soirée lecture sur le canapé. Adieu, sa fin de soirée tranquille. Lorsque Ash le bascule légèrement vers l’arrière, afin d’empêcher toute tentative de fuite, Louka pousse un petit hoquet de surprise. Il déteste cette sensation qui lui retourne le coeur à chaque fois, et lui rappelle la fois où Stardust s’est cabrée pour le désarçonner, juste avant de tomber à son tour – pour ne plus jamais se relever.

Refoulant du mieux qu’il le peut l’émotion qui le prend à la gorge, Louka reste muet comme une tombe lorsque Ashley recule pour le ramener dans l’entrée, puis dans le couloir de l’immeuble. Il y règne l’habituelle odeur de renfermé qui lui donne des nausées. C’est à peine s’il écoute l’infirmier, qui parle d’heure d’il-ne-sait-quoi, puis d’un verre. Ah, mais bien sûr ! Il y croit vraiment ? De toute façon, il ne lui a même pas laissé l’occasion d’attraper son sac. Actuellement, il n’a absolument rien sur lui. Ni ses papiers d’identité, ni son holokit, ni même une simple pièce. Même ses propres clés atterrissent au fond du sac d’Ashley. En d’autres termes, Louka sera totalement dépendant de lui tout au long de la soirée. Ce qui a le don de sincèrement l’agacer : quand on ne lui laisse pas le choix comme ça, il a la désagréable sensation de revenir à l’hôpital, lorsqu’on l’infantilisait, et qu’on le traitait comme une petite chose incapable de faire des choix ou de se débrouiller tout seul. Une colère sourde s’empare de lui mais il ne pipe pas un mot. Plus vite ils partiront, plus vite ils rentreront, non ?

On fait un aller-retour. De quoi se mettre dans l’ambiance, voir une danse traditionnelle et faire un vœu et après je te ramène… Puis, c’est pas comme si tu avais mieux à faire de ta soirée, hm ? ~

Louka se contente de lui répondre d’un grognement agacé. Bien sûr qu’il a mieux à faire de sa soirée. Finir son bouquin, avaler un repas léger, et au dodo. Sa vie n’a absolument rien de palpitante, certes, mais elle est ainsi. Ce n’est pas comme si, dans sa condition, il pouvait se permettre mille et une folies. Il a alors une pensée pour Vesta, demeurée seule dans le salon étroit. Bah, elle saura se débrouiller toute seule, ce n’est pas un vrai problème. Mais la pauvre n’a du rien comprendre à la situation. Néanmoins … elle n’a pas empêché Ashley de le kidnapper pour autant. La traîtresse ! En attendant, les voilà qui quitte finalement l’immeuble et Louka avise le ciel qui s’assombrit progressivement. Dans les rues, de nombreuses personnes convergent vers le centre-ville, certains en tenues civiles, d’autres parés du même genre d’apparats que Ashley. De toute évidence, cette éclipse lunaire attire les foules … Ah, rien qu’à jour tout ce monde, Louka est déjà fatigué.

C’est alors qu’ils s’engagent dans la rue principale menant au centre-ville que Louka aperçoit un éclair bleu à sa gauche. Quelque peu surpris, il épie les alentours mais ne voit rien – aurait-il rêver ? Et c’est au moment où il s’apprête à abandonner qu’un Pokémon lui bondit soudain sur les genoux. Surpris, Louka laisse échapper un petit cri de stupeur qui résonne dans la rue. Quelques têtes pivotent dans sa direction, mais l’ex-jockey n’en a cure. La créature sur ses genoux ressemblent à un Nymphali, mais à l’inhabituel pelage bleu. Comme effrayé, le Pokémon tremble tout son corps en gémissant, recroqueviller sur les genoux de Louka. Ce dernier, ne comprenant pas vraiment ce qu’il est en train de se passer, lance un petit regard désespéré en direction de Ashley :

Fais quelque chose ! Je ne connais pas ce Pokémon ! Pourquoi il est sur moi, d’ailleurs ? Enlève-le !

Une succession d’ordres et de questions que Louka crie presque, totalement dépassé par les événements. D’un côté, il aimerait repousser le Pokémon lui-même mais de l’autre, il craint de se faire mordre. D’autant que le Nymphali paraît totalement paniqué, et que des petits cris de peur lui échappent inlassablement de la gorge. Que s’est-il donc passé pour qu’il en vienne à sauter sur les genoux d’un inconnu ? Pour sûr, quelque chose ne tourne pas rond par ici … !

