HISTOIRE -
L'histoire des familles Solano et Noctis ont toujours été intimement liées, d'aussi loin que s'en souviennent leurs représentants et leurs ancêtres. Même une fois leur origine tracée jusqu'à une lointaine région, la symbiose des deux armoiries semblait aussi vieille que le monde lui-même.
Une relation immémorable, certes, mais peu équilibrée. Si autrefois, les Noctis étaient les vassaux des autres, les temps ont changé et ce terme n'est plus d'actualité, les Hommes étant censés être égaux les uns aux autres. Pourtant, officieusement, ce rapport de supériorité était conservé. Plus d'impôts, plus d'ordres à recevoir... c'était comme si les bases étaient restées par... habitude plus que par nécessité. En effet, chacun avait une petite fortune leur permettant de vivre indépendantes l'une de l'autre dans l'oisiveté la plus écœurante. Il semblait juste qu'aucun héritier ne se soit mis en travers de la perpétration de la tradition.

Les Solano descendaient d'un grand chevalier, disait-on, aux balbutiements du Moyen Âge. Portant sur son torse et sur son écusson l'image d'un vaillant Némélios, il aurait été si proche de la famille royale qu'ils s'y seraient mêlés, avant de fuir, avec leurs plus loyaux amis, lorsqu'une révolution les guetta.
Peut-on réellement croire ces écrits ? Venus de la main d'un Solano lui-même, probablement peu objectifs... la seule source vérifiable était leur emblème. En effet, leur lion flamboyant, toujours représenté sur certaines œuvres d'art de la villa, faisait écho au lynx de foudre qui était le visage des Noctis.
Ces derniers semblaient avoir des racines moins nobles que celles de leurs comparses. Sans être des travailleurs de la terre, leurs enfants semblaient voués à devenir les majordomes, au point d'être comparés à des Wimessir - c'est dire comme ils étaient bons dans leur travail.

Depuis des générations, il allait de coutume que chaque enfant Solano soit assisté d'un Noctis pendant sa croissance. Non content de protéger le premier, ce lien devenait souvent une amitié solide comme l'acier, qui faisait toute l'essence de la dyade.

Ces dernières années, plus personne ne parlait d'eux. L'époque des nobles était révolue. Maintenant, on parlait plutôt de "bourgeois". Les Rois de Galar étaient tombés et les Champions d'arène ainsi que le Maître prenaient les décisions importantes pour la région. Ainsi, même si un nom d'un des lions tombait dans un journal pour une quelconque affaire d'argent sale, il était vite balayé et oublier lorsqu'un scandale plus croustillant arrivait sous la plume des reporters. Solano et Noctis vivaient donc dans leur petit monde, loin des préoccupations d'autres citoyens, protégés par une carapace d'or.

C'est dans un drôle de contexte qu'a vu le jour Lumière. Fille unique de la branche principale de sa famille - ses parents auraient paraît-il eut de la peine à concevoir, plutôt qu'une cuiller en argent dans la bouche, c'est avec tout le service à thé qu'elle est née. Son arrivée coïncidait avec celle du cadet Noctis, une petite tête brune du nom d'Orphée. Coïncidence n'était peut-être pas le terme approprié, puisqu'il était né quelques semaines après sa future amie, dont l'annonce avait été faite en grande pompe. Il n'était pas impossible que le couple se soit mis à l’œuvre à l'occasion comme il arrivait parfois
Pourtant il y avait déjà un fils portant les armoiries Luxray. Le dénommé Sirius était de cinq ans l'ainé de son jeune frère. N'ayant jamais rencontré d'alter ego, il était déjà bien indépendant pour un petit garçon. Il était souvent vu jouant avec son Evoli dans les jardins, surveillé uniquement par une Wimessir. Son benjamin, lui, était constamment materné par trois nourrices du matin au soir lors de ses premiers mois.

