Un dernier regard pour l’arène d’Edelsten, et Syrius tourne les talons. Il vient d’y laisser Alexei pour sa revanche contre Martial et, cette fois-ci, il a décidé de ne pas y assister. L’idée de le perturber de quelque façon que ce soit l’a poussé à quitter l’arène après avoir quitté le Venyysien dans les vestiaires. Ils se retrouveront plus tard, quand Alexei aura obtenu son badge. Parce que Syrius en est persuadé … cette fois, c’est la bonne. Il s’est entraîné dur toute une semaine durant pour affiner sa technique et préparer son équipe à vaincre Martial. Témoin de ce labeur, l’Austréen est conscient de tous les efforts du garçon pour obtenir sa revanche. Martial n’a qu’à bien se tenir. Quant à son propre combat … Syrius pense s’inscrire dans les prochains jours. Malgré l’arrivée de Shira dans son équipe, il a conscience qu’il a besoin d’encore un peu d’entraînement pour rafler le badge. Certes, Khensit et son type Poison lui offre un avantage certain sur Martial mais il ne peut pas faire reposer tous ses espoirs sur sa Arbok. C’est pourquoi il aimerait beaucoup entraîner Seth qui, malgré son jeune âge, est déjà très prometteuse. Elle peut devenir une excellente combattante, d’autant qu’elle est volontaire et motivée. De toute façon … Syrius ne pourra pas présenter Lyla et Lyov à l’arène. C’est une certitude.
L’Austréen aurait très bien pu profiter de ce temps libre pour s’exercer avec sa petite chienne bleue mais … c’est jusqu’aux portes de la bibliothèque régionale que le guide ses pas. Voilà quelques jours qu’il rêve d’y mettre les pieds et jusqu’à maintenant, il n’a jamais réussi à prendre le temps de s’y rendre. Alors le voilà qui pousse la double-porte et s’engouffre dans le bâtiment, étrangement moderne pour une construction du Septrion. Néanmoins, le garçon connaît l’histoire de la bibliothèque : elle a été construite récemment d’un commun accord avec les Azarov et son propre frère, Ayman. Désireux d’y entreposer les grands ouvrages de la région, ils ont décidé d’en faire un lieu de partage et de culture pour les habitants du nord comme du sud. Syrius était encore jeune lorsque tout cela a été décidé et pourtant, y mettre les pieds lui rappelle cette époque où il entendait sans cesse la radio conter les exploits de son aîné. Ayman fait vraiment un travail de titan pour la région … ce n’est pas étonnant que leurs parents le tiennent en si haute estime. Contrairement à lui, et à Shaïm, Syrius n’est vraiment rien d’important. Juste la cinquième roue du carrosse.
Un silence de plomb l’accueille dès que la porte-porte se referme sur lui. Il y a peu de monde ici, mais Syrius aperçoit tout de même quelques lecteurs installés aux grandes tables. Certains sont accompagnés de leur Pokémon, notamment cette demoiselle qui parcourt avec intérêt les lignes serrées d’un ouvrage immense tout en caressant le poil rosé de son Skitty. Une idée effleure alors l’esprit de l’Austréen qui, doucement, porte sa main à sa ceinture de Pokéball afin d’attraper celle de Lyov. Partager un petit moment tous les deux serait bénéfique pour leur relation. Le Riolu l’a rejoint tellement précipitamment que, depuis, un petit malaise plane entre eux. Malaise qui n’existait pas lorsqu’il appartenait encore à Alexei. Or, s’il est destiné à demeurer le dresseur du petit loup bleu, alors il se doit de s’assurer que leur relation est bonne. Après tout, ils s’entendaient assez bien, auparavant. Il n’y a aucune raison que cela change, bien au contraire. Ils peuvent devenir encore plus proche maintenant qu’ils sont liés par un tout autre engagement. Bien sûr, si cela ne convient absolument pas au Riolu, Syrius cherchera une autre solution mais en toute honnêteté, il préférerait qu’ils deviennent de bons amis et continuent cette aventure sous les meilleures auspices possibles.
L’Austréen libère ainsi Lyov de sa Pokéball et, plutôt surpris, le Riolu regarde tout autour de lui. Il semble même chercher les autres du regard, habitué à toujours être entouré par la petite bande de Syrius … et notamment Seth qui l’apprécie beaucoup. Mais cette fois, ça ne sera que eux deux, entre mecs ! S’abaissant doucement à la hauteur du Riolu, Syrius lui offre une caresse sur le haut du crâne et chuchote pour ne pas déranger les lecteurs :
▬ On va passer un peu de temps ensemble, ok ? Je sais que ton arrivée dans mon équipe a été un peu … précipité mais ce n’est pas une raison pour que je mette de côté. Viens, on va aller lire quelques livres sur les types combat. Je n’y connais pas grand chose et ça m’aidera pour la suite.
Malgré son air circonspect, voire soupçonneux, Lyov suit Syrius en trottinant. Ses yeux se baladent dans tous les sens, admirant les hautes bibliothèques semblant s’élever jusqu’à plafond. Incroyablement lumineuse grâce à ses plafonds de verre, la bâtisse n’a absolument rien à voir avec tout ce que l’Austréen a pu connaître jusqu’à maintenant. Il pense notamment à la bibliothèque de sa facultée, sombre et malodorante, où chercher un livre était un véritable calvaire. Là, la lumière inondant la pièce invite à se balader entre les étagères, à admirer les reliures des livres, à s’installer sur l’un des fauteuils en velours. Sans réellement se presser, Syrius se perd au milieu des couloirs de bibliothèques, lisant quelques intitulés de livre ou admirant seulement certaines couvertures. Les rangées sont incroyablement bien fournies, ça doit être un véritable plaisir pour les étudiants du coin. Il doit être aisé de trouver ici de nombreux ouvrages traitant de thèmes divers et variés. Finalement, le garçon arrive dans la section réservée aux Pokémon et débute alors sa chasse. Dès qu’il aperçoit un livre traitant des Pokémon Combat, il le prend avec lui. Bientôt, une petite pile de livres se forme dans ses bras et même Lyov en tient deux entre ses petites pattes.
Ainsi chargés, les voilà parti en quête d’un fauteuil ou d’une table où s’installer en toute tranquillité. Mais c’est sans compter sur la maladresse légendaire de Syrius, qui trébuche sur un chariot et s’étale de tout son long dans la section des sciences. Sa chute provoque un véritable vacarme mais aucun livre ne semblent être abîmés et … le garçon lui-même n’a rien, si ce n’est une légère douleur dans le genou. C’est alors qu’il entend des pas se rapprocher … ah, il va se faire choper par la bibliothécaire qui va le mettre dehors sans cérémonie, pas vrai … ? Syrius n’a pas le temps d’apercevoir le visage de la personne en question que Lyov pousse un petit glapissement surpris.
Quand il y a quelque chose que je ne connais pas, il n’y pas trente-six solutions. Je suis une scientifique dans l’âme, née avec une telle soif de connaissance que, bien vite, ce qui m’entoure n’est plus suffisant. Je peux demander des explications aux personnes qui m’accompagnent, mais, soyons franc, je peux les compter sur les doigts d’une seule main. J’ai rapidement fait le tour. Pourtant, les réponses à mes questions habitent littéralement à deux maisons du laboratoire. Forcément, évidemment, la sage Diana est la mieux placée pour me renseigner, puisque c’est à cause d’elle que je me retrouve dans cette galère, mais je la connais, elle ne dira rien. Elle va juste s’assoir tranquillement dans son fauteuil et me regarder par la fenêtre bien galérer avec le fruit de ses manipulations. Comment je le sais ? Quelque part, je n’ai guère de preuves. Peut-être, peut-être n’est elle réellement pas au courant de ce pokémon sorti de l’œuf qu’elle m’a confié il y a quelques mois. Peut-être qu’elle s’est réellement trompée en me le confiant, et en l’échangeant avec celui de ce blondin insupportable et pédant. Peut-être que ce n’est qu’une vieille folle bonne pour l’asile qui n’a pas compris que confier un monorpale assoiffé de combat à un dresseur qui n’a jamais même pensé à l’idée d’entrainer ses pokémon était une idée vraiment, vraiment débile. Ou peut-être que c’était fait exprès, et qu’elle est réellement entrain de me regarder de son fauteuil avec une bonne tasse de thé à la main, dégustant le bruit d’éprouvettes fracassées qui s’élèvent depuis quatre-cinq jours de mon laboratoire.