Louka déteste sentir un poids sur ses genoux. Il y a quelques années encore, ce n’était absolument pas un problème, et il adorait lorsque Vesta – encore Caninos – roupillait tranquillement sur lui. Tout a basculé le jour où il s’est réveillé dans sa chambre d’hôpital, incapable de remuer les jambes ou de déplacer le bas de son corps. A partir de là, tout est devenu terrible. Sa rééducation avançant, l’idée de tout reperdre à nouveau le hantait nuit et jour. De cela découlait la peur terrible de se lever, de bouger ses jambes, de porter quelque chose sur ses genoux. Comme si un simple mouvement suffirait à détraquer la machine à nouveau et le précipiter dans un terrible lit d’hôpital. Seules les choses qu’il dépose de lui-même sur ses genoux ne le dérangent pas vraiment. Généralement, il fait en sorte que ça ne soit pas très lourd, que ça ne bouge pas également. Alors une créature bien vivante, d’un certain poids – celle-ci doit faire dans les vingt kilos, peut-être un peu moins – ça le met tout de suite dans tous ses états. Pourtant, le Pokémon bleu ne remue pas tant que ça, mais sentir soudain sa masse atterrir sur ses jambes fragiles réveillent des peurs enfouies mais belles et bien présentes – Louka frise la crise de panique, le coeur battant à tout rompre dans sa poitrine.

Et bien évidemment, l’inaction de Ashley l’énerve d’autant plus. Il ne sert définitivement à rien ! Il préfère lui donner des ordres et s’agenouillant à la hauteur de la créature effrayée. Celle-ci échappe à sa main tendue en se blottissant davantage contre le torse de Louka, qui esquisse une grimace dégoûtée. Il ignore bien ce que ce Pokémon lui veut, mais ce n’est pas de lui qu’il doit espérer quelque chose, ah ça non ! L’ex-jockey ne veut rien à voir à faire avec un Pokémon inconnu débarquant de nulle part. Certes, son état est inquiétant mais … il doit bien appartenir à quelqu’un, non ? Louka regarde bien à droite, puis à gauche mais … personne ne semble à la recherche de son Pokémon. Quelques passants les dévisagent avec surprise et curiosité, mais c’est tout. Génial ! C’est bien sa veine, ça. Est-ce qu’il va devoir faire comme sa voisine, lorsqu’il était tout gamin ? La vieille femme vivant au côté de la cordonnerie avait un jour égaré son Skitty et, afin de le retrouver, elle avait placardé des affiches partout en ville. Stratagème efficace, car son précieux chaton lui a été rendu le lendemain. Le processus doit également fonctionner dans le sens inverse : signaler la découverte d’un Pokémon visiblement perdu dans l’espoir de trouver son propriétaire .. pff, quelle perte de temps.

Et sans transition aucune .. en voilà un autre qui arrive ! Bien rose cette fois-ci, ce Nymphali ne semble pas dans un meilleur état. Néanmoins, la méfiance brille au fond de ses prunelles et il darde sur Louka un regard presque agressif. Et bien sûr, Vesta et Asès sont restés à la maison … ! Si le désir de ce Pokémon est d’en découdre, Louka serait bien incapable de se défendre. Ce n’est pas comme s’il peut compter sur la créature bleue sur ses genoux. Même s’il semble se détendre un peu en avisant son congénère, il reste camper sur Louka, le corps encore tout tremblotant. Décidément, il n’y a rien qui va aujourd’hui. Heureusement, le Nymphali rose finit par s’immobiliser à une distance raisonnable de l’ex-jockey, ses rubans se balançant mollement dans la brise du soir. Quant au bleu, il se couche misérablement sur les genoux de Louka, poussant des petits geignements comme pour réclamer des caresses. Que faire ? Céder à sa demande en espérant qu’une fois satisfait, il mettra les voiles ? Mouai, Louka n’est absolument pas persuadé de ça. Pour autant, il plonge des doigts hésitants dans sa fourrure bleue, sentant presque automatiquement ses côtes à travers sa peau. Ce pauvre Pokémon est famélique, et blessé de partout. Qu’est-ce qui a bien pu lui arriver … ?

Surveille l’autre … lance-t-il à l’attention de Ashley. Il ne m’inspire rien qui vaille. Tu as emmené César non ? Prépare-toi peut-être à combattre.