À peine savaient-ils marcher que Lumière et Orphée avaient été présentés l'un à l'autre. Sans surprise, ils étaient devenus en un rien de temps inséparables. Ils étaient les seuls enfants de leur âge à leur connaissance et, même s'il avait un frère à peine plus âgé qu'il prenait en exemple, le jeune brun appréciait cette compagnie qu'il n'avait pas dans sa famille, d'autant plus qu'il prit son devoir à cœur aussitôt qu'il fut assez mature pour en comprendre la nature.
La jeune fille n'avait d'autre préoccupation ou responsabilité que de grandir en bonne santé. Quasiment enfermée et toujours surveillée, elle ne s'en était jamais rendu compte, tant son mode de vie lui paraissait simple ainsi. Elle ne se sentait en rien couvée lorsque c'était un ami cher qui veillait sur elle : chaque moment passé avec Orphée était une merveille. Ils s'amusaient ensemble, prétendaient boire le thé en sirotant du vide, montaient ensemble à dos de Ponyta et jouaient souvent avec Jupiter, le Lixy du garçon. Enfin, son dresseur était autorisé à l'entraîner tandis que son amie devait se contenter d'observer. Elle avait eu beau réclamer son propre Pokémon, on le lui avait toujours refusé, de peur qu'elle ne se blesse en l'entraînant dans des combats.

Cependant, elle crut un jour que son paternel allait céder. Une énième plainte le fit gromeler sans clâmer son catégorique "non", dont il se servait au moins une fois par semaine. Il réfléchit un instant, accepta, causant un cri de joie chez sa descendante, que toute la maison put entendre. Le soir-même, après le repas mais surtout après une longue journée d'impatience, l'homme approcha sa fille une Pokéball à la main. Elle s'en saisit, mais avant de retirer sa paluche, son paternel annonça :

Je te fais confiance pour prendre soin de Julio. annonça-t-il
Oh non, pas Julio ! protesta-t-elle, manifestement déçue.

La sphère s'ouvrit alors sous une pression du bouton, faisant sortir un canard aussi blanc qu'un Lakmécygne et au regard perçant digne d'un Arbok.

Quant à toi Julio, je te fais confiance pour prendre soin de ma fille chérie.

L'oiseau acquiesça, visiblement heureux de sa nouvelle mission. Cela faisait des années qu'il ne combattait plus, ayant perdu sa lance qui faisait la fierté de tout Palarticho. Son dresseur ne s'en était pas débarrassé pour autant, le gardant précieusement dans sa ball, à ses côtés. Maintenant qu'il n'avait plus de raison de s'ennuyer, il salua sa nouvelle maîtresse de l'aile tel un militaire et ne la lâcha plus jamais.
Bien que déçue par cette décision, Lumière se contentait d'observer son camarade et son lionceau avec admiration. De plus, elle s'habitua bien vite à la présence de la volaille.

Le temps ne semblait pas user la proximité entre les enfants, qui devenaient peu à peu adolescents. À la rigueur, ils se renforçaient. Même s'ils semblaient avoir tout fait ensemble, ils ne s'étaient jamais fatigués de la présence de l'autre. Ils jouaient peut-être moins, appréciant dorénavant davantage les longs moments de silence, de discussion, les entraînements de Jupiter, devenu Luxio. Leurs balades, elles, n'avaient pas vraiment changé, à la seule exception qu'ils avaient dû troquer leurs Ponyta pour des montures à leur taille. Ils s'éloignaient rarement de leurs promenades habituelles, si bien qu'ils connaissaient le trajet par cœur. Pleins de confiance, ils auraient pu guider leurs Galopa les yeux fermés.