Vieille chouette. Je préfère encore subir les assauts de Luce’ plutôt que d’aller lui quémander de l’aide. Mettons ça sur mon foutu honneur Septrionnien, et ma tête plus dure que le bois.
Comme si ce n’était pas compliqué de devoir gérer le microclimat pluvieux que Rosie nous impose, les crises d’angoisse de Wins’, la curiosité maladive de Lumila, je dois aussi m’occuper de la peur de l’abandon de Watt’ et faire en sorte que Luce’ ne détruit pas la moitié de ma serre de frustration. Oh, accessoirement, je suis aussi professeure, chercheure et en manque cruel de staff.
Tout va bien se passer. Tout ira bien. Chaque problème a sa solution, il me suffit de la trouver. Chaque problème n’a besoin d’un peu de temps et de recherche… n’est-ce pas ma mission de découvrir et résoudre les mystères du monde ? Un peu, mais je n’avais pas prévu que mon plus gros problème serait de trouver comment balancer ma propre vie privée et professionnelle. Et surtout, comment m’occuper d’une horde de pokémon. En quelques mois, je suis passée d’un seul petit et adorable Verpom, à une marée de pokémon avec chacun sa propre personnalité… Et comme je refuse de les laisser cloitré dans leur pokéball… Ouais, je me tire une balle dans le pied, et passe maintenant mes journées à tout faire pour que mon labo’ reste debout une journée de plus. Le terrain me manque, sérieux. Et pas seulement la forêt des Sycomores. J’ai envie d’aller voir plus loin, de revoir l’Austrée, d’élargir mes horizons. Mais là, je suis une peu coincée, et Alma n’est pas encore tout à fait prête à gérer le laboratoire en mon absence pour que je puisse prendre des vacances bien méritée. Père pourrait l’aider mais… difficile de lui demander de l’aide sans avoir ce sale goût de défaite en bouche. Fière, hm ? Visiblement, trop pour ma propre survie. Chaque problème a sa solution, et comme j’ai réussi à calmer la peur maladive de Wins’, à trouver une grande utilité à Rosie tout en limitant ses dégâts, je trouverai comment faire en sorte de Luce’ et Watt’ s’accordent dans cette équipe… hétéroclite. Pour l’instant, Wattson n’est pas une grande priorité… j’ai pu le canaliser un peu en le gardant sans arrêt avec Winston et moi. Il ne reste plus que la monorpale… qui n’a pas trop aimé l’idée d’être utilisée comme taille-haie. Pour ma défense, avec son tranchant, et vu que la serre commence à vraiment bien se développer grâce à Rosie, c’était à cet endroit que j’avais le plus besoin d’elle… Mais miss aime la baston, chose que je ne peux pas lui donner. Donc, par dépit, elle a fini dans sa pokéball. Je sais, je sais, je déteste autant qu’elle cette situation, mais je ne peux pas la laisser libre d’affronter les autres, je dois penser à leur sécurité, et accessoirement la mienne.
Que doit faire un chercheur quand il arrive dans une impasse ? Demander de l’aide.
Que peut faire un chercheur quand l’aide en question le regarde de loin en ricanant avec un thé à la main ? Trouver les réponses ailleurs.
Et quel meilleur endroit que la fabuleuse bibliothèque d’Edelsten pour le faire ?
Depuis sa construction de l’idée de Ayman Al’Sham -qui a dit que l’Austrée était maléfique encore ?-, Edelsten fleurit plus que jamais. Je me souviens encore de sa sortie de terre, alors que j’étais encore l’assistante de Père. De ses commentaires élogieux sur le développement de la culture de notre ville. De l’utilité qu’elle aurait pour les générations à venir. Je me souviens encore du discours du souverain Austrien, d’une prestance à couper le souffle. Dommage que je dois bien être la seule dans cette ville à penser de cette manière. Parce que la structure de verre a été souvent taxée « d’horriblement laide ». Qu’elle ne s’intègre pas dans le paysage du Septrion. Qu’il s’agit d’une tâche Austrienne, un cadeau empoisonner pour mieux nous ‘coloniser’. Si c’est ça être colonisé, je signe tout de suite.
Enfin, le résultat est que les premières années, les habitants d’Edelsten n’avaient pas grand-chose à dire de positif sur l’édifice. La bibliothèque était surtout visitée par des étrangers, des Austriens, quelques Belagoriens et illuminés, et évidemment, Père et moi. Moi ? Je l’adore cet édifice. Je suppose que c’est mon côté ratata de bibliothèque qui parle. Et puisque je n’ai pas les réponses à mes questions concernant les monorpale, autant aller les chercher dans un lieu construit pour l’occasion, non ? Ce serait stupide de boycotter sous prétexte qu’un dôme de verre, ça ne se fond pas hyper bien à côté des bâtiments centenaires. Alors me voilà, avec plus de la moitié de ma troupe de pokémon dans les poches -Wins’, Lumila, Watt’ et Luce’ dans sa pokéball-, à fouiner dans les rayonnages scientifiques. A force, je connais l’endroit assez bien. Tout comme les bibliothécaires me connaissent. Et le reste des habitués. Cet endroit fait partie de mon domaine, et je connais nombre d’ouvrages ici. Surtout ceux en rapport avec la flore évidemment. J’ai même laissé quelques copies de mes travaux pour les curieux, même si je doute qu’ils soient souvent consultés par le commun des mortels. Il n’empêche, ça rend un peu fier de se dire que ses articles ne sont pas uniquement que dans les mains de vieux idiots un peu trop prompt à les mettre au feu pour l’hiver.
La spododo, perchée sur ma tête, me sert presque de lampe torche improvisée quand je dois m’aventurer dans les coins moins éclairés. Winston, quand à lui, s’amuse à rouler entre les rayonnages, juste à portée de mon regard… et Wattson lui suit de très près, crépitant joyeusement à quelques centimètres du sol. Pas toujours très discret, mais qu’importe, le volume reste suffisamment bas pour ne pas importuner les bibliothécaires. Puis, soyons franc, personne ne vient dans la section scientifique. On est loin des romans et autres œuvres populaires… Même s’il me semble avoir entendu d’autres bruits de pas, ainsi que le son des livres que l’on retire de leur emplacement. Un collègue ? J’aimerai. On verra quand j’aurai mis la main sur ce que je cherche. L’avantage, c’est qu’on peut bien se concentrer. Le désavantage, c’est que quand quelqu’un essaie d’être discret, il se fait entendre.
Du coup, quand quelqu’un se vautre littéralement sur le sol, ça s’entend. Ça résonne même. Je sursaute, Lumila tremblotant sur son perchoir, alors que je lève le regard des pages d’un livre vers la source de ce vacarme. Outch, ça a dû faire mal, ça. Allons voir si ce ‘collègue’ a besoin d’aide. Je replace l’ouvrage dans son emplacement et fais signe à Wins’ et Watt’ de me suivre. Je n’ai que quelques mètres à faire, un tournant à prendre, avant de me retrouver dans le couloir ‘central’ de la section, celui qui mène aux tables de travail. Et ça ne loupe pas, c’est bien un humain qui s’est étalé par terre avec une pile vraiment impressionnante de bouquins, qui plus est. La scène en elle-même est plutôt amusant, je ne vais mentir. Je souffle un léger rire, avant de m’approcher.
Oh, plutôt jeune le ‘collègue’… et définitivement pas la dégaine d’un Septrionnien. Enfin, ce n’est pas si étonnant que ça, à Edelsten. Pour lui, je ne sais pas… j’inspecterai les livres après s’il le faut. A première vue, ça a l’air d’aller, il se redresse déjà.
« Ça va, rien de cas--… ? »
Un petit cri de surprise étouffé de pokémon capte alors mon attention. Je jette un coup d’œil derrière l’inconnu… puis un second quand je pense bien reconnaitre celui que je pense reconnaitre. Un riolu… ? C’est une espèce assez peu commune en soi… mais quelque chose dans celui-là me rappelle un goût amer de sang, de frustration et de colère. C’est l’arrivée de Wins’, et sa réaction qui me confirme l’identité de ce pokémon. Le Verpom, arrivant quelques instants après moi, se réjouit immédiatement de la présence du petit loup bleu, et, bien enthousiaste, entame quelques tours de pistes autour de lui avant de sauter dans ses pattes, ou plutôt, sur les livres qu’il porte. Le riolu qui accompagne l’insupportable Blon—enfin, Alexeï.