Sur ses genoux, le Nymphali chromatique se détend progressivement. Bientôt, ses gémissements faiblissent et s’arrêtent, de même que ses tremblements. Apaisé, il semble roupiller sur les genoux de Louka, comme s’il se sentait en parfaite sécurité. Ce qui laisse le garçon quelque peu déstabilisé. Il ignore bien d’où vient ce Pokémon mais, de toute évidence, il l’a choisi comme gardien. Quelle idée ! Il ne sait pas dans quoi il s’engage, Louka est loin d’être un bon samaritain. De toute façon, ce Nymphali est sûrement à quelqu’un, alors inutile de commencer à s’attacher. Un petit soupir lui échappe alors qu’il caresse distraitement le pelage sale du pauvre Pokémon, l’esprit ailleurs. Il lui rappelle un peu lui, dans une période de sa vie. Lorsqu’il avait peur, qu’il avait mal, et qu’il recherchait quelqu’un à se raccrocher. Louka n’avait trouvé personne, si ce n’est un vide profond et ténébreux. Et voilà où tout ça l’a mené. Enfin bref – celui-là semble maintenant apaisé, mais qu’en est-il de l’autre ? Il le dévisage toujours d’un air méfiant, presque mauvais, et Louka n’aime pas ça du tout. D’ailleurs, depuis quand les villes de Mésoé sont-elles peuplées de Nymphali sauvages ?! Est-ce à cause de la fête à venir ou une toute autre raison … ? Il l’ignore, mais il n’aime vraiment pas ça.

Tu le surveilles, hein ?

Petit à petit, Louka s’apaise, de concert avec le Nymphali bleu. N’espérez pas non plus voir un sourire tendre étendre ses lèvres, il ne faut pas exagérer. Mais l’idée de repousser le Pokémon inconnu s’évapore dans son esprit et tout ce qui lui importe désormais, c’est que son congénère rose ne vienne pas les attaquer. La créature endormie sur ses genoux ne serait pas en mesure de se défendre et, de toute évidence, ils se connaissent. Donc il paraît peu probable qu’ils se cherchent des noises - ce qui n’est pas forcément vrai concernant Louka. Les cas de Pokémon attaquant des humains ne sont pas si rares et si l’ex-jockey ne l’a jamais vécu, il ne compte pas le faire aujourd’hui. Disons qu’il n’est pas vraiment en mesure de se défendre lui-même contre un Pokémon - il aurait tôt fait de se retrouver à terre, roué de coups. Peu rassuré face à ce scénario posisble, Louka dégluti et lance un regard en direction d’Ashley. Lui ne semble pas si inquiet, ce qui a tendance à bien l’agacer. Comment fait-il pour toujours paraître aussi sûr de lui ? Même habillé si stupidement, il garde son calme et observe le Nymphali rose sans même s’inquiéter. Alors soit il a vraiment un self-control à toute épreuve, soit il est vraiment le plus grand crétin de cette Terre.

César apparaît soudain sur l’accoudoir de son fauteuil, et Louka manque de sursauter. Il ne s’attendait pas à le voir ici : pourtant, la petite plante observe la scène comme un héros venu sauver son peuple d’un terrible ennemi. En réponse, le Nymphali s’applatit sur le sol, visiblement intimidé mais malgré tout prêt à répondre à la moindre offensive. Ashley se hâte néanmoins de se dresser entre les deux Pokémon. Il interdit à César de s’approcher davantage, désireux s’occuper lui-même du Nymphali sauvage. A ses mots, Louka souffle du nez : il en vient à espérer qu’il paie pour son arrogance. Mais d’un autre côé, il est bien côté que l’infirmier prenne la situation en main. Ashley s’approche donc du Nymphali, lui présentant sa paume. La créature recule, intimidée, avant de mordre son index et son majeur. Alors que Louka s’attend à voir Ashley crier de douleur, il n’en est rien … le Pokémon Fée ne lui a pas fait mal, il a du agir par réflexe plus que par réelle animosité. Bientôt, l’infirmier est capable de caresser le sommet de son crâne sans que le Nymphali ne cherche à se dérober ou à le mordre à nouveau. De toute évidence, Ashley l’a déjà apaisé.