Un certain jour, leurs jambes les menèrent vers le bord de mer. Le panorama était superbe. L'eau semblait d'un bleu éclatant, quand bien même on se doutait de sa froideur en automne, la roche calcaire, qui surplombait une plage de rochers, d'un blanc immaculé se reflétait à la surface de l'océan et pour peu que l'on vienne à la bonne heure, on pouvait y voir l'un des plus beaux couchers de soleil de Galar. Dans cet objectif, le duo était parti en début d'après-midi. Ils avaient tant pressé le pas, pleins de hâte de contempler ce spectacle ensemble, qu'ils étaient arrivés quand l'astre solaire descendait à peine. Il leur faudrait patienter.
Pas découragés, ils s'assirent sur la fine couche herbe qui précédait la falaise. Par chance, il n'avait pas plu ces derniers temps. Leur siège improvisé était donc assez sec pour s'y sentir à l'aise et surtout ne pas mouiller la belle robe blanche. Afin de protéger le dit vêtement, Orphée avait retiré sa veste afin que son amie puisse s'y reposer. Malgré son insistance et son inquiétude quant à la santé du garçon s'il se découvrait, rien n'y fit, il eut le dernier mot. Feignant l'agacement, Lumière était surtout très touchée d'un tel élan de galanterie. Son camarade finit par la rejoindre sur le sol, dans un grand soupir. Un regard fut échangé, ainsi qu'un sourire, avant de chacun détourner la tête, gênés.
Jamais ils n'avaient évoqué le sujet de ces drôles de nouvelles émotions qu'ils avaient depuis un an. C'était à la fois une montagne à avouer et une évidence dont on n'avait pas besoin de parler. Ils se satisfaisaient de leurs moments passés ensemble, même si le contact physique qu'ils avaient enfants mais ne pouvaient plus se permettre en grandissant leur manquait.
Comme pour le démontrer, la main d'Orphée s'avança. Timidement, et comme pour ne pas être vu, il l'approcha de celle de la Solano, perdant en assurance lorsqu'il se vit la toucher. Il se lança tout de même et à sa surprise, malgré une grimace d'étonnement sur le moment-même, Lumière ne se débattit pas, se contentant de lui répondre d'un rire presque inaudible, qu'elle dissimula sous ses doigts ainsi que ses joues écarlates.

COUAC

Fouettés par les plumes d'un certain oiseau, les jeunes gens durent se lâcher, avant de se mettre à fixer la mer comme si de rien n'était. Satané Julio, ils l'avaient oublié. Il était en partie la raison pour laquelle aucun des deux bourgeois n'osait se dire quoi que ce soit. Il ne voulait pas de mal, il prenait juste sa mission très à coeur. Quiconque toucherait à sa dresseuse subirait son courroux. Bien heureusement, cela ne voulait souvent dire qu'un petit coup du revers de l'aile ou un coup de bec.
Le silence étant devenu pesant suite à cette interruption, le garçon se leva sans prévenir. Il se tourna vers la blonde avant de lancer, joyeux :

Oh, mademoiselle Lumière ! Je ne vous ai pas montré nos progrès avec Jupiter depuis fort longtemps ! Que diriez-vous d'une petite démonstration ?

Lorsqu'il entendit son nom, le félin ronronna. Il alla rejoindre son maître, à quelques mètres plus loin. Une règle : car il ne fallait surtout pas que Lumière n'encaisse malencontreusement un éclair.
L'enfant et son Pokémon se retrouvèrent face à face. Le second, sous les ordres du premier, gonfla son pelage, apparemment en pleine concentration. Plus sa fourrure prenaient du volume, plus on l'entendait crépiter, chargée d'électricité. Il semblait imbu d'une aura jaune, presque blanche, comme la foudre. Puis, on lui intima d'utiliser Étincelle. Le lion ne perdit pas de temps et galopa en direction de son humain, qui courut devant en riant aux éclats. Lorsqu'il tournait d'un côté ou de l'autre, son animal le suivait dans une course-poursuite électrique. Les deux spectateurs riaient aussi, sachant que le garnement était bien assez fort pour supporter le choc si sa créature le rattrapait : depuis toujours, il jouait avec son monstre tonnerre et ne sentait plus que des chatouilles lorsqu'une de ses attaques le touchaient. Tout le monde pouvait profiter de l'image du lynx devenu un véritable bolide doré, beau et fier. Quand elle voyait ses amis s'entraîner, l'adolescente jalousait parfois la beauté de leur performance.