« Lyov ? C’est bien toi ? » Le petit pokémon bleu me semble répondre à ce nom, même si la réaction de Winston m’avait déjà bien convaincue. Il ne se comporte pas ainsi avec les inconnus, ou très rarement. J’accroupis à sa hauteur, lui présentant ma main en signe de bonjour. Il est bien trop encombré de livres pour la saisir, mais l’esprit est là. « Je suis bien contente de te revoir ! Tu as poussé, ou c’est moi ? »
Si je m’attendais à le revoir… ! Encore moins ici, encore moins en dehors d’une pokéball ! Est-ce que ça signifie que… ? Mais j’ai beau regarder autour de moi, je ne l’aperçois pas. Juste… ce garçon étalé sur le sol… Que j’avais peut-être un peu oublié d’ailleurs. Je ramasse un ou deux livres et lui présente ma main pour l’aider à se relever.
« Désolée, je manque de manière ! Je te propose de t’aider avant qu’un des bibliothécaires ne nous chope »
La maladresse de Syrius ne date pas d’hier. Fut un temps où madame Al’Shams ne cessait de le reprocher à son petit dernier, fatiguée de l’entendre pleurnicher au moindre bobo. Impossible de tenir le compte de ses éraflures au genou ou de ses doigts écorchés tant le garçon était une catastrophe ambulante. De nombreux vases précieux ont péri à cause de lui, explosés en milles morceaux après les avoir simplement bousculés. Des verres aussi, ou bien des assiettes. En fait, tout ce qui avait le malheur de finir entre ses mains ne faisait pas long feu. Combien de fois lui a-t-on reproché d’avoir deux mains gauches ? Quand il était encore petit garçon, Syrius ne comprenait pas vraiment les reproches que ses parents pouvaient lui faire. D’autant qu’à chaque fois, il se faisait réellement mal. Heureusement, il y avait toujours son grand-père pour s’occuper de ses petits bobos, et son stock de pansements s’épuisait à chaque fois bien trop vite. Syrius était un casse-cou, un petit maladroit qui finissait souvent ses courses folles à plat-ventre dans la terre, à chouiner de douleur. Un petit prince en porcelaine qui s’égratignait avec rien, qui se coupait avec tout. Bref, un vrai petit maladroit.
En grandissant, évidemment, Syrius a petit à petit soigné sa gaucherie. Il pouvait courir sans trébucher, tenir un objet sans l’abîmer - bref, il a forcément gagné en force, en habilité et en équilibre. Ce fut évidemment un réel soulagement pour sa mère, qui avait vu sa collection de vases précieux s’amputer de moitié depuis que son bambin savait marcher. Désormais, ils ne craignaient plus rien et elle pouvait à nouveau les exposer dans les grands couloirs du palais des Al’Shams. Néanmoins … il y a des petits restes. Il suffit que Syrius soit un peu distrait, ou alors qu’il ne regarde pas où il met les pieds, pour redevenir monsieur catastrophe. Bien évidemment, il ne pleure plus pour un genou écorché mais c’est sa fierté qui souffre à la place. Depuis le début de son voyage, le Prince du Sud n’a pas lésiné sur les boulettes. Sa plus mémorable restera sûrement celle dans l’auberge de Belagora, quand il a renversé l’intégralité de son plateau sur une jeune femme. La honte totale, pour ainsi dire. Et le voilà qui recommence, en s’étalant au beau milieu de la bibliothèque. Heureusement, personne ne semble avoir assister à sa chute si ce n’est Lyov. Mais le boucan qu’il a provoqué, lui, a dû s’entendre jusque dans les tréfonds de la bibliothèque …
Ainsi, c’est entouré d’une dizaine de livres éparpillés sur le sol que Syrius se redresse doucement, les genoux et le menton douloureux. A côté de lui, Lyov le dévisage de ses grands yeux rouges, visiblement sous le choc. L’Austréen n’a pas le temps de le rassurer que des bruits de pas résonnent. Le voilà fait comme un Rattata ! La bibliothécaire va le sortir d’ici d’un bon pied aux fesses, et Syrius n’aura plus que ses deux yeux pour pleurer. Un léger rire le fait rougir de honte alors qu’il avise une femme marchant dans sa direction. Tiens … ce n’est pas la bibliothécaire, au moins ! Peut-être une âme charitable venu l’aider à se relever ? C’est alors qu’une pomme roulante sort de nulle part et fonce droit sur Lyov … qui ne semble guère étonné. Bientôt, le fruit rouge décrit des cercles autour du petit loup bleu, avant de bondir sur sa pile de livre. Sous le regard étonné de Syrius, la jeune femme se penche vers le Riolu et lui tend une main amicale comme si … comme s’ils se connaissaient déjà. Et ils doivent se connaître, parce qu’elle connaît même son nom ! Une connaissance d’Alexeï peut-être …? Hrm, Syrius ne sait pas vraiment ce qu’il doit en penser, en toute honnêteté …
La jeune femme semble chercher quelqu’un du regard quelques instants, avant d’accorder son attention à Syrius. Elle ramasse d’abord quelques livres puis lui tend finalement une main aidante, que l’Austréen accepte sans attendre. De nouveau sur pied, Syrius se frotte un peu le menton pour estimer l’étendue des dégâts, puis se frictionne les genoux. Booon, en principe, tout va bien. Il aura sûrement de beaux bleus, tout au plus … mais au moins, rien de cassé ! Bon, se pencher pour attraper les livres éparpillés par terre n’est pas vraiment des plus agréables après une chute pareille, mais Syrius se garde bien de se plaindre. Il a connu pire, et il ne veut pas se mettre davantage dans l’embarra. Les livres tous récoltés, il adresse un petit sourire reconnaissant à sa sauveuse inopinée :
▬ Merci beaucoup. Je crois que j’ai surestimé ma force en voulant porter tout ça d’un coup … je ne savais même plus où je posais mes pieds !
Ni une ni deux, les voilà qui s’éloignent des rayonnages histoire de ne pas s’attarder sur la scène du crime. Syrius a vraiment eu de la chance que ça ne doit pas un employé de la bibliothèque qui le trouve en premier ! A moins que cette jeune femme en soit une …? Bon, en tout cas, elle ne semble pas décidé à le mettre dehors, donc Austréen n’a pas à s’inquiéter davantage. Ils rejoignent donc une table de travail vide, un peu en retrait des autres, sur laquelle Syrius dépose son chargement, puis celui de Lyov. Ce dernier n’a pas cessé d’observer la pomme avec insistance depuis qu’elle a bondit vers lui. Visiblement, cette créature est un Pokémon mais Syrius n’en avait jamais vu de tel auparavant. Néanmoins, son interrogation principale concerne la relation entre Lyov et cette femme. Ils ignorent dans quelles circonstances ils se sont rencontrés, mais ça devait forcément être à l’époque où le Riolu appartenait à Alexeï. Il ne peut en être autrement de toute façon, puisqu’il a rejoint Syrius depuis quelques jours à peine. Lyov aurait-il eu un Dresseur avant Alexeï …? Hrm, nan. L’Austréen a bien du mal à y croire. L’histoire doit être toute autre … mais quelle est-elle ?
Une fois les bras libres, Syrius se saisit d’une chaise qu’il tire vers la table le plus silencieusement possible. Du coin de l’oeil, il voit quelques personnes fureter au niveau des rayonnages … sûrement espèrent-ils mettre la main sur le fauteur de trouble. Heureusement qu’ils sont parti avant, sinon il était cuit. Enfin bref, maintenant qu’il est installé et qu’il a la possibilité de questionner cette inconnue … il ne va pas se gêner !
▬ Erm, excusez-moi … vous avez l’air de connaître Lyov. J’imagine donc que vous connaissez Alexeï ?