C’est sans compter sur le Rosélia qui s’approche du duo, poussant quelques petits cris dans une langue inconnue des humains. Le voilà alors qui pousse le Nymphali en direction du fauteuil, ce que Louka n’apprécie pas particulièrement. Il a d’ailleurs un mouvement de recul lorsque le Pokémon dépose ses pattes avants sur l’accoudoir de son fauteuil. Néanmoins, le Pokémon rose ne lui accorde pas un seul regard, dépliant plutôt ses rubans roses pour ausculter son camarade. Ce dernier relève sa petite tête ensommeillée et fait de même, mêlant ses rubans à ceux de son ami. Ces deux-là semblent vraiment proches, plus que Louka ne l’aurait cru. En tout cas, l’atmosphère s’est bien détendue et les deux Nymphali ne paraissent pas hostiles du tout. A ses côtés, Ashley se redresse en ajustant sa tenue. Il semble assez fier de lui, tant que Louka lève les yeux au ciel. Oui, bon. Pas de quoi en faire un fromage non plus ! Même s’il est vraiment rassuré par la tournure des événements, plutôt mourir que de lui avouer.

Il va bien. Fatigué et blessé mais … il semble apaisé.

Le Nymphali bleu pousse un petit bâillement et après une dernière caresse sur le front de son congénère, il se pelotonne à nouveau contre Louka, trop épuisé pour continuer. Bientôt, ses beaux yeux roses se ferment et la créature se rendort, la respiration calme et sereine. De nouveau, les doigts de Louka se perdent dans son pelage bleu. Son coeur se serre en sentant ses côtes saillantes - depuis quand cette créature n’a-t-elle pas profité d’un bon repas ? Il en va de même pour son congénère. Les deux Pokémon sont dans un état lamentable. Quel horrible Dresseur pourrait laisser ses Nymphali dans un tel état de souffrance ?! A ce stade, nous pouvons même parler de maltraitance. Louka balaie un instant les environs du regard, mais personne ne semble rechercher deux Nymphali fuyards. Où est donc le petit con qui a osé les traiter de la sorte ? Fulminant, Louka se masse l’arête du nez dans l’espoir de calmer ses nerfs. Il a toujours été très sensible à la maltraitance, et la constater de ses propres yeux a le don de sincèrement l’énerver.

J’ignore d’où ils viennent, mais ils sont vraiment dans un sale état. Tu crois qu’il faudrait les emmener dans un Centre Pokémon ? S’ils ont un Dresseur, je lui toucherais bien deux mots sur la maltraitance …

Oui, Louka aurait du remercier Ashley. Parce que, sans lui, la situation aurait pu très mal tourner. Son intervention a permis aux deux Nymphali de s’apaiser sans subir le moindre débordement – et a surtout sauvé Louka d’une probable agression de la part de la créature rose. Il aurait été parfaitement incapable de se débrouiller par lui-même, surtout pas dans sa condition et avec un Pokémon blessé sur les genoux. Mais il faut croire que la politesse ne l’étouffe pas. Et puis quand bien même, Ashley lui doit bien ça. C’est lui qui l’a tiré hors de son appartement alors qu’il comptait passer sa soirée tranquille ! Puisque l’infirmier a décidé de le sortir, alors il est responsable de lui. Cela signifie donc qu’il doit assurer sa sécurité. Généralement, lorsque Louka sort, il est toujours accompagné par Vesta. L’Arcanin impressionne, et lui permet de ne pas être dérangé. Mais cette fois-ci, la créature de feu a préféré demeurer dans l’appartement, à roupiller sur le tapis. Sûrement a-t-elle estimé que Ashley pourrait parfaitement s’occuper de Louka lui-même. Parfois, Louka se demande comment l’Arcanin peut autant avoir confiance en Ashley. Il est tellement bizarre… ! Et pourtant, aucun de ses trois Pokémon ne ressent la moindre animosité à son égard. Quelle bande de petits traîtres.

Enfin, pour une fois, Louka et Ashley tombent d’accord. Ces Pokémon sont très amochés et doivent être confiés aux bons soins de vétérinaires qualifiés. Pendant un instant, l’ex-jockey se demande pourquoi son infirmier ne les ausculte pas lui-même. Il comprend vite que la médecine humaine et la médecine Pokémon doit être trop différentes pour qu’il s’y risque, d’autant qu’il n’a aucun outil sur lui pour procéder au moindre soin. Néanmoins, d’après ses dires, il y a toujours des stands tenus par le personnel du Centre Pokémon, près des festivités. Là-bas, ils pourront s’occuper d’eux et poser un premier diagnostic sur leur état. Les yeux de Louka tombent sur son petit protégé. Il dort à poings fermés, son ventre se soulevant au rythme de sa respiration. Pauvre bête … il espère vraiment qu’il n’a rien de grave. Son compagnon n’est d’ailleurs pas dans le meilleur état, mais il refuse malgré tout l’idée de s’installer aussi sur les genoux de Louka. Ce qui soulage vraiment ce dernier, qui se voyait difficilement supporter un poids supplémentaire. Le Nymphali a encore la force de marcher, et c’est ce qu’il fera ! Contrairement à monsieur César-le-précieux.