Dis-moi, Julio, même si tu ne combats plus, tu pourrais faire une démonstration de tes capacités, non ? intervint Orphée, à bout de souffle, qui se permit de s'arrêter.

Avant qu'il n'obtienne une réponse, le félidé le percuta de plein fouet, feignant l'agressivité, avant de lécher affectueusement le visage de sa victime, hilare.
Le canard réfléchit un instant avant d'oser faire quelques pas. Il connaissait bien quelques attaques qui ne nécessitaient pas feue son épée après tout. Alors, d'un vigoureux coup d'aile, il prit une folle altitude. Les autres le regardèrent avec stupeur. On ne voyait pas souvent de Palarticho voler. En effet, leurs lourds lances et boucliers les clouaient au sol, et il était rare qu'ils osent s'en défaire. C'était quelque part un avantage qu'avait ici ce spécimen.
Après quelques tours dans le ciel à la manière d'un rapace, Julio s'élança. D'une dernière courbe, il prit une position digne d'une flèche, bec en avant et ailes repliées, tournoyant comme une toupie, à une vitesse dont aucun ne se serait douté de sa part. Enrobé dans un tourbillon bleu éclatant, il piqua vers le sol, bien loin de l'humaine qu'il craignait tant blesser. Lorsqu'il s'approcha du sol, il remit ses pattes palmées devant lui, espérant atterrir dignement... c'était sans compter sur le manque de pratique. Il n'avait pas combattu depuis si longtemps qu'il avait perdu en agilité. Il hésita trop longtemps avant de poser ses orteils, si bien qu'une jambes passa devant l'autre et qu'elles s'emmêlèrent, le faisant tomber menton le premier dans un nuage de poussière. D'abord honteux, il n'osa pas se retourner vers son auditoire qui ricanait, jusqu'à qu'il l'entendît applaudir.

C'était superbe, Julio ! On en oublierait presque l'atterrissage en beauté !

Ce commentaire de sa maîtresse lui fit relever la tête, fier. Elle avait raison, il avait réussi sa prestation avec brio jusqu'aux dernières secondes. S'il devait se redonner en spectacle à l'avenir, il était certain de faire mieux. Au sourire de Lumière, il devinait qu'elle avait hâte d'en voir plus, mais ça serait pour une prochaine fois : le duo Orphée-Jupiter avait déjà repris son entraînement.
A présent, le gamin devait éviter les coups de croc de son Luxio. On voyait là les fruits de son entraînement physique, à réussir à devancer et esquiver ainsi un Pokémon. Regardant derrière lui pour voir où en était son poursuiveur, il lui tirait la langue pour le narguer, sans faire attention à ce qu'il y avait devant lui. Au goût de son amie et du monstre à plumes, il s'approchait beaucoup trop du vide.

Orphée, fais attention à la falaise, tout de même ! cria la demoiselle pour être sûre de se faire entendre. Remarque qui fit hocher du chef le Palarticho.

Le jeune homme s'arrêta alors, se laissant mordiller le mollet par le lynx. Il était encore à quelques mètres du rebord de la falaise, bien en sécurité à son goût. En voyant comme la petite blonde s'était inquiétée pour lui pour si peu, il fut bien tenté de l'effrayer davantage, tout en montrant son courage par la même occasion.

Voyons, je ne suis pas un poltron ! Il m'en faut bien plus pour m'effrayer.

Sur ce, il recula d'un pas, puis d'un autre, faisant hausser le ton de la Solano.

Orphée, je t'en prie, cesse de faire l'enfant, tu n'as rien à me prouver ! commença-t-elle à s'énerver
Mais son copain l'ignorait, il continua de reculer, encore et encore, avant de se retrouver à seulement quelques millimètres du bord. Là, il daigna enfin s'arrêter, faisant une révérence pour bien montrer sa fierté. Lumière se sentit un peu rassurée, mais ne cacha pas son agacement. Amusé par cela, le Noctis entama la marche pour retourner auprès d'elle, ne pouvant pas attendre de la taquiner à ce sujet.