Une entrée en matière simple, qui coule de source même, mais qui permettra de lancer la conversation sur ce sujet. Près de lui, Lyov s’est assit à même le sol et semble … jouer ? avec le Pokémon pomme. Avec lui, difficile de savoir quand il s’amuse ou quand il laisse faire. Syrius l’a souvent constaté avec Seth, quand la Rocabot le mordille au niveau des pattes ou se frotte affectueusement contre lui. A chaque vois, le Riolu tire une tronche de six pieds de long et le fils Al’Shams est bien incapable de dire s’il est profondément ennuyé ou s’il cherche seulement à cacher ses émotions. Après tout, les Riolu sont assez fiers et vu son précédent Dresseur … bon, loin de Syrius l’idée de jeter la pierre à Alexeï, mais ce n’était pas lui qui montrait des signes d’affection à son Pokémon. De ce fait, difficile pour Syrius de savoir si cela fait parti du caractère naturel de Lyov ou si c’est une façade à laquelle il s’est habitué pour garder une distance avec son précédent Dresseur. Vraiment, l’Austréen a la sensation qu’il en verra de toutes les couleurs, avec cette nouvelle recrue inattendue !
▬ Ah, pardonnez mes manières. Je m’appelle Syrius, et vous êtes ?
Etrange rencontre que celle d’aujourd’hui ! Si je m’attendais à revoir cet adorable Riolu, surtout dans cet endroit. Loin de moi l’idée de juger mais… son ‘cher’ dresseur n’est pas du genre à trainer dans les bibliothèques. Plutôt à trouver l’idée entièrement ridicule, et vide d’intérêt et de sens. Pch, pourquoi perdre son temps dans un lieu qui a été construit par l’ennemis ? Ridicule. Même si je ne fais qu’imaginer ce dialogue, il m’irrite quand même. Rien qu’imaginer ce blondinet dans les parages m’irrite le poil. Pourtant, il ne semble pas être là. Pourquoi ? Hargneux comme il est, je le vois mal laisser partir son Riolu seul pour qu’il puisse fureter un peu partout. Disons que je parle d’expérience, ah. C’est un drôle de signe. Je ne vais pas parler de destin, parce qu’il n’y a guère de mot moins scientifique que ça. Disons plutôt… C’est intriguant. Justement le jour où je sors de mon laboratoire. Le jour où j’ai besoin de documentation sur Lucebel et sur comment gérer son comportement. Justement, au sujet de cette monorpale qui est, quelque part, encore un dernier lien qui me lie à ce dresseur, je retrouve son Riolu. Intriguant, un peu cocasse, d’assez intéressant pour que je m’intéresse au jeune homme face contre terre. Puis, je me vois mal dire à Wins’ que nous mettons les voiles, alors qu’il vient de retrouver un vieil ami. Leur rencontre a été des plus courtes, mais elle lui a laissé un assez bon souvenir pour qu’il ose le retrouver comme s’ils s’étaient séparés la veille. Adorable. Quittons cette scène attendrissante, et revenons sur notre casse-cou du jour. Si je veux déméler le fond de cette histoire, discuter avec lui me semble un bon premier pas… A condition qu’il ne se fasse pas mettre dehors. Et disons que la rudesse du vent et du froid d’Isslot produit de bonnes bibliothécaires… En particulier Miss Irène -jamais mariée, sauf à son travail-, qui mettra dehors tout fauteur de troubles avec de grands coups de pieds au derrière. Autant, j’apprécie sa réactivité quand il s’agit de bouter quelques jeunes qui hurlent par jeu, autant je n’ai pas envie de la voir débarquer maintenant. J’offre alors mon aide à cet étranger -il n’est clairement pas du Septrion-, qui l’accepte sans hésiter. Sa remarque me fait sourire. Je me revois un peu, à dévorer tous les livres qui me tombe sous la main. Oui, une soif pareille, je peux la comprendre. Trouver des dizaines et des dizaines d’ouvrages si intéressant qu’on ne peut pas faire autrement que de les emporter avec soi ! Ne pas avoir assez de 24h dans une journée que pour tout lire et consulter. La torture d’être mise à la porte à l’heure de la fermeture ! Oui, j’ai connu ça, alors que j’étais encore assistante de Père. Alors oui, porter des piles et des piles de livres au point qu’elle s’écroule et m’écrase… Je mentirai en disant que cela ne m’est pas déjà arrivé.
« Je connais ça ! Ne t’inquiète pas. Le secret, c’est ‘d’emprunter discrètement’ un des chariots de la bibliothèque. Ils en laissent toujours trainer au moins un ou deux par étage… Etrange, on dirait qu’ils savent rouler tout seul »
Je place mon index face à mes lèvres pour lui signifier de garder ce petit secret. Dans ma liste de crime, c’est un des plus mineurs que j’ai pu faire. Oui, quelque part, je suis une vraie criminelle ambulante, mais ça ne m’empêche pas d’être également professeur pokémon. J’embarque quelques exemplaires tombés sur le sol –‘Tout ce qu’il faut savoir sur le type Combat’ ? Je suppose qu’il cherche à étudier ce type- et le suit jusqu’à une table de travail, un peu à l’écart. De temps en temps, le jeune homme jette quelques coups d’œil à mon Wins’, toujours très enthousiaste sur les livres que porte Lyov. N’est-il pas adorable ? Le voir ainsi dans un lieu public et entouré d’inconnu et une vraie rareté, je serai presque jalouse. Mais en réalité, je pense que je suis surtout fière du chemin que ma pomme d’amour a parcouru depuis le jour où je l’ai ramassé… et où il m’a adoptée.
Une fois l’impressionnante pile de livres sur la table, je m’installe également face à ce jeune homme. Je pense que lui comme moi avons quelques questions sur cette étrange rencontre… Sur son lien avec Lyov et avec son dresseur -ou ex-dresseur ? ça semble si difficile à croire. Lorsqu’il prononce ce prénom que je m’étais efforcée d’oublier, un goût amer se libère dans ma bouche. Je m’installe plus confortablement dans le fond de ma chaise, les bras croisés, peut être un peu à la défensive. Je n’aime pas cette idée que je ‘connais’ Alexeï. Est-ce que foutre un poing dans sa petite bouille compte vraiment comme ‘faire connaissance’ ? Est-ce que devoir nettoyer les quelques éclaboussures de son sang sur ma blouse blanche compte avec l’idée d’un échange courtois ? Selon les critères du Septrion, le pire, c’est que ça pourrait. Mais non. Non, je ne ‘connais pas’ Alexeï. Je connais en revanche tous les autres hommes de son engeance. Pourri par les enseignements les plus idiots et arriérés de ce pays, n’ayant aucune envie de changer et crachant à la gueule de tout et tout le monde juste parce que.
« Hm, Oui et non. Disons qu’Alexeï et moi a eu l’occasion de se rencontrer une fois il y a quelques mois, ici, à Edelsten. » Mon regard dérive vers Wins et Lyov, qui avaient bien plus écopés que moi dans cette histoire. Du moins, selon mon avis. Même si le Verpom n’a pas eu de courbature pendant quelques jours, il réagit toujours un peu mal à la fumée de cigarette. « Ça ne s’est pas bien passé. »
Une conclusion plus qu’évidente pour quiconque connait ce dresseur, selon moi. Vu son caractère, j’ai du mal à croire qu’il puisse se lier d’amitié avec qui que ce soit. Mais bon, peut-être que j’ai tort. Je ne rentre pas dans les détails qui ne sont pas des plus glorieux. Après tout, cela ne le regarde absolument pas. Pas pour l’instant en tout cas. Puis, j’évite de crier sur tous les toi que la prof du laboratoire d’Edelsten s’est mis sur la gueule avec un adolescent de passage… J’ai déjà assez de casserole au cul pour éviter celle-là. Finalement, le jeune homme se présente. Syrius… C’est un nom Austrien, non ? Alors là… Quel pourrait être son lien avec Alex… ? La politesse -et la curiosité- me pousse à répondre, comme il se doit.
