Le froid ambiant rendait la vie du petit village d'Isslot particulièrement calme, plus personnes ne s'affairait dans les rues modestes. Les quelques rares bruits de la journée provenant des artisans, commerçants, enfants voire même des pokémons sauvages s'étaient abruptement tus, comme si d'un commun accord et la faune sauvage et les humains avaient décidé de ne pas perturber la quiétude des montagnes.

Hiruzen se tenait adossé contre les ruines de cette vieille bâtisse qui avait pour réputation d'être hantée. Ses yeux se perdaient sur l'imprenable vue que lui offrait son poste d'observation bien en hauteur, sur les maisonnettes, la fumée qui s'échappait de leur respective cheminée, témoin qu'une petite famille se regroupait, autour d'un bon feu qui alimenterait la cuisson de leur repas. Un climat chaleureux contrastant avec l'air glacial dans lequel Asaki jouait le rôle de spectateur. A l'intérieur de ces murs de pierre se trouvaient des foyers, un terme qui était inconnu au jeune adulte.

Skirippa était perchée sur le toit, ses yeux perçants également perdus dans la contemplation de la nuit. Tark quant à lui avait préféré demeurer dans sa Pokéball, sans doute s'y sentait-il plus au chaud, lui grand habitué des climats bien plus cléments de Galar.

La raison d'Hiruzen de se rendre à la maison hantée n'était pas une vaine quête de sensation, ni l'envie de s'offrir un soin cryogénique. Non, la solitude était souvent bénéfique pour la méditation et la réflexion, mais l'environnement de son propre chalet était davantage porté sur son repos que comme endroit où penser à son avenir. Il avait essayé pourtant, mais il peinait trop à organiser ses pensées alors que mille détails le gênaient, tels que l'emplacement d'un cadre, le bruit du bois qui travaillait, un claquement de bec de l'un de ses Pokémons... Ces distractions le perturbaient trop, aussi il préférait le calme morbide qui régnait autour de la prétendue maison hantée.

Un mythe, rien de plus, alimenté par des années de légendes et de ouï-dire colportés par des villageois, qui avaient nourri l'imagination des enfants sur des générations entières.
Hiruzen ne figurait pas parmi les gens croyants, profitant seulement du froid qui caressait ses joues, et de l'absence totale de sons garanti par la hauteur à laquelle il se trouvait, et le fait qu'il était entouré d'un massif de chaînes de montagnes.

Soudain, un bruit se fit. A peine perceptible, mais qui sut faire redresser le cou à son Rapasdépic, qui émit un claquement interrogatif. Les gants d'Hiruzen se crispèrent tandis que ses yeux se détachaient du village. Cela pouvait tout être. Un retour de vent, venant des ruines de la maison, un pokémon spectre ou autre qui s'amusait avec lui, ou..
Quelqu'un ?

Le jeune homme sentit ses pulsations augmenter leur rythme. Aussi terre-à-terre et pragmatique qu'il était, la réputation des lieux et le paysage qui s'offraient à lui ordonnait à son être tout entier une certaine prudence. Se collant davantage contre la paroi de la maison, se rapprochant de l'angle qu'elle formait en faisant le moins de bruit possible, Hiruzen se concentrait, prêt pour une éventuelle rencontre.....

Les battements cardiaques s'intensifiaient. Des bruits légers se rapprochaient de plus en plus, informant Hiruzen que les sons provenaient de l'intérieur de la maison hantée. Un pokémon spectre ? Un rôdeur ? Ou des ennuis venus de Kanto, décidés à récupérer leur dû; à sa traque ? Cette simple pensée sut faire crisper les poings du jeune Asaki qui déglutit légèrement, évacuant cette pression qu'il sentait accumulée dans sa gorge. Il lui arrivait de ressentir la peur; la vraie peur, mais là c'était un mélange d'excitation et de colère qui le tiraillaient, comme si tout son être s'était mis en mode défense, et que toutes les cellules de son corps étaient prêtes à tout donner de leur capacité pour neutraliser la menace qu'il pensait imminente.

Et là, cette menace se trouvait devant lui, immobile, gigantesque. Une ombre élancée, effrayante dans le climat de la maison hantée de par sa hauteur, cependant, elle avait forme humaine, ce qui enleva tout le paranormal de l'ambiance mais renforça l'attitude défensive d'Hiruzen qui s'en approchait, à pas feutrés.

Soudain, un craquement, et la personne se retourna, tombant quasiment nez à nez avec Hiruzen qui, à la lueur de la lune dirigeant le ciel, se rendit compte de sa nature.
Ou plutôt, la nature-même de la jeune femme se rendit compte de la présence d'Hiruzen...
Une femme, certes, une grande femme, dont la poitrine tombait respectivement pile à la hauteur du masque du jeune Asaki, qui avait le bec enfoui dans les attributs féminins de la demoiselle. Quoi de plus étonnant, quand on se rendait compte qu'il y avait bien 20 centimètres d'écart entre les deux individus, et que ce n'était pas l'homme le plus grand....