Finalement, Ashley reprend place derrière le fauteuil roulant afin de le faire avancer sur les pavés. Le Nymphali bleu ne moufte même pas, trop profondément endormi pour s’incommoder de la route parfois irrégulière. Louka, lui, continue de regarder dans tous les sens, comme s’il espérait retrouver le propriétaire de ces Nymphali pour lui faire sa fête. Mais rien qui ne ressemble de près ou de loin à un Dresseur à la recherche de ses Pokémon ne se présente à son regard, et le septrionnien ne peut retenir un petit soupir. Tout porte à croire que leurs origines demeureront inconnues. Mais quelque part … est-ce si grave ? Même si Louka retrouvait un potentiel propriétaire, jamais il n’accepterait qu’il reparte avec les Nymphali. Il ne les mérite pas, c’est une certitude. Mais qu’en faire, alors … ? Les garder … ? De nouveau, l’ex-jockey observe la créature endormie sur ses jambes. Hmm … pourquoi pas après tout … ? Il a l’air d’être un Pokémon calme et affectueux. Et puis, il ne l’a pas choisi par hasard, pas vrai ? Pour qu’il vienne chercher des réconforts à ses côtés sans même le connaître, ce n’est pas pour rien. Du moins, c’est ce que Louka veut bien croire.

S’il les cherchait, il les aurait trouvé non ? Et puis même, il est hors de question qu’il les récupère. Ce n’est sûrement qu’un irresponsable crétin, même pas capable de prendre soin de ses propres Pokémon.

Bientôt, la foule autour d’eux s’intensifie et Louka comprend qu’ils arrivent à destination. La place de Mésoé les accueille dans une ambiance douce, rêveuse. Des lanternes pâles sont accrochées ça et là, et de nombreuses personnes sont habillées d’élégants kimonos aux couleurs de Jirachi. Louka se laisse rapidement prendre par l’admiration de ces étoffes colorées, ainsi que par leurs coiffures. Il comprend bien mieux la tenue d’Ashley, maintenant. De toute évidence, elle correspond au dresscode de la soirée. Impressionné – charmé, même – Louka regarde de tous les côtés, croisant le regard de quelques personnes déjà présentes, étonné d’y voir autant de monde. De toute évidence, cette soirée est très importante en Thacie, bien plus qu’il ne l’aurait cru. Néanmoins, il n’oublie pas leur quête principale et repère rapidement un stand dont la bannière se pare des couleurs caractéristiques des Centre Pokémon. Il pointe donc la direction à Ashley, pressé de leur confier rapidement les deux créatures blessées. Finalement arrivé face aux personnels soignants, Louka secoue doucement le Nymphali endormi, le tirant lentement de sa léthargie.

Allez mon grand. Ils vont t’examiner. C’est important.

Sa voix est étonnamment douce. Rien à voir avec son ton habituel, dur et sec. Mais avec les Pokémon, Louka est toujours bien plus sympathique. Sûrement parce qu’ils les estiment bien plus que les hommes. Après tout, ni Vesta ni Asès ne l’ont abandonné lors de son accident. Contrairement à certains êtres humains ...

Lentement, ses yeux roses encore plein de sommeil, le Nymphali chromatique se redresse et s’étire, faisant rouler ses muscles sous sa peau. Il n’est pas totalement réveillé, mais il tourne vers Louka un regard doux, comme s’il le remerciait. Puis, il cherche des yeux son compagnon qui vient de bondir dans les bras d’Ashley. Ces deux-là se ressembleraient presque, tout rose qu’ils sont. Mais l’un est plus mignon que l’autre … à vous de deviner lequel. Bref, une infirmière s’approche d’eux et s’adresse à Ashley … en l’appelant mademoiselle ? Et il ne la reprend même pas ?! Quelque peu décontenancé, Louka lui lance un petit regard en biais. Néanmoins, l’infirmier est trop occupé à confier le Nymphali tout en expliquant la situation. Si Louka tique sur le terme « d’ami », il préfère ne rien dire, jugeant que la situation n’est pas adapté pour se plaindre de ça. Il s’étonne plutôt de la familiarité d’Ashley. Lui, jamais il n’oserait tutoyer ainsi une inconnue. Sûrement des restes de son éducation septrionnienne, très à cheval sur l’étiquette et les bonnes valeurs. Il renifle un peu, vexé qu’on ne s’adresse même pas à lui, et se renferme davantage sur lui-même. Comme d’habitude, il est relégué au rang de « chose ». Pas d’être humain.