« Je suis la professeure Lucie Helm, du laboratoire d’Edelsten. Quant à lui… » Je présente d’un geste de la main mon cher partenaire. « C’est Winston, mon verpom. Il s’est pris d’affection pour Lyov, et je suis bien contente de revoir ce petit gars en dehors d’une pokéball ! »
Parlant de ça, le reste de ma troupe n’est pas en reste. Je déborde littéralement de pokémon. Lumila accrochée à ma blouse blanche, toujours un peu curieuse des alentours, et Wattson qui s’est mis en tête d’aller chercher l’attention de Winston. Il est moins peureux que lui et n’a pas vraiment peur du Riolu. Ah, les voir ainsi me réchauffe le cœur. J’adore voir mes pokémon interagir les uns avec les autres, ou même avec d’autres pokémon ou dresseurs. Ils sont toujours tellement plus… francs. Plus vrais. Plus justes. Il n’y a pas de méchanceté dans ce monde. Je me détends un peu alors que je taquine du bout de l’index le bonnet rose de la Spododo.
« Wattson, mon anchwatt, est un peu collant, mais pas méchant… Il n’y a que Lumila qui risque de te grimper dessus si on continue à discuter. » Un léger rire quitte mes lèvres, alors qu’elle me grimpe encore sur la main. « Elle est très curieuse. »
Mais on n’est pas vraiment là pour discuter de mes pokémon, hm ? Dommage. Je préfère ce sujet à tout autre. Puis, plus que le mystère de Lyov, il y a celui de cet œuf que j’aurai dû recevoir. Celui que je pense être en possession de ce fameux Alexeï, justement. Si je n’ai guère envie de le revoir, j’ai diablement envie de récupérer mon pokémon… même si ça me crève le cœur d’imaginer de devoir lui rendre Lucebel en contrepartie. Je ne me vois pas le faire, ce qui me met dans une position très désagréable. Je soupire doucement… Quand il faut y aller.
« Je présume que toi, par contre, tu connais Alexeï ? Est-ce qu’il t’a confié Lyov ? Définitivement, j’espère… Il n’est pas taillé pour le garder. »
Rude ? Je m’en fiche, c’est mon avis. Alexeï n’est pas un bon dresseur. C’est pour ça que je rechigne à l’idée de le rechercher pour lui ‘rendre’ Luce’.
Syrius a toujours trouvé Lyov particulièrement étonnant. Étonnant dans le sens où, pour une créature de son espèce, il est étonnamment feignant. S’il ne connaît pas particulièrement le type Combat, l’Austréen s’y connaît un tout petit peu plus concernant les Riolu, et ils sont réputés pour être très joueurs, presque hyperactifs. Il paraîtrait même qu’ils pourraient courir des jours entiers sans se fatiguer. Mais lorsque l’on regarde Lyov, ce n’est pas du tout cette impression qu’il donne. Il traîne des pieds dès qu’on le sollicite et préfère retourner dans sa Pokéball lorsqu’il estime avoir un petit peu trop marché. En fait, il ressemble plus à un adolescent blasé qu’à un enfant débordant d’énergie – et pourtant, les Riolu sont comme ça, en théorie. Du moins, c’est ainsi qu’ils sont décrit, dans les livres. Syrius veut bien croire que chaque Pokémon a son propre caractère, mais tout de même ! Lyov est à l’exact opposé de tout ce qui se dit concernant les Riolu. Le jeune homme en vient même à se demander s’il doit croire à cette fameuse histoire d’aura … Lyov les ressent-elles donc ? Si le cas, que pense-t-il de lui ? Que pensait-il d’Alexei … ? Difficile de le dire, d’autant que le Riolu n’est pas des plus expressifs. Syrius n’a pas finit de s’en voir, avec lui.
En tout cas, à le voir jouer avec le Verpom et l’Anchwat de la jeune femme, Syrius ne peut s’empêcher d’étirer un grand sourire. Il le sent bien plus à l’aise, comme si ses visages familiers l’apaisait. Il faut dire qu’il a connu un gros bouleversement récemment, et qu’il doit avoir encore du mal à s’y faire. Et Seth, collante comme elle est, ne l’aide pas vraiment à se faire correctement une place dans sa nouvelle équipe. Pas plus que Khensit d’ailleurs, jalouse comme un pou, qui lui siffle dessus dès qu’il ose s’approcher un peu trop de Syrius. Ce dernier a beau la disputer à chaque fois, la Arbok récidive et lui donne du fil à retordre. Heureusement, avec Lyla sa Sonistrelle et Shira sa Mimiqui, tout semble relativement bien se passer. Il faut dire que la petite chauve-souris est d’une gentillesse inégalable et que Shira, comme tout Lyov, prend tout doucement ses marques dans l’équipe. Ce ne sont donc pas des éléments perturbateurs, bien heureusement. Syrius a déjà beaucoup de peine à gérer la jalousie maladive de Khensit et l’entrain naturel de Seth, inutile de lui rajouter du travail supplémentaire – au lieu de quoi, il fera une crise de nerf avant même de remettre un pied dans l’Austrée !
Syrius décroche finalement son regard des trois Pokémon pour accorder son attention à la jeune face à lui. Il est bien curieux de connaître sa relation avec Alexei, quel qu’en soit la nature. Néanmoins, il est bien étonné par les explications vagues de son interlocutrice. De toute évidence, leur rencontre est relativement récente et ne s’est pas forcément bien passée. Syrius en est le premier surpris : que s’est-il donc passé ? Certes, il veut bien reconnaître que son petit-ami n’a rien d’un enfant de choeur – il se souvient de leur propre rencontre, et des mots acerbes d’Alexei. Cependant, l’Austréen ne considère pas que ce premier contact s’est mal passé, au contraire. La preuve, quelques semaines plus tard, ils s’embarquent dans une relation amoureuse. Bien sûr, ils n’en sont qu’aux prémisses, mais il ne s’attendait pas vraiment à tomber amoureux de lui en le rencontrant la toute première fois. Tout s’est fait très naturellement, au fil des jours, en apprenant à se connaître. Syrius a bien conscience qu’ils ont encore du chemin à faire mais il est heureux de la tournure des événements, vraiment heureux. L’affection qu’il ressent pour ce garçon est aussi puissante que sincère. Il lui tarde d’ailleurs de pouvoir l’embrasser à nouveau.
Enfin, ne connaissant ni les tenants ni les aboutissants de toute l’histoire, Syrius considère qu’il n’a absolument pas son mot à dire. Bien sûr, sa curiosité naturelle a envie d’en savoir davantage, mais il se gardera bien de demander des détails croustillants. Quoi qu’il s’est passé entre eux, c’était il y a quelques temps et Syrius n’est même pas concerné. Et le fait qu’il ait hérité de Lyov ne l’ajoute absolument pas dans l’équation. Heureusement, son interlocutrice passe à autre chose pour se présenter. Lucie Helm, donc. Professeure du laboratoire du coin. Rien que ça ! Elle lui fait ensuite la présentation de tous ses petits compagnons. Winston le Verpom, Lumila le Lampignon, Wattson le Anchwatt. Quelle jolie petite troupe. Syrius lui présenterait bien ses propres Pokémon mais … ce n’est sûrement pas une bonne idée de lâcher tout ce beau monde dans une bibliothèque. Et il a promit à Lyov qu’ils ne seraient que tous deux, aujourd’hui – et il compte bien tenir sa promesse. De toute façon, ce n’est absolument pas l’endroit pour ça. Les Pokémon de Lucie sont petits et assez passe-partout. Ce n’est pas forcément le cas de tous les Pokémon de Syrius – notamment Khensit, qui a très récemment évolué en Arbok. Finie la petite vipère trônant sur ses épaules. La créature est trop grande et trop lourde pour garder cette habitude – et d’ailleurs, cela manque beaucoup à Syrius. Mais c’est ainsi, ce n’est pas comme s’il avait le choix de toute façon !
A côté de lui, Lyov se redresse finalement et s’approche, posant ses petites pattes sur ses genoux. De toute évidence, la discussion l’intéresse et il tient à y participer. Doucement, Syrius le saisit sous les bras et l’assoit sur ses genoux, en profitant pour caresser un instant son pelage bleu. De ses grands yeux grenats parcourent la table, étudiant son contenu avant de saisir un livre d’image. Il a tenu à l’emprunter quelques rayons plus tôt et Syrius n’a pas eu le coeur de lui refuser. Visiblement ravi, le Riolu ouvre l’album sur la table et commence à le feuilleter avec intérêt. Sûrement n’est-il pas en mesure de lire ce qu’il y a écrit dessus, mais au moins profite-t-il des jolies illustrations. Pour peu, il ressemblerait à un enfant humain.