Le problème du calcaire, c'est que ça s'effrite facilement. Pas besoin d'une grande explosion : parfois, une petite pluie peut le fragiliser, voire en faire s'écrouler. Il suffit d'une pression de talon pour que tout un plan ne décide de céder sous le poids d'Orphée, l'entrainant dans sa chute. Jupiter fonça pour essayer de retenir son maître en croquant son pantalon, mais celui-ci se déchira, restant dans la gueule du félin impuissant.

Le petit cœur de Lumière sembla couler à la même vitesse que celle de son ami. Quand elle se leva pour foncer vers lui, elle ne le sentait même plus dans sa poitrine. Le canard la suivit, dans le même état de panique. Il se posa devant elle, l'empêchant d'approcher plus. Pas question qu'elle ne chute à son tour.
Elle appela le nom du garçon, rejointe par des miaulements plaintifs du lionceau qui regardait, confus, son humain inerte trente mètre sous ses pieds. Pas de réponse. Panique totale. Toujours avec un espoir stupide en tête, elle hurla au Pokémon bleu et noir d'aller chercher de l'aide, ce qu'il fit, même s'il aurait préféré aller rejoindre son dresseur pour s'assurer de son état. Julio, lui, ne bougea pas d'un pouce. Il resta collé à l'adolescente, l'enlaçant dans ses douces plumes.

Personne n'avait rien pu faire, adultes ou non. Lorsque les parents Solano et Noctis étaient arrivés, ils avaient trouvé Lumière évanoui à force d'avoir trop pleuré, le Palarticho caressant doucement sa chevelure, la même tristesse dans les yeux. Une famille fut presque rassurée, l'autre dévastée. La mise en terre eut lui quelques jours plus tard et pendant des mois, la fille fut privée de sortie, pas par punition mais par précaution. De toute façon, elle n'avait aucune envie de mettre un pied dehors. La falaise lui avait été formellement défendue à vie, et elle ne comptait pas y retourner une seule fois. Durant tout ce temps, Julio fut le seul apte à veiller sur elle. Il était le seul qui avait vraiment tout vu tandis qu'elle ne pouvait tout dire à ses proches, persuadée qu'elle aurait pu empêcher l'accident si elle avait agi au lieu de râler.

Un beau jour, on lui présenta Sirius, le grand frère d'Orphée. Elle l'avait déjà vu, mais surtout elle en avait entendu parler, tant son cadet l'admirait. Il revenait des terres sauvages, où il s'était rudement entraîné et serait alors le garde parfait pour elle. Elle sentit la colère monter en elle. On osait lui proposer de remplacer son ami de toujours par un vague sosie sous prétexte que LUI avait su survivre dans la nature ? On lui avait même confié Jupiter, qui fut les seules retrouvailles positives du moment.
L'aîné Noctis lui non plus n'était pas ravi de sa nouvelle position, n'ayant même pas eu le temps de réaliser ce qu'il était arrivé à son puiné. Quelle catastrophe s'il entendait la vérité ? Lumière se voyait déjà morte assassinée. Pour cette raison ainsi que par fureur, elle refusa de lui adresser la parole pendant presque un an.

De l'eau finit enfin par couler sous les ponts. Au fur et à mesure, la tension s'était dissipée et le nouveau duo osait se parler. Parfois, Sirius osait des taquineries qui faisaient bien peu rire la demoiselle, même si elle en reconnaissait l'effort. Ca se voyait qu'Orphée avait bien pris exemple. Sous trop d'aspect, elle le reconnaissait en lui, ce qui la forçait autant à s'y attacher qu'à se détester pour cette même raison. Elle n'osait même pas s'ouvrir à lui, sentant que par cet acte, elle laisserait complètement partir le lien exclusif qu'elle avait avec le benjamin Noctis. Au moins, ils se supportaient.