Enfin, ce qui lui importe c’est bien la prise en charge des deux Nymphali. Un homme arrive en renfort et Louka estime qu’en effet, ils ne seront pas trop de deux. Le rose appelle aussitôt son compagnon et ce dernier s’autorise un dernier étirement avant de bondir sur la table à ses côtés. Il lance un regard inquiet par dessus son épaule, et Louka tente de le rassurer qu’un petit sourire. Cela semble suffire à la créature bleue, parce qu’il se laisse attraper par l’infirmier Pokémon sans se débattre. L’instant d’après, les deux Nymphali disparaissent derrière un rideau, où l’ex-jockey estime qu’ils ont établi une petite infirmerie de première nécessité. Il espère en tout cas qu’ils pourront les aider et que leurs états ne sont pas trop critiques. Il en doute, parce que sinon ils n’auraient pas pu venir jusqu’à eux, mais sait-on jamais … certains maux sont plus difficiles à identifier, et un coup d’œil ne suffit absolument pas à les repérer. Inquiet, Louka soupire en s’avachissant contre le dossier de son fauteuil roulant. Quelle soirée. Franchement, il aurait mieux fait de rester dans son appartement. Ah mais oui c’est vrai – on l’a forcé à sortir.

Distraitement, son regard se balade ça et là, observant la décoration mise en place pour le festival. En soi, c’est plutôt joli. Louka sent qu’il s’agit d’une tradition très appréciée des thaciens, très ancrée dans leur culture. C’est un peu comme la fête du Solstice dans le Septrion. Si elle est surtout souhaitée à Venyys via la Fête des Lampions, le Nord tout entier fête le dégel et l’arrivée des jours plus doux. Quel bonheur que de voir la neige fondre et la végétation reprendre ses droits le temps de quelques mois. Bien sûr, ce n’est pas aussi vert et fleuri que Thacie, mais le tableau demeure magnifique. Après tout, quand on ne connaît que la neige et le froid plus de la moitié de l’année, apercevoir une petite fleur pointer le bout de son nez est un réel plaisir. Du moins, à Isslot. Le temps est plus agréable à Belagora, sûrement aussi parce que la capitale est beaucoup plus peuplée. Plus au sud aussi, même si elle ne se trouve pas à la frontière avec l’Austrée non plus. Enfin bref. Louka doit bien avouer que cette ambiance cérémonieuse et tamisée est agréable. Plutôt sereine et reposante, même. S’il s’écoutait, il fermerait les yeux pour profiter entièrement du calme ambiant.

L’ambiance est reposante. Très solennelle. En quoi consiste cette fête au juste ? Car tu me kidnappes mais les détails, tu ne me les fourni pas. J’ai bien compris qu’il était question de Jirachi, mais pour le reste …

Il lance un petit regard vers le stand du Centre Pokémon, mais personne en vue encore. Ce qui est normal, il ne suffit pas de deux minutes pour examiner deux Pokémon mal en point. Néanmoins, Louka préfère ne pas trop s’éloigner, au cas où les infirmiers auraient besoin d’informations supplémentaires. En soi, il doute être capable de lui fournir des détails sur des Pokémon rencontrés il y a quinze minutes montre en main mais sait-on jamais. De toute façon, que pourraient-ils faire d’autre en attendant ? De toute évidence, les festivités n’ont pas encore commencé. Mais quelque chose lui dit que ça ne devrait plus trop tarder...

Attentif, Louka écoute les explications de Ashley concernant les célébrations de ce soir. L’éveil de Jirachi, hein … ? Maintenant qu’il le dit, c’est vrai que le septrionien en a entendu parlé dans la semaine. L’un de ses clients a fait le voyage depuis Derwoud dans le seul but de participer aux célébrations. Sur le coup, Louka n’a absolument pas réagit, pensant qu’il allait assister à un mariage ou à quelque chose du même acabit. Mais force est de constater qu’il se rendait donc à la cérémonie de Jirachi. Des vœux, hein … ? Louka se demande bien si cette légende est réelle. Et s’il exauce vraiment tous les souhaits que peuvent réclamer les êtres humains. Pendant un instant, son regard s’attarde sur ses jambes. Néanmoins, il secoue bien vite la tête. Inutile de se faire de tels plans sur la comète. Ce n’est pas comme si le dieu de Thacie allait se présenter à lui et décider de réaliser son vœu parmi tous les autres. Sûrement préfère-t-il les souhaits moins égoïstes, comme la paix dans le monde, la bonne santé des proches, la réussite des enfants. Et quand bien même, cette légende est-elle seulement vraie … ? Louka émet des doutes. Mais il comprend l’attention, et ne la critique pas. Parfois, il suffit aux gens de croire un peu aux légendes pour qu’ils réalisent eux-mêmes leurs propres rêves.