▬ En effet oui, je connais Alexei. Nous nous sommes rencontrés dans les Plaines Cristal, il y a quelques semaines, et nous voyageons ensembles.
Lyov fait défiler quelques paysages enneigés dans son album, poussant des petits gazouillis de temps à autre. Sûrement reconnaît-il quelques lieux qu’ils ont eu l’occasion de visiter depuis le début. L’illustration sur laquelle il vient de tomber représente les montagnes de la Chaîne des Milles Sommets – une étape très longue et difficile de leur périple, pendant laquelle Alexei était tombé bien malade. Heureusement, ils ont pu rejoindre Belagora avant tout drame. Néanmoins, malgré la difficulté de ce moment, Syrius n’en tire au final qu’un beau souvenir : c’est dans la rigueur du froid et la fatigue du voyage qu’ils ont apprit à se connaître vraiment et, surtout, à se faire confiance. Et si s’était à refaire … il recommencerait sans même hésiter. C’est d’ailleurs pendant cette même période qu’il a commencé à s’attacher à Lyov, comme s’il était son propre Pokémon. Alexei n’était certes pas tendre avec lui mais … le Riolu le lui rendait bien. Impertinent, désobéissant par moment, il savait comment rendre son ancien propriétaire fou de rage. Tous les deux n’étaient pas fait pour s’entendre : leurs caractères ne le permettaient pas. Syrius ne rejette donc pas toute la faute sur Alexei, car Lyov l’a bien cherché aussi.
Lentement, il lève les yeux en direction de la professeure. Il se doute bien qu’elle a déjà une idée arrêtée concernant le Venyysien mais … Syrius ne peut la laisser penser qu’Alexei est un mauvais dresseur ou quoi que ce soit du même acabit. Il faut avoir une certaine humilité pour accepter de se séparer de son Pokémon, d’avoir conscience qu’il ne nous correspond pas. Syrius doute l’avoir, à titre d’exemple. Certes, le don de Lyov s’est déroulé très précipitamment, au cours d’une véritable tempête émotionnelle, mais il n’est pas revenu sur sa décision le lendemain. Sûrement y pensait-il déjà depuis longtemps, mais attendait le meilleur moment pour lui confier le Riolu .. ? Syrius doute avoir le fin mot de l’histoire un jour, mais c’est ce qu’il aime penser.
▬ Il m’a en effet confié Lyov. Tout est arrivé un peu vite, donc nous devons encore nous y habituer. J’ai quatre autres Pokémon donc je dois prendre le temps de m’occuper de tout le monde. Ce n’est pas toujours facile, mais je fais de mon mieux.
Sur ces genoux, Lyov s’agite en refermant son album. Il a déjà terminé de le parcourir et semble désormais jeter son dévolu sur l’un des gros ouvrages dégoté par Syrius. C’est un immense bouquin concernant l’élevage des Pokémon de Type Combat – absolument rien qui semble pouvoir intéresser le Riolu sur le papier, mais l’Austréen le lui cède quand même. Du moment qu’il fait attention, il n’a aucune raison de le lui refuser. De toute façon, Lyov aura tôt fait de s’en désintéressé lorsqu’il réalisera qu’il ne comporte quasiment aucune image. En tout cas, Syrius s’attend à tout moment d’être traîné dans les rayonnages enfants : Lyov ne se satisfera pas d’un unique album d’images, c’est une certitude.
▬ Mais si je peux me permettre … ce n’était pas une histoire d’être taillé ou non pour le garder. Lyov n’est pas un Pokémon facile, moi-même j’ai un peu du mal avec lui. Il est têtu et un peu feignant. Son caractère n’était tout simplement pas compatible avec celui d’Alexei. Pour autant, ça n’en fait pas un mauvais Dresseur, loin de là.
Je suis bien curieuse d’entendre le fin fond de cette histoire. Par curiosité morbide ? Ah, non. Je ne suis pas de celle qui se laisse aller à colporter les derniers cancans par ennuis. Disons plutôt… qu’il s’agit de mon devoir ? Je ne dois pourtant rien, ni à ce riolu, et encore moins à cette parodie de dresseur blond. Je ne dois même aucune explication à cet austrien, mais que le diable m’emporte, il ne partira pas avant que je puisse comprendre, pas avant qu’il puisse comprendre ma version de l’histoire. Je ne la dois à personne, mais je me sens comme… obligée d’intervenir. Mettons ça sur mon statut de professeur. J’ai beau être non conventionnelle, j’ai beau étudier un sujet qui ne me force même pas vraiment à interagir avec le monde humain, j’ai beau être une saloperie d’ermite depuis ma plus tendre enfance, je suis et resterai une professeure digne de ce nom. Et les prof pokémon, ça doit remettre ces idiots de dresseurs sur le droit chemin, avant qu’ils ne se mettent en tête de partir faire un tour des arènes, la bouche ne cœur et surtout, avec une tripotée de pokémon qu’ils ne sont pas capables de maitriser. Ai-je une mauvaise image des dresseurs ? Peut-être, peut-être pas. Je n’ai jamais trop aimé l’idée d’utiliser mes compagnons de vie pour combattre dans des défis plus idiots les uns que les autres. Je ne supporte déjà pas l’idée que Wins’ soit blessé alors l’envoyer au casse-pipe contre Martial ? Heh, nan. Pas ma tasse de thé. Je peux néanmoins concevoir, et c’est indéniable, que le lien si fort qu’il existe encore humain et pokémon passe également par une confiance, née et construite au fil des combats.
Est-ce que tous les dresseurs sont des idiots inconscients qui maltraitent leurs pokémons ? Non.
Est-ce que ce type de dresseurs existent ? Absolument.
Est-ce que, en tant que prof, je vais fermer les yeux et rester à végéter dans ma forêt ? Plutôt crever.
Alors puisque Syrius ‘voyage’ avec Alexeï, puisqu’il semble bien mieux le connaitre que moi, vérifions si cette parodie de dresseur peut remonter un minimum dans mon estime.
Spoiler alert, il est difficile de descendre plus bas. A moins de crever, et quelque chose me dit qu’il est particulièrement doué pour crever des trous. Qui sait ? Les miracles existent. Qui sait… je pourrai même, via l’austrien, rentrer en contact avec lui et voir de moi-même ce qu’il en devient de mon pokémon. Lyov, le riolu, finit par nous rejoindre à table, s’emparant d’un livre d’image qu’il ne peut comprendre. A le voir comme ça, difficile de croire qu’il soit taillé pour le combat… malgré son type. Son caractère doit être moins belliqueux que ceux de son espèce. Tout bonnement adorable. Wins’ et Watt’ ne sont pas aussi friant de bouquins, surtout parce que, sans pattes, il n’est pas facile d’en ouvrir un, ou même d’en transporter un ! Les deux devront attendre d’évoluer avant ça, et ce n’est pas pour tout de suite. Watt’ est encore très jeune, très loin de posséder une maturité nécessaire… Quant à Winston… hm, je ne sais pas si je prête à me séparer de sa petite bouille de pomme adorable. Chez lui, il n’y a que son amour des baies Stekpa qui grandit ! Les deux pokémons apprivoisent donc leur environnement, grimpant sur un des canapés mis à disposition du public. Je leur fait confiance pour ne y faire trop de dégât.
Syrius me confirme que Lyov lui a été confié définitivement. Voila une première bonne nouvelle ! ça a l’air d’être relativement récent, imprévu et le dresseur doit également jongler avec les autres membres de son équipe. Je peux l’imaginer. Accueillir un nouveau pokémon n’est pas une mince à faire, voila pour quoi j’ai attendu des années avant de donner de nouveaux compagnons de jeu à Winston… et encore, j’évite les pokémon de type vol ou d’une certaine taille. Heureusement, pour l’instant, tout va bien… mis à part avec Lucebel avec laquelle j’ai encore du mal. Un coup d’œil sur l’ouvrage concernant le type combat m’indique qu’au moins, Syrius semble faire des efforts pour apprendre à connaitre le Riolu. Les ouvrages de cette collection sont assez complets, mais très généralistes. Oui, il connaitra tout du type combat, leurs spécificités et leurs capacités… mais connaitra-il Lyov ? J’en doute. Pas aussi intimement. C’est un pas dans la bonne direction, mais la route sera encore longue, c’est tout ce que j’ajouterai. Je m’apprêtais à acquiescer avec lui, si ce n’est pour cet ajout suivant.