Contrairement à ses quinze premières années de vie où la surveillance qui pesait sur son dos lui était invisible, en seulement trente-six mois, elle s'était sentie totalement bridée par la présence du jeune homme veillant sur elle. Elle était presque majeure et pourtant, on ne la laissait jamais seule. Peu à peu, même Julio lui semblait discret par rapport à Sirius. Après tant de patience, celle-ci d'effrita et la blonde craqua. Assez de rester enfermée et de revoir à l'infini les mêmes lieux, de revenir avant le coucher du soleil tous les soirs, chronométrée par le gentilhomme aux cheveux gris... persuadée qu'elle saurait se gérer toute seule, discrètement, une nuit (seul moment où elle disposait d'un minimum d'intimité), elle se glissa hors de chez elle, furieuse, une valise à la main.
Avant qu'elle ne puisse franchir la porte, qu'elle déverrouilla, elle sentir une pression qui tira sa jupe en arrière. Elle sursauta, effrayée à l'idée de s'être faite attraper, avant de soupirer de soulagement, reconnaissant les superbes sourcils du Palarticho.

Désolée Julio, je n'en peux plus de cet endroit, que tu le veuilles ou non, je pars, tu pourras me picorer le crâne autant que tu veux, je ne changerai pas d'avis ! gronda-t-elle tout en se forçant à murmurer.

Le canard hésita, la fixant dans les yeux sous un silence brisé par le "tic tac" de l'horloge en chêne massif qui tronait dans le hall. Lorsqu'il brisa le contact visuel, l'oiseau s'engouffra par la sortie et fit signe à sa dresseuse de le suivre. Elle sourit d'une oreille à l'autre. Enfin quelqu'un la soutenait. Il avait promis au père Solano de veiller sur elle, et faire attention à ses désirs en faisait partie. Il ne la laisserait pas rester malheureuse, mais ne la laisserait pas partir sans lui pour autant.
Le duo fila vers le port, non sans peine. Heureusement, Julio avait déjà fait le chemin avec son maître. Seule, Lumière n'aurait eu aucune chance de ne pas se perdre. Une bonne somme d'argent dérobé en main, elle put se faufiler, légalement cette fois, dans le prochain navire à lever l'ancre. Elle ne connaissait même pas la région de Salva, mais tant mieux. Cela voulait dire que c'était loin on qu'on n'irait pas l'y chercher.

A l'arrivée, c'est un mélange d'excitation de d'angoisse qui l'avait prise. Elle avait visiblement bien choisi au hasard : le bateau arrivait sur une superbe ville, pas trop perdue, pas trop intimidante, exactement ce qu'il lui fallait. Elle se serait sentie bien bête d'arriver dans une zone sauvage où reignaient les Pokémon agressifs. Mais alors qu'elle s'avançait davantage, sa joie retomba d'un coup, laissant place à la panique. Sa valise. Celle qu'elle s'était mis tant de mal à remplir avant de partir... elle n'était pas dans sa main ! Elle retourna en arrière pour se précipiter vers sa cabine, espérant y trouver sa serviette simplement oubliée là... sans succès. Elle avait dû la laisser à Galar au moment d'acheter son billet. En plus de contenir ses vêtements, elle y avait tout engouffré sans distinction, produits d'hygiène, de beauté, nourriture, argent... qu'allait-elle devenir sans ressources et seule ? Parlaient-ils au moins une des langues qu'elle avait apprises ici ?
Alors qu'elle se maudissait, le Palarticho cancanna de surprise. Elle se retourna subitement, avant de voir la personne qu'elle craignait le plus de voir à ce moment : ce maudit Sirius ! Comment l'avait-il trouvée ? L'avait-il suivie ? Pourquoi ne pas lui avoir adressé la parole ou ramenée chez elle ? Aucun mot ne fut échangé... dans un grand silence, il tendit le bras, au bout duquel il tenait une certaine valise. Dépitée, Lumière la saisit, lança un regard mauvais à son sauveur avant de grogner un "merci".

Que ferait-elle sans lui ?

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