Hiruzen recula aussitôt, plutôt heureux d'être bien enfoui dans l'obscurité pour qu'on ne puisse pas voir son visage rougir. Ce n'était pas un timide, cependant un contact si rapproché si soudain avait quand même su le troubler.
L'ancien mafieux profita d'être à distance plus raisonnable pour observer son interlocutrice, éclairée par la faible lueur de la lune.
Une jeune, malgré sa grande taille au vu de ses traits assez juvéniles, qui l'observait de manière surprise, ayant eu un léger soubresaut, et le tutoyant directement.
Hiruzen soupira, conscient qu'il aurait été à deux doigts d'agresser cette inconnue pour la simple raison qu'elle se trouvait au même endroit que lui, en pleine nuit. Un comportement risqué s'il désirait demeurer discret... Trop risqué, ça aurait été stupide de sa part.

Elle lui parlait de son pokémon, un Verpom tandis qu'Hiruzen la maudissait intérieurement, autant pour l'invasion tétonienne que pour le climat tendu qu'elle lui avait offert. Cependant, il conservait une attitude calme et détachée, ce qui devait sans doute paraître quelque peu étrange pour une jeune femme seule en présence d'un homme, dans l'obscurité ambiante.
Toutefois elle ne paraissait pas être le type de femme à se laisser intimidée, et conservait une innocence relative, lui parlant comme s'ils étaient de vague connaissance et qu'elle pouvait se permettre d'offrir une mine confiante envers Hiruzen. C'était plutôt impressionnant, en même temps, la vie à Salva était différente de celle à Kanto, et peut-être que cette jeune femme n'avait jamais connu l'expérience de la rue ou entendu des nouvelles dramatiques au sujet des destins des jeunes femmes qui se promenaient trop tard le soir.
Une vraie chance pour elle.

Un vert pomme ?

Répéta-t-il, calmement, tentant de se rappeler l'allure du Pokémon. Après tout, le pas encore trentenaire n'avait rien d'un pokédex ambulant et n'était même pas dresseur.
Soudain, une image lui vint, celle d'un Pokémon qu'il avait bien failli avaler tout cru lors de son arrivée à Galar alors qu'il traînait vers les arbres de baies.

Navré, je ne pense pas pouvoir vous aider. Il vaudrait mieux que vous rentriez, il va vite faire très froid et le chemin n'est pas éclairé, vous pourriez vous faire mal.

Hiruzen sut adapter une voix douce, de quelqu'un de posé, et inquiet. Il était calme, mais pas inquiet. Il scrutait le visage de la jeune femme, comme pour le marquer à jamais dans sa mémoire. Des cheveux foncés avec des reflets bleus, des yeux sans doute de la même couleur, difficile à déterminer avec l'obscurité, une silhouette féminine, élancée et grande, un regard pétillant qui pouvait témoigner de sa vraie nature, ou être autant simulée que les inquiétudes d'Hiruzen quant à la bonne santé de la demoiselle. L'avait-elle suivi ? Le traquait-elle ? Qui était-elle ? Une parnaoïa douce envahit l'ancien sous-chef mafieux qui se sentait de raccompagner cette inconnue pour mieux la cerner.

BWAAAAAAAAAAAAHH

Un cri sec et strident fut presque sursauter à nouveau Hiruzen qui par réflexe leva le regard en direction du toit, là où se trouvait son Rapasdépic, Skyripa.

La bonne nouvelle, c'est que le Verpom avait été retrouvé.
La mauvaise nouvelle, c'était qu'il était à deux doigts de se faire avaler par l'oiseau géant.

La panique gagna les yeux de la jeune femme qui devinait la silhouette menaçante d'un rapace, tenant en bec son précieux pokémon. Le manque de réaction d'Asaki aurait pu être mal perçu s'il n'était pas masqué par l'obscurité et par la vive réaction de la demoiselle. Hiruzen aurait pu hausser les épaules et laisser Skyripa entamer son pique-nique, elle qui était une chasseuse, un prédateur des ciels, et qui n'aimait pas particulièrement les Pokémons à l'air mignons. Mais Hiruzen n'était pas à Céladopole et ne possédait pas le brassard Rocket qui lui offrait un certain amendement à des actions aussi... naturelles que de laisser la nature des Pokémons faire ses propres lois. Le jeune Asaki peinait à comprendre comment un pokémon qui ressemblait à un fruit pouvait avoir la moindre chance de survie en milieu hostile. Ressembler à un snack n'était décidément pas l'idée la plus Darwinienne que la nature ait eue.