Il veut se permettre ? Qu’il se permette, je ne vais pas l’empêcher de parler. Mais je ne peux pas lui promettre d’être d’accord avec lui. Surtout après cette tentative plutôt maladroite de défendre Alexeï. « Pas un pokémon facile ? », voila une phrase qui me dérange profondément. Aucun pokémon n’est facile, est-ce une raison pour les jeter ou les maltraiter à la première occasion ? Je ne crois pas. Aucun de mes pokémon n’est ‘facile’. Winston est tout bonnement inutile en combat, Lumila et Wattson sont trop chétifs pour faire la différence, Luce’ ne m’écoute même pas et je ne parle même pas Rosie qui est complètement perdue dans son monde merveilleux et pluvieux.
Pourtant, je ne me suis jamais plainte d’eux.
Ja-mais.
Je toise le dresseur, resserrant mes bras croisés sous ma poitrine. Une attitude et posture fort peu élégante, et plutôt digne d’un thug des bas quartiers de Belagora mais, je ne suis pas une lady. Et je n’ai jamais prétendu en être une.
« Encore un peu, et on croirait t’entendre dire qu’il s’agit de la faute de Lyov. »
Ma sentence est froide et tombe comme un couperet. Comment dire, j’ai toujours préféré défendre les pokémon que les gens de mon espèce. Une préférence bien franche. Je ne hausse pas le ton, pas plus que j’essaie d’être intimidante… disons que le froid septrionnien se ressent plutôt bien d’un seul coup.
« Aucun pokémon n’est facile. Lui as-tu seulement demandé son avis avant de le balancer dans une arène pour combattre ? Ou parce qu’il est du type combat, tu penses que forcément, il adore foutre des raclées ? » Je soupire longuement, et passe mes doigts fins dans mes cheveux pour dégager une mèche de mon visage. « Vous autres dresseurs devaient comprendre que les pokémons ne sont pas des machines qui obéissent au moindre ordre et qu’on peut jeter au premier disfonctionnement. »
Je ne peux pas imaginer ce visage suffisant et arrogant faire quoique ce soit pour s’adapter à son pokémon. Je ne le vois que comme il s’est présenté à moi, ce fameux jour. Enervé et énervant. A piquer une crise au premier problème. A jouer à l’autoritarisme gratuitement… mais « Lyov n’est pas facile » ? Ah ! C’est la meilleure ! Syrius ne semble pas de cet acabit, et s’il est ami avec Alexeï, je peux encore concevoir sa tentative de le défendre… mais il y a des limites. Actuellement, lui et moi avons le même problème, mais pas la même manière de le résoudre. Pas la même approche. Je peux le respecter. Je me redresse sur ma chaise et fouille une des larges poches de ma blouse blanche. Je vais sans doute le regretter, mais tant mis. J’en sors une pokéball toute simple. Une pression sur le bouton central et je libère la monorpale de sa prison numérique. La balle bicolore s’ouvre en deux et le rayon de lumière rouge se change bien vite en un pokémon épée, lévitant à quelques centimètres du sol. Sa belle lame rouge est à peine visible sous son fourreau.
« Voici Lucebel. » J’annonce sans plus de cérémonies, alors que Winston et Wattson se rapprochent de moi, moins à l’aise à l’arrivée du pokémon épée. Elle n’est pas violente en soi, mais… je reste sur mes gardes avec elle, et je garde sa balle entre mes doigts. « C’est le pokémon qu’Alexeï aurait dû recevoir, mais j’imagine qu’autre chose est sorti de l’œuf qu’il a acheté. Elle est belliqueuse, fière, déteste cordialement mon travail de recherche et a déjà ruiné trois de mes arbres à baies Tamato. Est-ce que je devrai m’en débarrasser, d’après toi ? »
Pourtant, malgré tout ça, je ne peux pas me résoudre de m’en séparer. Oui, je ne suis pas la personne qui lui faut. Oui, j’imagine qu’elle serait bien plus à l’aise avec un dresseur en pleine tournée des arènes. Pourtant, j’essaie. Je fais des efforts. J’essaie de m’entendre avec elle.
« Si je lui rends, penses-tu sincèrement qu’il saura la gérer ? Car de ce qu’il m’a montré, je peux t’assurer que non. »
D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Syrius a toujours eu un excellent rapport avec les Pokémon. Dans sa petite enfance, il s’est davantage amusé avec les deux Arbok de son grand-père qu’avec des enfants de son âge. Petit garçon isolé du grand manoir de sa famille, il n’a pas profité des nourrisses ou des majordomes comme Shaïm ou Ayman. Lorsque Madhi son grand-père devait s’absenter l’espace de quelques instants, il confiait Syrius à ses deux Pokémon sans jamais penser qu’il puisse lui arriver quoi que ce soit. Le couple d’Arbok veillaient sur le petit prince avec attention, s’assurant qu’il ne se fasse pas mal, qu’il ne se mette pas en danger. Syrius étant particulièrement casse-cou, cela n’a pas toujours été évident pour eux. Néanmoins, ils n’ont jamais failli à leur tâche – pas une seule fois. De ce fait, le garçon a très vite accordé toute sa confiance aux Pokémon. Que ce soit les Arbok de Madhi pour les Pokémon Dragon de Shaïm, il n’a jamais ressenti la moindre peur à leur égard. Seulement une confiance sincère et une affection toute particulière. Lorsqu’il fallait polir les écailles du Libégon de son aîné, il était toujours le premier à se proposer. S’occuper des Pokémon, veiller à leur bien-être, les câliner aussi … c’est tout ce qu’il a toujours aimé.
Lorsqu’il a reçu l’oeuf de Khensit, à l’occasion de son anniversaire, Syrius s’est juré d’en prendre soin quoi qu’il arrive. Des nuits entières, il est resté debout devant l’oeuf, à veiller sur son bien-être et en espérant qu’il allait très vite éclore. Il était là, aux premières loges, lorsque la Abo a fendu sa coquille. Il est le tout premier être qu’elle a vu – c’est pourquoi un lien si fort les unit. Dès lors, ils sont devenus inséparables. Syrius veillait au bonheur de sa petite vipère violette et il faut bien avouer que mademoiselle en a bien profité. Pendant longtemps, elle est restée son seul et unique Pokémon. Le prince ne ressentait pas le besoin d’un autre compagnon, d’autant qu’il pouvait profiter des Pokémon de ses frères, mais aussi de ceux que Leith, son petit-ami de l’époque. Lyla est entrée dans sa vie précipitamment, sans que cela ne soit prévu. Il profitait seulement d’une balade en Thacie avec son amie d’enfance et … le soir-même, il est rentré avec une chauve-souris perchée sur la tête. Et c’est accompagné de ces deux demoiselles violettes que Syrius a entamé son voyage, quittant son Austrée natale pour rejoindre ce Septrion dont il avait toujours entendu parlé, sans jamais avoir eu l’occasion d’y mettre les pieds …
Par la suite … tout s’est enchaîné très vite. Syrius s’est vu confier un œuf par un couple de bédouins, qui a éclot le soir du festival de sculpture sur glace de Belagora. Et c’est au cours de ce même événement que Lyov l’a rejoint, précipitamment, sans que ça ne soit prévu. Et il y a de cela quelques jours à peine, c’est une Mimiqui chromatique qui s’est joint à sa petite bande, augmentant ses effectifs à cinq Pokémon. Et le jeune Prince ne regrette aucun d’entre eux : tous ont leur propre personnalité, leur propre sensibilité, leurs propres atouts aussi. Tous ne deviendront pas de grands combattants, notamment Lyla et Lyov, qui préfèrent de loin menant une existence plus tranquille. Néanmoins, Syrius ne se destine absolument pas à une grande carrière de dresseur. Après tout, le défi des arènes n’est qu’un excellent prétexte pour lui. Il lui permet de visiter le Septrion – Salva toute entière même – tout en s’adonnant à sa passion. Son appareil photo est déjà rempli de clichés qu’il compte bien ajouter à son book professionnel. Si avec tout ça il ne parvient pas à lancer sa carrière de photographe … il peut tout autant retourner à ses études de politique barbantes.