En tout cas, le programme lui paraît plutôt sympathiques. Les danses traditionnelles promettent d’être magnifiques et Louka est bien curieux d’y assister. En général, il n’est pas vraiment sensible à ce genre de chose mais … une petite voix lui souffle que, ce soir, ça ne sera pas pareil. Et de toute façon, quitte à être là, autant au profiter non ? Il est bien vrai que la soirée promet d’être plus intéressante que celle qu’il s’était d’abord imaginé. Et puis de toute façon, il ne compte pas rentrer chez lui avant d’avoir des nouvelles des deux Nymphali. Ashley ne semble pas déterminé à le ramener chez lui, également. Il tient à ce que Louka profite des festivités aussi. Peut-être pour qu’il se sente un peu plus proche de la culture thacienne … ? Il est vrai que le septrionien y habite depuis plus de deux mois maintenant mais qu’il n’a jamais cherché à s’intégrer plus que ça dans sa ville d’accueil. Il doit passer à côté de beaucoup de chose, tout renfermé qu’il est. Hmm … peut-être devrait-il s’y intéresser un petit peu plus. Thacie est une île pleine de vie, après tout. Et même si elle n’est pas toujours adaptée à son handicap, il doit bien y avoir quelques trucs pour lui malgré tout.

Louka se perd dans la contemplation d’un stand de souvenirs lorsque la voix d’Ashley s’élève dans son dos. Évidemment, il se doutait bien qu’ils ne repartiraient pas avant d’avoir accroché leurs vœux dans les arbres. Quant à son propre souhait … il l’ignore. Bien sûr, une partie de lui aimerait récupérer des jambes fonctionnelles. Mais est-ce vraiment ce qu’il veut, au plus profond de lui … ? Louka n’en a pas la moindre idée. Et cette absence de rêve l’effraie. N’est-il donc réduit qu’à une paire de jambe ? Estime-t-il son avenir plus joyeux hors de son fauteuil roulant … ? La tristesse voile un instant son regard sombre. A-t-il seulement un avenir, d’ailleurs … Il l’ignore. Et ça l’effraie.

Pas vraiment. Sûrement un truc banal.

L’infirmière réapparaît finalement derrière le stand, leur adressant des petits signes de la main pour qu’ils se rapprochent. Ne voyant pas les Nymphali avec elle, Louka craint le pire. Néanmoins, le petit sourire de l’infirmière est vraiment rassurant, alors il se détend. Peut-être vient-elle seulement leur demander quelques informations supplémentaires …

Nous avons fini de les examiner. Globalement, ils souffrent de malnutrition et de déshydratation. Leurs petites plaies sont minimes et ne sont pas infectés. Nous leur avons fait quelques injections, mais pour le reste, ils ont surtout besoin de la chaleur d’un foyer. Dans leur état naturel, il serait mal avisé de les relâcher dans la nature. Alors…
Alors, on va les garder.

La décision de Louka est claire et sans appel. Il gardera le Nymphali bleu. Et si Ashley ne veut pas du rose … eh bien il le gardera également. Même si la créature rose ne semble pas plus l’apprécier que cela ...

Bien sûr, Louka aurait du demander l’avis d’Ashley avant de prendre une telle décision. C’est la moindre des choses s’il l’inclut dans cette histoire. Mais en réalité, l’ex-jockey n’émettait pas le moindre doute quant à la position de son infirmier. Evidemment, qu’il allait également accepter de s’en occuper. Ca crève les yeux, et Louka n’est pas si naïf. D’autant que le Nymphali rose semble sincèrement en pincer pour lui, alors … Ils formeraient un beau duo, ces deux têtes de barbapapa. Néanmoins, même si Ashley avait refusé de prendre soin de la créature rose, Louka l’aurait fait à sa place. Ca n’aurait pas été de tout repos puisque le Pokémon ne semble pas vraiment le porter dans son coeur mais … ce n’est pas grave. A force, ils auraient apprit à se faire confiance. En tout cas, il est juste hors de question pour Louka de les abandonner à leur triste sort. Il se doute bien que les infirmiers ne les auraient pas relâchés et qu’ils les auraient confiés à des organismes mais Louka préfère les savoir auprès d’eux, avec la possibilité de veiller sur eux lui-même. Il s’est trop investi dans leur sauvetage pour se débarrasser d’eux maintenant …