Cependant, de par la présence de la jeune femme, Hiruzen avait une responsabilité. Soit il laissait faire son Rapasdépic et devrait en assumer les conséquences, des reproches, et éventuellement un risque de marginalisation du village d'Isslot, soit il se comportait comme n'importe quelle personne relativement civilisée, comme un bon montagnard désireux d'aider des inconnus. La deuxième option ne séduisait pas vraiment l'ancien voyou, toutefois la variante de se faire mal considérer par les villageois lui était davantage préjudiciable.
Son but, la raison de sa venue dans cette contrée si lointaine, n'était pas de débuter avec l'image d'un homme détestable et qui n'aspirait pas la confiance. Il avait des ambitions, des projets, et il ne permettrait à aucun détail de se mettre en travers de sa route pour mener à la réalisation de ces projets.
De plus, il ignorait tout de cette demoiselle, et avec sa chance éventuelle, peut-être occupait-elle une place importante dans la vie de ce petit hameau conservateur... Une aide pourrait lui ouvrir des opportunités... ne savait-on jamais.

"Pas besoin de caillou, jeune fille...

Glissa-t-il à l'attention de l'inconnue, remarquant qu'elle semblait chercher du regard quelque chose pouvant sauver son compagnon de sa mauvaise posture.

"Skyripa, lâche.

L'ordre avait à peine été prononcé de manière plus forte que le reste de la conversation mais sut attirer le regard perçant de son pokémon ailé, qui, contrariée, battit des ailes puis cracha le verpom dans les bras de sa maîtresse puis s'en alla, plus loin, pour témoigner à son maître de tout son mécontentement, dans une attitude un peu boudeuse.

"Ah, elle m'en voudra pour un moment. Mais l'important est que votre ami aille bien. Je m'appelle Hiruzen Asaki, et je m'excuse de ce désagrément...

Un regard faussement chaleureux accompagna ces paroles. Les présentations étaient désormais devenues nécessaires, et Hiruzen s'y adonnait, avec un malice tout dissimulé.

« C’est professeur Lucie Helm, et définitivement pas jeune fille. Je peux largement me débrouiller seule sans qu’un type louche essaie de me donner des conseils au milieu de la nuit, merci. »

Ses yeux bleutés dirigés vers le ciel ne purent apercevoir la mine surprise que lui offrit Hiruzen au moment où retentit le mot professeur dans son esprit. Professeur ? Mais... Professeur de ? Elle ne venait pas d'Isslot, sinon il l'aurait repérée bien prématurément, mais sans doute venait-elle de la région de Septrion, ça se sentait avec la répartie habituelle de ses habitants et leur regard franc. Ca tenait de l'anecdote, mais le jeune Asaki se sentait chanceux d'avoir croisé le chemin de cette jeune fi- Professeur, pardon, qui semblait toujours inquiète de savoir si Skyripa traînait ou non dans les environs.
Puis, elle posa une question qui sembla confirmer qu'elle avait sans doute vécu et grandi à Salva, à Septrion.

Hiruzen se gratta la tête, un sourire aux lèvres.

Pour une professeur, vous faites très jeune. Certaines s'en sentiraient complimentées, mais je peux comprendre votre air froissé, jeune Professeur.

Il se rapprocha un peu plus de la dénommée Lucie qui tenait toujours en ses bras son malheureux Pokémon qui avait une odeur de pomme mouillée. Il semblait foudroyer du regard Hiruzen mais ça c'était peut-être uniquement son impression, quoique le Verpom devait bien sentir que le maître du volatile aurait très bien pu laisser ce dernier le manger.
Si Lucie n'avait pas été là.

C'est l'évolution de Piafabec, un Rapasdépic. Une race très présente dans ma région natale mais que j'ai cru comprendre se faire plus rare à Salva. Elle n'a rien de méchant, seulement les épreuves de la vie l'ont conservée un peu sauvage.

Ce n'était pas tout à fait vrai, mais pas tout à fait faux. Hiruzen admettait que c'était plutôt ses propres épreuves qui avaient donné un caractère froid et fort à Skyripa, à cause de ses années de service pour la Team Rocket.

Professeur Helm... Un nom qui sonne très bien si je peux me permettre. Et quels sont les centres de vos études ? Du moins si vous vous sentez de les partager avec un type louche comme moi

En tous les cas la curiosité d'Hiruzen en était piquée à vif désormais. La science et les grands esprits criminels avait été un mariage des plus puissants et chaotiques que l'Histoire ait jamais connues, et avait souvent laissé des marques indélébiles en termes de souffrance. Pas que c'était son but, loin de là, mais les gens de la science avaient toujours su soulever tout son intérêt.