Bref. Sans non plus vouloir se jeter des fleurs, Syrius estime être un dresseur respectueux et proche de ses Pokémon. La preuve, il a décidé de consacrer son après-midi entière au petit Lyov, en cruel besoin d’attention. Le loup bleu n’est pas forcément des plus faciles à apprivoiser, mais Syrius espère qu’au fur et à mesure, il finira par s’attacher à lui. Ils s’entendaient plutôt bien lorsqu’il appartenait encore à Alexei alors … Syrius caresse l’espoir que leurs rapports continuent sur cette lancée et deviennent de plus en plus positifs. Il flatte d’ailleurs le pelage de Lyov, qui lui lance une petite œillade curieuse. Comme s’il n’avait jamais reçu la moindre caresse de toute sa vie – ce qu’il refuse bien de croire. Quel petit malin, celui-là. Mais l’austréen ne se laissera pas prendre au piège. Il ne l’aura pas avec ces petits numéros de pauvre Pokémon battu. Il ne l’a jamais été, même si ses rapports avec son ancien propriétaire n’ont jamais été très tendres et affectueux. Alexei ne lui faisait pas le moindre mal. Il essayait même, de se rabibocher avec lui mais … le jeune loup, quelque peu arrogant, a craché sur les efforts du venyysien. Syrius a pu le constater de ses propres yeux à plusieurs reprises. Et s’il lui arrivait de prendre la défence de Lyov, il comprend beaucoup plus le point de vu d’Alexei à présent, et s’en veut des jugements qu’il a pu lui porter à Belagora.
Syrius perd son sourire attendri lorsque les mots de la scientifique parviennent à ses oreilles. Pour qui le prend-t-elle ? Elle le connaît depuis moins de dix minutes, et se permet déjà de le catégoriser comme un horrible dresseur sans scrupules ? A moins que, derrière ces accusions, elle ne vise Alexei. Quoi qu’il en soit, Syrius ne peut accepter qu’elle le juge ainsi. Qu’importe comment elle a rencontré le venyysien et ce qu’il a bien pu se passer entre eux. Alexei n’est plus le même qu’au début de leur voyage. Il a changé, drastiquement. Et lui, qui a assisté à cette évolution, s’estime le mieux placer pour en témoigner. En ce moment même, c’est un Alexei totalement différent qui tente de rafler le badge de Martial. Un Alexei bien décidé à évoluer, à apprendre de ses erreurs. Avec Narcisse nouvellement évolué à ses côtés, ainsi qu’avec Kama et Orion … Syrius est sûr et certain qu’il triomphera. Et alors, il pourra prouver que tous ont eu tord de le sous-estimer. Ou même de le considérer comme un dresseur incapable de comprendre ses Pokémon. Et cela, Syrius compte bien l’expliquer à Lucie. Qu’elle l’écoute ou pas, peu importe – mais il ne peut la laisser dire des choses pareilles. Et surtout pas à lui.
Mais avant qu’il n’ait le temps de dire quoi que ce soit, la jeune femme se redresse et libère un Pokémon épée de sa Pokéball. Syrius reconnaît aussi Monorpale, et alors le lien se fait dans sa tête. C’est ce Pokémon qui aurait du sortir de son œuf, il y a quelques jours. Au lieu de quoi, il a hérité d’une Croquine – ce qui est bien loin de ce qu’il attendait. S’il ne lui a jamais vraiment raconté toute l’histoire, Syrius se rappelle de sa rencontre avec Sarah, dans la forêt des Sycomores. Alexei avait en effet mentionné une scientifique qui devait lui rendre quelque chose. Tout s’explique désormais : c’est elle qui possède son Monorpale, et lui sa Croquine. Si le Pokémon épée est impressionnant, Syrius ne se laisse absolument pas intimidé. Est-ce que Alexei parviendrait à la gérer ? Il en est sûr et certain. Mais la réelle question est … veut-il seulement la récupérer ? Depuis peu, le venyysien s’est découvert un attachement tout particulier envers les Pokémon de type Fée. Il suffit de voir les rapports qu’il entretient avec Narcisse ou Orion. Ca n’a absolument rien à voir avec sa relation avec Kama, basée sur une utilité réciproque seulement. De ce qu’il sait, Monorpale n’est absolument pas un Pokémon Fée. Ce n’est donc pas dans ses cordes, dans ce qu’il préfère. Et ça ne l’étonnerait pas qu’il veuille seulement rendre Reina à sa propriétaire, sans récupérer Lucebel en échange.
Un soupir échappe à Syrius, alors qu’il dépose Lyov au sol. Ce dernier disparaît sans attendre dans les rayonnages, à la recherche de nouveaux livres d’images. Le prince le laisse faire, considérant son indépendance comme nécessaire pour la confiance qu’il essaie d’installer entre eux. Il en profite donc pour planter son regard émeraude dans ceux de Lucie, prêt à contre-attaquer.
▬ Excusez-moi, mais je refuse que vous me considérez comme un dresseur mal attentionné ou égoïste. Mes cinq Pokémon, je les estime tous différemment, je les élève avec respect et aucun d’entre eux ne sera forcé de faire quelque chose qui ne leur correspond pas. Il en va d’ailleurs de même avec ceux d’Alexei, et jamais Lyov n’a été jeté sur le champ de bataille contre son gré.
Le jeune prince Al’Shams se redresse un peur sur sa chaise, et croise les bras. Il laisse un instant ses yeux traîner sur la Monorpale flottant aux côtés de la scientifique, choisissant avec soin ses prochains mots. Il ne veut pas paraître irrespectueux ou pédant – seulement lui faire comprendre son point de vu. Qu’importe si cela permet de lui faire changer d’avis ou non.
▬ Si vous voulez mon avis, quand nous aimons nos Pokémon, nous nous devons de prendre les meilleures décisions qui soient pour eux. Lyov et Alexei ne s’entendaient pas. Alors plutôt que continuer dans ce climat difficile, il a préféré me le confier. Et si, à mon tour, j’estime que nous ne sommes pas compatibles, je le ne forcerai jamais à rester avec moi. Tout Pokémon mérite d’être heureux aux côtés d’un humain qui l’aime et le respecte, mais aussi avec lequel il partage des objectifs. Si un jour, l’un de mes Pokémon trouvaient satisfaction auprès d’un autre … je le laisserai s’en aller.
Bien évidemment, l’idée de se séparer de l’un de ses petits compagnons est un véritable crève-coeur. Syrius aime chacun d’entre eux et espère demeurer à leurs côtés pour toujours. Mais il sait aussi être rationnel et responsable : si l’un d’eux ne s’épanouit pas à ses côtés, il le laissera choisir une meilleure vie. Quand nous aimons quelqu’un, il faut aussi accepter qu’il s’en aille, qu’il vole de ses propres ailes. Aussi douloureuse la séparation soit-elle.
▬ Vous estimez que vous ne devez pas vous séparer de Lucebel même si vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde .. mais pensez-vous qu’à elle, ça lui convient ? Qu’elle ne voudrait pas une vie plus dynamique, où elle laissera libre-court à sa force ? Tous les Pokémon n’ont pas comme objectif de devenir de grands combattants, je suis bien d’accord. Mais d’autres si. Et Lucebel me semble taillée pour ça.
Lyov revient soudainement vers lui, tenant trois livres pour enfants dans ses bras. A nouveau, il quémande les genoux de Syrius et ce dernier le soulève pour l’asseoir sur lui à nouveau. Doucement, il l’aide à empiler deux ouvrages sur ceux de l’austréen, puis à ouvrir le premier. Aussitôt, le Riolu se perd dans la contemplation des images en gazouillant de plaisir. Parfois, Lyov lui fait vraiment penser à un petit enfant. Ce qui le rend vraiment adorable.
▬ Pour revenir à Alexei … Il a changé, vraiment. Il n’est plus le même qu’il y a quelques mois. Je crois que, petit à petit … il commence à s’ouvrir à lui-même. A accepter qui il est et se défaire d’une éducation trop réductrice. En ce moment-même, il tente d’obtenir le badge de Martial. Et avec son équipe, je suis sûr qu’il y arrivera. Quant à Lucebel … en toute honnêteté, je ne pense pas qu’il prendra la décision de la récupérer. Il se spécialise petit à petit dans le type Fée. C’est ce qui lui correspond le mieux, et je l’encourage de tout mon coeur dans cette démarche.
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