Bien évidemment, Ashley ne retient pas une petite remarque – le genre dont lui seul a le secret, et que Louka accueille toujours avec un petit souffle agacé. En fait, avec le temps … il s’y habitue vraiment. Tellement qu’il ne relève même plus, et se contente de lever les yeux au ciel. L’infirmière Pokémon leur lance un petit regard soupçonneux, mais tient sa langue. Louka ne préfère pas imaginer ce qu’elle pense, car quelque chose lui dit qu’il n’aimerait pas beaucoup cela. En tout cas, elle enchaîne plutôt sur une petite précision concernant le Nymphali rose … Visiblement, il est bien plus à l’aise avec les femmes qu’avec les hommes. Impossible pour l’infirmier ne le manipuler sans qu’il ne manque de se faire mordre. Alors, le plus naturellement du monde, l’infirmière estime que la créature reviendra à Ashley. Non, mais sérieusement ?! Elle le prend sincèrement pour une femme ? Louka n’arrive pas à le croire. Ils sont aveugles, les infirmiers Pokémon ou quoi ? Bon, il est vrai que habillé et coiffé de la sorte, ça porte à confusion … mais quand même ! Non !

Médusé, Louka dévisage Ashley tandis que les deux infirmiers leur rapporte leurs petits protégés. Le Nymphali rose bondit dans les bras d’Ashley, alors que le bleu retrouve rapidement les genoux de Louka. Tous les deux portent un petit bandage à leur patte avant droite, sûrement un pansement après avoir reçu leurs injections. En tout cas, ils ne semblent pas vraiment perturbés. Au contraire, ils paraissent déjà plus calmes, plus sereins. Comme si les soins, pourtant minimes en soi, leur avaient fait un bien fou. Ravi de rencontrer son nouveau compagnon, Louka revient caresser son pelage bleu. En réponse, le Nymphali enroule l’un de ses rubans autour de son poignet. Entre Louka et le Nymphali, le coup de foudre a été immédiat, c’est le moins que l’on puisse dire. La voix d’Ashley vient perturber leur échange, et Louka esquisse une petite grimace en réalisant ce qu’implique l’adoption séparée des deux créatures.

Ah, c’est vrai … Je n’avais pas pensé à ça. Misère.

Enfin … tant pis. Le Nymphali rose n’aurait jamais apprécié vivre avec lui, de toute façon. Et à bien y réfléchir, deux Pokémon de plus dans son petit appartement … ça aurait été plus compliqué. Déjà qu’un c’est un sacré changement, alors deux … Heureusement qu’Ashley a accepté de s’occuper du deuxième Nymphali. Enfin ! Tant pis, il verra bien de quoi demain sera fait. En attendant, il échange encore quelques mots avec l’infirmière avant de la remercier et de s’éloigner, Ashley sur les talons. Maintenant que toute cette affaire est réglée, ils vont pouvoir se concentrer sur les célébrations. Visiblement ils n’ont encore rien loupé, et fort heureusement. Maintenant que la curiosité de Louka est piqué, il tient à assister à la petite fête thacienne. Il ignore bien de quoi il en retourne, mais il verra bien. Dans le pire des cas, si ça ne lui plaît pas, il saura qu’il ne faudra pas y retourner l’année prochaine.

Au fait … il faudrait leur trouver des noms, non ? Plutôt que les appeler le rose et le bleu.

Ses yeux tombent sur le Nymphali couché sur ses genoux. Quel nom lui donner… ? Louka ne s’est jamais trouvé très doué pour ça, et une fois encore, le voilà à se creuser la cervelle. En caressant doucement les rubans de son Pokémon, Louka se souvient que Nymphali est un Pokémon qui évolue lorsqu’il est suffisamment aimé. Un surnom en rapport avec l’amour, alors, hmmm ?

Que dirais-tu d’Apollon ? Ca te plairait ?

Le Pokémon bleu pousse un petit cri ravi. De toute évidence, ça lui convient parfaitement ! Louka lui adresse un petit sourire. Ce sera Apollon, alors.